Publié par CEMO Centre - Paris
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L'acien sous-secrétaire à la sécurité d'Etat égyptien dans une interview à "Al-Marji'e" le général Mohamed Sadek dévoile les coulisses des groupes terroristes

jeudi 28/juin/2018 - 12:26
La Reference
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Interview faite par Walid Mansour

 

 

Il est un des plus importants experts dans le dossier sécuritaire en Egypte. Il est également un des responsables de la sécurité dans le pays au cours des années 90 du siècle dernier. L'Egypte a connu plusieurs attentats terrorites au cours de cette période. C'est le général Mohamed Sadek, ancien assistant du ministre de l'Intérieur et également sous-secrétaire à l'ancien organe de la sécurité d'Etat.

Dans une interview révélatrice faite par "Al-Marji'e", le responsable sécuritaire dévoile la vérité des débats intellectuels faits avec la Jamaa Islamiya. Le général Mohamed Sadek était en fait considéré comme un des plus éminents responsables au ministère de l'Intérieur, ayant supervisé ces débats.

Il confirme que l'affrontement intellectuel avec les groupes armés porte souvent ses fruits plus que ne le fait l'affrontement sécuritaire.

Plus de détails dans l'interview ci-suit :

 

 

* Au début, que pouvez-vous nous dire autour de l'histoire des groupes takfiristes et djihadistes en Egypte ?

 

** Le premier groupe djihadiste en Egypte, considéré proprement dit comme takfiriste, remonte aux années 70 du sicèle dernier. Ce groupe a commencé sous le nom de "L'organisation technique militaire". Ìl était dirigé par le Syrien d'origine palestinienne, Saleh Sariya. Les enquêtes faites par le Parquet ont prouvé l'inculpation de Sariya- en collaboration avec les Frères- dans des attentats terroristes en 1974.

Après l'organisation technique militaire, le groupe "Al-Takfir wal hijra" a émergé, sous la direction de Choucri Mostafa. Cette organisation a été créée en 1977, suivie de celle du "Djihad" en 1979. Cette dernière a réussi à s'emparer d'une arme militaire de la garde du consulat britannique, après avoir tué le soldat de la garde. Ce groupe a ensuite assassiné le président Mohamed Anwar As-Sadate, dans l'attentat connu par "Al-Minassa" (Mémorial). 24 présumés dans cet attentat , dont entre autres, Khaled Al-Islamboully, ont traduit devant la Justice militaire. Ils ont été également soumis à un autre procès devant la Haute Cour de la sécurité d'Etat.

 

 

* En tant qu'un des responsables ayant supervisé les débats intellectuels des groupes djihadistes, pouvez-vous nous dire si de pareils débats avec les Frères pourraient-ils réussir ?

 

** La question là est différente. Les groupes djihadistes dans les années 90 n'avaient pas une organisation internationale qui décidait de leur sort ou dictait leurs activités. Tous les dirigeants étaient emprisonnés. Mais les Frères ne peuvent pas à présent adopter une résolution selon les débats intellectuels, sans consulter les responsables de l'organisation internationale des Frères.

 

 

* Pensez-vous que les Frères sont inculpés dans les attentats terroristes perpétrés au Sinaï ?

 

** Au début, tout le monde doit savoir que tous les groupes terroristes sont des filiales diaboliques du groupe des Frères, imprégnées d'idées djihadistes et takfiristes de Sayed Qotb. Mais ce que nos Forces Armées font à présent au Sinaï, ne se limitent pas à des affrontement avec des groupes terroristes, mais c'est plutôt une vraie guerre entre l'Egypte et plusieurs pays et services de renseignements étrangers, visant à épuiser l'Armée égyptienne.

 

 

Le terrorisme dans les années 90

 

* Pourquoi les terroristes ont-ils réussi à perpétrer plusieurs attentats contre l'Etat, précisément dans les années 90 ?

 

** Dans les années 90 et parallèlement au retour de nombreux djihadistes de la guerre en Afghanistan, et après la dissolution de l'Union Soviétique, les attaques des groupes djihadistes se sont multipliées. Ces groupes mandatés par Israël et les Etats-Unis, entraient dans des guerres. Ainsi, les services israéliens de renseignements (Mossad) et ceux des Etats-Unis (CIA) ont-ils réussi à recruter des combattants arabes pour les faire intégrer dans les rangs des terroristes d'Afghanistan. C'est au cours de cette période que la Jamaa Islamiya avait commis la boucherie d'Al-Deir Al-Bahari et des églises en Haute-Egypte.

 

 

* Avez-vous eu des affrontements avec certains de ces groupes ?

 

** Oui. J'étais un des policiers ayant arrêté le groupe "Al-Takfir wal Hijra", qui a tué l'imam Mohamed Al-Zahabi (ancien ministre des Waqfs), en juillet 1977. Al-Zahabi a écrit des livres attaquant la pensée takfiriste. J'ai donc arrêté les éléments de ce groupe dans la rue Al-Andalus au quartier d'Al-Haram. Ils planifiaient pour jeter le corps de l'imam Al-Zahabi dans le canal Al-Zomor à Omraniya. Mostafa Abdel Mohsen était parmi les éléments arrêtés.

Je me suis également occupé des attentats manqués contre l'écrivain journaliste Makram Mohamed Ahmed, les anciens ministres de l'Intérieur, les généraux Hassan Abou Bacha et Nabawi Ismaïl. J'ai pourchassé Magdi Al-Safti, un des dirigeants de cette organisation, qui avait réussi à s'enfuir en 1988 vers la Libye, mais lorsqu'il est rentré, jai réussi à l'arrêter en 1992.

