LE MARÉCHAL HAFTAR, L’ANCIEN JOKER AMÉRICAIN BIENTÔT MAÎTRE D’UNE LIBYE EN CENDRES
Depuis l’éclosion de la seconde guerre
civile libyenne en 2014, le maréchal Haftar s’est imposé comme l’homme
incontournable du pays. Il ne s’agit pas d’un personnage neuf dans le monde
politique libyen. Ancien protégé des États-Unis qui comptaient sur lui pour
renverser le régime de Muhammar Kadhafi, il est aujourd’hui porté par des
forces géopolitiques multiples et contradictoires. Retour sur un
personnage au passé trouble dont le rôle aujourd’hui est bien loin du sauveur
providentiel qui lui est assigné.
UN PASSÉ TROUBLE
Khalifa Haftar naît le 7 novembre 1943 à
Syrte. Il s’agit d’un membre de la tribu des Ferjani, dont le fief se situe
dans la région de sa ville natale, et qui est également la région des Gaddhafa,
la tribu de Kadhafi. En Libye, l’appartenance tribale est un élément
constitutif de l’identité de l’individu et joue très profondément sur les
ressentis et les comportements des Libyens. Ainsi, le fait que Kadhafi et
Haftar soient issus de deux tribus qui sont implantées dans le même territoire
a un impact profond sur les relations entre les deux hommes.
En 1963, Haftar fait la connaissance de
Kadhafi au sein de l’armée royale libyenne (le régime en place est alors une
monarchie). Très vite, le jeune militaire rejoint le colonel Kadhafi dans son
entreprise de renversement de la monarchie : le 1er Septembre 1969, le roi Idris Ier est
renversé et Muhammar Kadhafi prend la tête de l’État. Très vite, Haftar gravit
les échelons du régime kadhafiste. Il s’illustre durant la guerre du Kippour
(opposant Israël à l’Egypte du 6 au 24 Octobre 1973) à la tête d’un contingent
de chars libyens. Quelques années plus tard, il est envoyé en Union Soviétique
parfaire sa formation militaire.
Finalement, à l’aube des années 80, Haftar
devient l’homme de confiance de Kadhafi. Il est le grand ordonnateur des
expéditions militaires de Kadhafi au Tchad, alors que son régime maintient une
présence dans la bande d’Aozou. Il s’agit d’une portion de territoire de 100km
de long à la frontière libyenne revendiquée par le régime kadhafiste. En 1976,
Kadhafi envahit la bande et l’annexe. L’armée libyenne y maintient une présence
constante.
Cependant, les ambitions kadhafistes d’une
hégémonie libyenne sur son flanc sud se heurte aux français, désireux de
maintenir leur domination dans leur ancien espace colonial. La force libyenne
est rapidement dépassée par les Tchadiens appuyés par les Français et les
Américains, et Haftar est fait prisonnier à N’Djamena en Avril 1987. Prisonnier
des tchadiens, Haftar renie son ancienne allégeance à Kadhafi, et organise une
« force Haftar », appuyée par ses nouveaux alliés tchadiens et
occidentaux, dans le but de renverser Kadhafi. En 1990, Haftar sera chassé du
Tchad par un Idriss Déby désireux de ne pas trop froisser son puissant voisin
du nord.
Haftar devient, à ce moment, l’un des
opposants les plus importants à Kadhafi, et devient lié aux intérêts américains
dans la région.
Haftar devient, à ce moment, l’un des
opposants les plus importants à Kadhafi, et devient lié aux intérêts américains
dans la région. Il est vite extradé aux États-Unis où il réside près de
Langley, en Virginie, lieu du siège de la CIA. Il tente bien un coup d’État en
1993 qui avorte rapidement. À partir de là, Haftar n’est plus actif
politiquement tandis que les américains le voient comme un joker de réserve
prêt à être déployé dès que le moment sera venu.
LE RETOUR D’HAFTAR
L’éclatement de la guerre civile en 2011
voit le « joker Haftar » revenir dans le jeu libyen avec la
bénédiction des Américains. Très vite, il devient l’une des figures
emblématiques de la rébellion au niveau militaire. Après la mort de Kadhafi le
20 octobre 2011, Haftar est à deux doigts de devenir chef d’État-major de
l’armée, mais il est bloqué par les islamistes qui y voient les intérêts
américains propulsés au plus haut sommet de l’armée. Désavoué par le conseil
national de transition (CNT), Haftar se retire de toutes ses fonctions militaires,
puis, retourne dans sa maison en Virginie. De 2011 à 2013, il reprend donc son
rôle de « joker » au service des américains.
