Irak : les deux derniers Français jugés pour appartenance à l’EI également condamnés à mort
Les deux derniers Français jugés en Irak – Bilel Kabaoui,
32 ans, et Mourad Delhomme, 41 ans –, ont été condamnés,
lundi 3 juin, en première instance, à la peine de mort pour leur appartenance
au groupe Etat islamique (EI) par le tribunal antiterroriste de Bagdad, qui
avait déjà condamné à mort neuf de leurs compatriotes.
Mourad Delhomme, Français né en Algérie
en 1978, a exercé, selon le Centre d’analyse du terrorisme (CAT) sis à
Paris, les fonctions de juge au sein des tribunaux de l’EI, qui ordonnaient
régulièrement châtiments corporels et exécutions sommaires. Il est présenté par
le renseignement comme un « vétéran du djihad ». Bilel Kabaoui,
originaire de la région parisienne, a rejoint le territoire de l’EI durant
l’été 2014, de même source.
D’autres Français pourraient être jugés
Douze hommes ont été transférés ensemble à
la fin de janvier de la Syrie vers l’Irak et ont été jugés à Bagdad depuis
dimanche dernier. Les onze Français et un Tunisien – un temps présenté comme
Français – ont été condamnés à la peine capitale. Ils ont
trente jours pour faire appel.
Ils ont été jugés en Irak car les autorités
kurdes de Syrie qui les détenaient ne représentent pas un Etat, et Paris
n’entretient pas de relations diplomatiques avec le régime de Damas. La loi
irakienne prévoit jusqu’à la peine de mort pour quiconque est reconnu coupable
d’appartenance à une organisation « terroriste », que
l’accusé ait, ou non, combattu.
Laurent Nunez, secrétaire d’Etat auprès du
ministre de l’intérieur, a estimé dimanche que « d’autres » Français « pourraient
être jugés »en Irak, sans avancer de chiffres. Environ
450 Français liés à l’EI sont toujours retenus en Syrie.
Justice « expéditive »
Cette semaine de procès a relancé le débat
sur ces étrangers de l’EI dont le retour au pays suscite un vif rejet dans les
opinions publiques européennes.
La France se trouve devant un
paradoxe : elle ne veut pas juger ses ressortissants, mais elle est
opposée par principe à la peine de mort. Paris dit donc intervenir « au plus haut niveau » pour éviter qu’ils ne soient pendus – sans toutefois contester l’« équité » des procès.
Selon Human Rights Watch (HRW) toutefois,
les procès irakiens présentent de « graves lacunes », et
ont donné lieu à des actes de « torture ». Cette ONG des
droits humains a exhorté Paris à ne pas « sous-traiter la
gestion » de ses ressortissants alors que la France a fermement
exclu leur rapatriement et leur jugement sur son sol, réclamé par les avocats
des familles, qui dénoncent une justice « expéditive » en
Irak.
Les neuf Français et le Tunisien condamnés
à mort depuis dimanche avaient tous été assistés par des avocats commis
d’office – à l’exception de deux ayant un avocat irakien et un avocat français
– qui ne les ont pas rencontrés et n’ont consulté leur dossier que quelques
minutes avant leur unique audience. A plusieurs reprises même, le juge a dû
intervenir car les questions de ces avocats allaient en fait à l’encontre de
l’intérêt des accusés.
Depuis 2018, l’Irak a condamné plus de
500 étrangers de l’EI. Jusqu’ici, aucun des étrangers condamnés à
mort n’a été exécuté. Une Allemande a même vu sa peine commuée en prison à
perpétuité en appel.