Bilel Kabaoui, 32 ans, ainsi que Mourad Delhomme, 41 ans et présenté par le renseignement comme un "vétéran du jihad", ont écopé lundi 3 juin de la peine capitale, prévue par la loi irakienne pour quiconque a rejoint une organisation "terroriste", qu'il ait ou non combattu.
Avec ces derniers verdicts, 11 Français et un Tunisien au total, transférés ensemble fin janvier de Syrie vers l'Irak, ont été condamnés à la mort par pendaison pour "appartenance au groupe État islamique" par le tribunal antiterroriste de Karkh de Bagdad. Ces jugements de première instance, rendus depuis le 26 mai, sont susceptibles d'appel sous 30 jours.
Ces 12 membres de l'organisation État islamique (OEI) étaient jugés en Irak car les autorités kurdes de Syrie qui les détenaient ne représentent pas un État. Paris n'entretient par ailleurs aucune relation diplomatique avec Damas.
Pour des États qui, comme la France, refusent de juger et donc de rapatrier leurs ressortissants liés à l'OEI détenus en Irak ou par les Kurdes de Syrie, leur procès par Bagdad est une alternative. Début avril, des sources gouvernementales irakiennes avaient d'ailleurs indiqué à l'AFP avoir proposé de juger l'ensemble des jihadistes étrangers retenus en Syrie, contre paiement de deux millions de dollars par personne, à la charge des pays d'origine.
"L'équité" des procès irakien mise en doute
Laurent Nuñez, secrétaire d'État français à l'Intérieur, a estimé, dimanche, que "d'autres" Français "pourraient être jugés" en Irak, alors qu'environ 450 Français liés à l'OEI sont toujours retenus en Syrie. "Je ne peux pas vous donner le chiffre précis mais on aura d'autres individus qui seront jugés par la justice irakienne", a-t-il ajouté.
Les avocats des familles de jihadistes présumés et les défenseurs des droits humains, en revanche, mettent en garde contre cette option, démentant les assurances de Paris sur "l'équité" des procès irakiens. Selon Human Rights Watch (HRW), ces procédures judiciaires présentent de "graves lacunes", un recours à la "torture", et la France ne devrait pas "sous-traiter la gestion" de ses ressortissants à l'Irak.
Avec des opinions publiques en Europe fortement hostiles à tout rapatriement de jihadistes, les autorités françaises se trouvent face à un dilemme : elles ne veulent pas juger leurs ressortissants, mais refusent la condamnation à mort, l'abolition de la peine capitale dans le monde étant une constante de la diplomatie française.
Paris assure donc intervenir "au plus haut niveau" pour éviter qu'ils ne soient pendus, tout en soulignant que leurs procès se sont tenus "dans de bonnes conditions, avec une défense présente".
Plus de 500 étrangers condamnés depuis 2018
Les neuf Français et le Tunisien condamnés à mort avaient tous été assistés par des avocats commis d'office – à l'exception de deux ayant un avocat irakien et un avocat français.
Les avocats commis d'office n'ont pas rencontré leurs clients et n'ont consulté leurs dossiers que quelques minutes avant leur unique audience. À plusieurs reprises même, le juge a dû intervenir car les questions de ces avocats allaient en fait à l'encontre de l'intérêt des accusés.
Depuis 2018, l'Irak a condamné plus de 500 étrangers de l'OEI, hommes et femmes confondus. Dimanche encore, une Allemande d'une vingtaine d'années a été condamnée à 15 ans de prison par l'autre cour antiterroriste de Bagdad pour avoir rejoint l'OEI.
Jusqu'ici, aucun des étrangers condamnés à mort n'a été exécuté. Une autre Allemande a même vu sa peine commuée en prison à perpétuité en appel.