En 2014, Haftar revient dans le jeu
politique libyen. Devant l’incapacité de l’État à unifier les groupes armés qui
sont issus de la première guerre civile, Haftar se donne pour mission de
réaliser cette tâche. Le but est clair : il s’agit de détruire les
coalitions islamistes qui contrôlent des pans entiers du territoire libyen.
L’objectif est de stopper l’élan d’Al Qaida.
Haftar, malgré l’évidence, a toujours nié
une tentative de coup d’État, et subordonne ses actions à la nécessité de la
lutte contre le terrorisme qu’il utilisera toujours comme un épouvantail afin
de justifier toutes ses actions.
Pour arriver à ses fins, Haftar ne lésine
devant aucun moyen, quitte à remettre en question la légalité étatique. Le 14
Février 2014, il annonce le gel provisoire des fonctions du gouvernement et de
la constitution. Le 18 Mai, ses forces attaquent le parlement de Tripoli tout
en menaçant d’une offensive contre les islamistes de Benghazi. Haftar, malgré
l’évidence, a toujours nié une tentative de coup d’État, et subordonne ses
actions à la nécessité de la lutte contre le terrorisme qu’il utilisera
toujours comme un épouvantail afin de justifier toutes ses actions.
À l’été 2014, la situation libyenne a tout
d’un chaos inextricable : le gouvernement national d’accord (GNA à
Tripoli), et le gouvernement de l’est à Tobrouk s’affrontent pour la direction
de la Libye. C’est le début de la seconde guerre civile libyenne. Le sud voit
s’affronter des milices Touaregs et Toubous dans une guerre inconnue mais très
sanglante, tandis que le groupe Ansar al Sharia lié à Al Qaida annonce la
formation d’un émirat islamique en Cyrénaïque. Cette année voit également
l’organisation État islamique (OEI) établir une tête de pont à Derna en
Cyrénaïque (est du pays).
Dans cette tourmente, Haftar s’impose comme
l’une des figures militaires majeures du pays. Son « armée nationale
libyenne » (ANL) supporte le gouvernement de l’est à Tobrouk, qui le lui
rend bien : il est promu maréchal en septembre 2016. En théorie, il n’est
que le chef militaire de la branche armée du Parlement de Tobrouk, l’ANL. En
pratique, il se comporte comme un véritable chef d’État, et devient
l’interlocuteur principal des acteurs locaux et des puissances étrangères au
niveau diplomatique.
La contribution d’Haftar à la lutte contre
le terrorisme est réelle bien que limitée. Il a en effet pacifié la Cyrénaïque
en libérant Benghazi de l’emprise des islamistes et des djihadistes. De même,
la ville de Derna, bastion d’Al Qaida et berceau du djihadisme libyen, passe
sous le contrôle de l’ANL après un siège long et difficile. De la même façon,
l’irruption de l’armée d’Haftar à l’hiver dernier dans le grand sud libyen lui
a permis de décapiter le commandement d’Al Qaida dans la région dont les
membres ne se cachaient pas et étaient connus publiquement. Pour autant, ses
succès face à Daesh sont bien plus limités. Si Haftar a vaincu des éléments de
Daesh coalisés avec d’autres groupes islamistes à Benghazi, il n’est pas à
l’origine de la chute du bastion de terroristes à Syrte en décembre 2016. Ce
succès revient aux brigades de Misrata, qui soutiennent le gouvernement d’union
nationale de Fayez El Sarraj à Tripoli à l’ouest. Les troupes d’Haftar sont
incapables d’évincer Daesh du centre du pays où le groupe a trouvé refuge
auprès des tribus locales. Elles se montrent incapables de repousser les raids
incessants de l’EI en direction des champs pétroliers depuis 2016, et ne
trouvent pas de solutions, aujourd’hui, à une insurrection qui prend de
l’ampleur dans le sud du pays. Désormais, les troupes de l’EI n’hésitent pas a
attaquer les troupes de l’ANL dans le grand sud libyen au sein de leurs bases.
L’ARMÉE NATIONALE LIBYENNE, UN
COLOSSE AU PIED D’ARGILE
La grande armée d’Haftar, l’armée nationale
libyenne (ANL), qui parait si redoutable sur le papier, ne résiste pas au choc
de la réalité. Cette milice qui a bien réussi se base autour d’une composante
forte, qui est la tribu d’origine d’Haftar, les Ferjani. Ce sont eux qui
trustent la plupart des grands postes au sein de l’ANL, et qui tiennent l’armée
au nom d’Haftar. D’emblée, nous nous trouvons devant un premier paradoxe :
Haftar n’est pas né dans cette Cyrénaïque qui est le bastion de l’ANL, et
apparaît comme un étranger aux yeux de la population. Les acteurs libyens de
l’est du pays tolèrent donc la présence d’Haftar, tout en lui reconnaissant sa
qualité de héros face à la menace djihadiste. Néanmoins, pour être
véritablement ancrée dans l’est du pays, l’ANL doit trouver des figures lcales.
Abelsallam al-Hassi, général considéré comme le « bras droit »
d’Haftar, en est un bon exemple. Né dans l’est du pays, al Hassi s’est fait
connaitre des Occidentaux dès 2011 ou il a officié en tant qu’agent de liaison
entre l’armée rebelle et l’OTAN dans le cadre des frappes aériennes de
l’alliance sur les positions kadhafistes. Il apparaît comme le successeur
plébiscité par les occidentaux comme par la grande majorité de l’ANL.
Pour autant, une telle succession
laisserait de côté la tribu d’Haftar, les Ferjani. S’ils occupent aujourd’hui
des postes à responsabilité et constituent la tête de l’ANL, l’arrivée d’al
Hassi au pouvoir va amener les membres de sa tribu, les Hassa, à revendiquer
des postes. Il est peu probable que les Ferjani laissent le pouvoir leur
échapper des mains. Ils sont emmenés par les fils du maréchal qui sont
officiers dans l’armée, conseillers, ou lobbyistes vers l’étranger, tous, au
service du clan familial et de sa tribu. Le grand favori des intérêts de la
tribu Ferjani est Aoun Ferjani, conseiller proche du vieux maréchal.
Le maréchal Haftar a 75 ans et sa santé est
déclinante. En Avril 2018, il a été hospitalisé à Paris après un accident
cardiaque assez grave où il serait tombé dans le coma. La succession est donc
clairement une affaire pressante au sein de l’armée nationale libyenne, mais
peut déboucher sur des événements catastrophiques.
·
Si le clan d’Haftar, les Ferjani, sécurise
la succession, les tribus de l’est emmenées par Al Hassi vont être écartées de
la direction de l’armée, et donc se rebeller.
·
Si les Hassa passent, ce seront les Ferjani
qui seront dans cette position.
Ainsi, la succession, au mieux, débouchera
sur un affaiblissement interne de l’ANL qui perdra une partie de ses soutiens.
Au pire, cela peut déboucher sur une guerre interne qui fera exploser l’ANL
entre les tribus de l’est et du centre du pays.
Ainsi, la succession, au mieux, débouchera
sur un affaiblissement interne de l’ANL qui perdra une partie de ses soutiens.
Au pire, cela peut déboucher sur une guerre interne qui fera exploser l’ANL
entre les tribus de l’est et du centre du pays. Néanmoins, la solution la plus
probable serait un compromis momentané, car aucune des deux parties n’a intérêt
à faire exploser cette armée. En effet, les tribus du centre du pays autour de
la région de Syrte sont encore exposées aux raids de Daesh en provenance du
désert libyen. De même, les forces de l’est du pays n’auraient aucun allié pour
s’opposer aux makhdalistes, secte salafiste qui prend une importance de plus en
plus forte dans la société libyenne.
Qu’Haftar annonce combattre l’islamisme et
le djihadisme et s’acoquine avec une secte salafiste pour garantir la paix dans
les zones sous son contrôle n’est qu’un des nombreux paradoxes auxquels le
conflit libyen nous a habitués.
De même, le maréchal Haftar, s’il est
indéniablement populaire en Cyrénaïque, doit composer avec des forces
politiques bien définies pour éviter que son règne ne se délite. Les
makhdalistes sont un bon exemple. Il s’agit de salafistes qui se sont ralliés à
Haftar dans sa guerre contre le djihadisme. Leur ralliement a payé : il
s’agit de la seule force salafiste à être véritablement puissante dans la Libye
d’Haftar. Les frères musulmans ont été chassés de Cyrénaïque pour trouver
refuge à l’ouest dans le gouvernement de Tripoli, tandis qu’Al Qaida et Daesh
ont été chassés vers le désert libyen et le sud du pays. Haftar passe donc un
accord avec ces salafistes : en échange de la paix sociale, les salafistes
ont carte blanche pour développer leur prosélytisme et influer sur le travail
législatif. Par exemple, en 2017, une loi a interdit les femmes de moins de 60
ans de prendre l’avion seules. Dans les mosquées, la présence des salafistes
est tellement importante que les autres courants de l’islam sont obligés de
passer dans la clandestinité. Le soufisme, un courant de l’islam centré sur la
mystique, et historiquement très présent en Libye, est ardemment combattu.
Qu’Haftar annonce combattre l’islamisme et le djihadisme et s’acoquine avec une
secte salafiste pour garantir la paix dans les zones sous son contrôle n’est
qu’un des nombreux paradoxes auxquels le conflit libyen nous a habitués.
Nous sommes encore devant une autre ironie
de l’histoire : que celui qui ai trahit son mentor et participé à son renversement
apparaisse aujourd’hui, pour nombre de kadhafistes, comme son héritier
politique.
De même, le maréchal Haftar compte dans ses
rangs de nombreux kadhafistes. Les kadhafistes sont encore très nombreux dans
le pays. Ils soutiennent un pouvoir fort sur le modèle de la Jamahiriya arabe
libyenne de Kadhafi, c’est-à-dire une dictature autoritaire et un État capable
de maintenir la cohésion tribale du pays tout en excluant les étrangers du jeu
politique interne. Les kadhafistes associés à Haftar voient, aujourd’hui, le
vieux maréchal comme l’homme le plus à même de remplir ces critères. Il arrive
à maintenir la cohésion tribale à l’intérieur de l’armée, domestique
temporairement ses éléments salafistes, et joue des rivalités entre les grandes
puissances afin de garder une autonomie relative. Pour autant, les kadhafistes
n’oublient pas la trahison d’Haftar à l’égard de Kadhafi à la fin des années
1980, ni sa participation militaire au renversement du guide libyen en 2011.
Nous sommes encore devant une autre ironie de l’histoire : que celui qui
ai trahit son mentor et participé à son renversement apparaisse aujourd’hui,
pour nombre de kadhafistes, comme son héritier politique. L’autre grande figure
des kadhafistes, le fils de l’ancien dictateur, Saif al islam Kadhafi, est
traité comme un paria par la société internationale et a peu de chances de
revenir sans s’attirer les foudres des occidentaux.
Enfin le maréchal Haftar, en dehors de son
bastion de l’est, tient les régions qu’il contrôle grâce à l’argent du pétrole.
Ainsi, le pétrole de Cyrénaïque sert à acheter les différentes tribus libyennes
du centre, qui laissent les forces d’Haftar passer au travers de leurs
territoires. Les tentatives de pénétration d’Haftar dans cet espace ne sont pas
nouvelles, mais les tribus se sont révélées être des adversaires trop forts
pour le maréchal. Le pétrole permet donc ce que la force lui refuse. Néanmoins,
cela n’empêche pas certaines de ces tribus d’abriter les éléments de Daesh qui
officient depuis ces mêmes zones.
Le pétrole du centre du pays ainsi sécurisé par les troupes d’Haftar sert à
alimenter le second niveau des conquêtes du maréchal, c’est-à-dire le sud du
pays. Haftar déboule donc dans un espace libyen déjà fragmenté. Les tribus,
milices, et organisations locales sont, pour la plupart, ralliées au maréchal.
La résistance à l’armée nationale libyenne est donc faible. Néanmoins, les
forces d’Haftar n’occupent que les grands axes routiers. Les Toubous (une
ethnie à cheval entre le Tchad et le Niger), à l’est, et les Touaregs, à
l’ouest, continuent à jouir d’un espace libre. La conquête, même imparfaite, du
sud, permet à Haftar de sécuriser des gisements pétroliers. Ce pétrole, à
nouveau, sert à paver les prochaines conquêtes. Les milices qui sont sur la
route entre le sud du pays et la Tripolitaine sont à nouveau achetées. L’ANL
peut donc déboucher directement au sud de Tripoli sans opposition forte.
UN POUVOIR FRAGILE
Néanmoins, la force de l’ANL au niveau
économique est à mettre en exergue avec sa faiblesse militaire. Haftar n’a pas
réussi à battre totalement les Touaregs et les Toubous. Il ne peut pas empêcher
les attaques de Daesh sur ses arrières, dont l’insurrection a pris un coup
d’accélérateur dans le grand sud libyen. Enfin, débouchant sur Tripoli, il
s’est englué dans une guerre de tranchées qui s’éternise avec le gouvernement
de Tripoli. On remarque donc que, dans tous les engagements militaires
d’envergure, l’armée nationale libyenne n’est pas le rouleau compresseur que
l’on croit.
La dimension internationale du conflit est
donc un autre facteur de cette guerre civile, qui doit déjà composer avec ce
mille-feuille ethnique, religieux, tribal et politique.
Pour le maréchal Haftar, la situation est
donc beaucoup plus fragile qu’il n’apparaît. Les acteurs qui le soutiennent
aujourd’hui sont soit achetés, soit partenaires dans le cadre d’un accord, soit
soumis faute de mieux. Ses partenaires étrangers (France, Egypte, Russie Arabie
saoudite, émirats arabes unis) l’appuient sans réserve, et fournissent au
maréchal ce dont il a besoin pour maintenir son armée à flot et parachever la
conquête du pays. Si le GNA n’était pas appuyé par l’ONU, la Turquie, le Qatar,
l’Italie, l’Algérie et la Tunisie, Haftar serait déjà le grand gagnant de la
guerre. Les Etats-Unis maintiennent des contacts avec les deux entités, mais
penchent davantage du côté d’Haftar. La dimension internationale du conflit est
donc un autre facteur de cette guerre civile, qui doit déjà composer avec ce
mille-feuille ethnique, religieux, tribal et politique.
Son pouvoir provient donc de la force
théorique de son armée, et de sa manne pétrolière, dont les installations en
Cyrénaïque sont protégées par des mercenaires tchétchènes. Néanmoins, son armée
est tellement faible que des mercenaires soudanais et tchadiens participent aux
combats.
Dans ce cadre-là, une confrontation
statique entre l’ANL et le GNA est un scénario auquel Haftar est clairement
perdant en Libye.
Dans ce cadre-là, une confrontation
statique entre l’ANL et le GNA est un scénario auquel Haftar est clairement
perdant en Libye. Si l’ANL venait à essuyer une défaite, l’armée perdrait son
prestige auprès d’acteurs qui n’auraient aucun intérêt à poursuivre une
politique de connivence. Daesh a très vite compris les implications politiques
de la guerre statique qui se poursuit au sud de Tripoli, en se posant comme le
héraut de l’insurrection dans le grand sud libyen. Une poursuite du statu quo
va donc probablement voir le grand sud libyen se détacher de l’ANL et retourner
à son niveau antérieur : un espace partagé entre les Touaregs, les
Toubous, les tribus, les milices, et – fait nouveau -Daesh.
Il y a donc de grandes chances qu’une
poursuite des combats sans gagnants fasse perdre à Haftar la majorité des
conquêtes qu’il a réalisées depuis l’hiver dernier, et le renvoie dans son
bastion de l’est. Le gouvernement de Tripoli et lui-même le savent, ce qui
résulte de combats particulièrement durs sur la ligne du front, avec
utilisation de blindés, de l’aviation et de l’artillerie. Dans ce maelstrom,
les civils et les migrants sont particulièrement touchés.
Même si Haftar prend Tripoli et devient le
dirigeant d’un pays en cendres, la stabilité du pays est loin d’être acquise.
Même si Haftar prend Tripoli et devient le
dirigeant d’un pays en cendres, la stabilité du pays est loin d’être acquise.
Le maréchal est vieux, et les possibilités d’une guerre interne à l’ANL en cas
de décès sont réelles. De même, la question du son rôle politique face aux
institutions démocratiques se pose particulièrement. Enfin, l’accaparement des
ressources du pays par les occidentaux est un secret de polichinelle, et il
apparaît clairement que la Libye d’Haftar verra l’Occident mettre la main sur
le pétrole libyen. Enfin, la force de la secte makhdaliste est difficile à
contenir et peut devenir hors de contrôle. Bien sûr, dans le grand sud, Haftar
n’a pas, et n’aura pas les moyens de faire de cette région autre chose qu’un
pays d’occupation. Dans cette optique, Daesh continuera à se développer en
l’absence d’État et de futurs pour les habitants de cette région.
Présenté comme un homme providentiel qui
pourrait mettre fin à la guerre civile libyenne, Haftar n’en est finalement
qu’un facteur d’aggravation.