J'ai également pris part à l'arrestation des membres de l'organisation "Les rescapés de l'enfer" et ceux du groupe "La pause et la révélation" (Al-Tawaqof wa Al-Tabayon), qui dit : "On ne peut reconnaître l'islam de tous les musulmans d'Egypte, à moins que leur vérité ne soit révélée".

Tous les fondateurs de ces groupes étaient des membres dans la confrérie des Fères. Après leur libération, ils ont été influencés par la pensée de Sayed Qotb, et chacun d'eux a créé un groupe, adoptant la pensée takfiriste et la violence contre l'Etat.

 

 

L'attentat d'Al-Minassa (Le Mémorial)

 

* Parlez-nous de l'assassinat du feu Anouwar As-Sadate, ou "l'attentat d'Al-Minassa", comme il est généralement connu.

 

** Je suis allé pour inspecter la maison d'Abboud Al-Zomor, 13 jours avant l'assassinat de Sadate. Nous avons reçu des informations sur des préparatifs faits par l'organisation du Djihad- qui groupait dans ses rangs Abboud et Tarek Al-Zomor. Nous avons trouvé alors des documents dangereux qui révèlent un complot pour l'assissinat du président lors d'une tournée qu'il devait effectuer à Mansoura pour inaugurer certains projets.

Mais le plan d'Al Djihad a été changé après l'adhésion de Khaled Al-Islamboully à l'organisation. Il a dit qu'il était un des participants à la parade militaire, mais qu'il allait s'excuser. De là est née l'idée de l'assissinat de Sadate en ce jour. L'attentat d'Al-Minassa a été exécuté par Al-Islamboully. Dans deux mois, nous avons arrêté Abboud et Tarek Al-Zomor et Abdallah Salem, dans un échange de tirs aves les forces de sécurité. Un circonscrit avait été tué dans ces affrontemnts.

Abboud Al-Zomor était un officier dans les services de renseignements militaires à cette époque. Il fréquentait la mosquée Anas Ibn Malek, dans la rue Irak au quartier de Mohandesin, où l'émir de cette organisation, Ibrahim Ezzat, donnait des prêches. L'écrivain du livre "L'obligation absente", Abdel Salam Farag s'était replié et isolé dans cette même mosquée. Ce livre est considéré comme une consititution pour les groupes djihadistes.

 

 

* Vous étiez inspecteur pour la sécurité d'Etat à Ménia dans les années 90. Avez-vous pris part à des initiatives avancées par la Jamaa Islamiya pour se réconcilier avec l'Etat ?

 

** Effectivement oui. Mais le problème qui faisait face à l'organe sécuritaire, était surtout le fait que plus de 4500 membres de la Jamaa Islamiya étaient détenus, juste en vertu de la loi d'urgence, parce qu'ils avaient pour leur plupart terminé la durée de leur peine. Le problème qui se dressait alors : "Qu'Irons-nous faire avec eux si l'état d'urgence est annulé ?"

De là, nous avons adopté une autre approche. Nous, en tant qu'une génération d'officiers de la sécurité d'Etat , qui sont convaincus que la pensée ne devrait être combattue que par la pensée, et que l'affrontement sécuritaire devrait succéder à l'affrontement intellectuel. Nous avons ainsi travaillé à préparer le climat pour les débats intellectuels.

Il y avait 13 dirigeants à la Jamaa Islamiya, dont à leur tête Ibrahim et Ossama Hafez, Karam Zohdi, Hamdi Abdel Rahmane et Fouad Al-Dawaliby. Ces dirigeants avaient demandé de leur apporter les principaux et plus importants livres islamiques, pour comparer leurs pensées avec celles incluses dans ces livres. En effet, ils se sont penchés, des mois durant, sur l'étude de ces livres.  Nous avons groupé ces éléments dans la prison "Al Aqrab", sans la connaissance de la Direction politique à l'époque. Ils sont entrés dans un débat dans lequel beaucoup de divergences et de disputes ont surgi au sein de la prison.

Nous leur avons assuré des contacts avec les dirigeants en fuite à l'étranger, et notamment en Afghanistan. Nous leur avons accordé l'occasion pour réviser leurs positions et leurs pensées et ils ont été en fin de compte convaincus de la nécessité de rejeter la violence. Nous leur avons permis de se déplacer entre les prisons pour discuter avec les membres de la Jamaa, afin de les convaincre, par l'argument, de rejeter nécessitement la violence.

Cette expérience est une preuve indéniable sur le fait que l'affrontement intellectuel avec les groupes armés est beaucoup plus important que l'affrontement sécuritaire. Ainsi, avons-nous réussi à éviter le danger que représentaient ces 4500 jeunes, dont chacun aurait pu être une bombe à retardement contre l'Etat.

 

 

Le sort des débats intellectuels

 

* Quelques médias estiment que ces initiatives avaient été vouées à l'échec. Qu'en pensez-vous?

 

** Si nous parlons des cas de Assem Abdel Maged ou de Safouat Abdel Ghani, d'aucuns estiment que ces débats avaient échoué. Toutefois, nous devons prendre en considération que les prisons étaient pleines de plus de 4 mille membres de la Jamaa Islamiya et les débats intellectuels avec eux, avaient remarquablement réussi, au point que certains jeunes de la Jamaa ont déserté les montagnes pour livrer leurs armes et reconnaître leurs crimes. Ces jeunes ont réussi à présent à s'intégrer dans la société avec la complète liberté. Comment alors allègue-t-on l'échec de cette initiative ?!

 

 

* Qu'en est-ce pour Assem Abdel Maged et Tarek Al-Zomor, après qu'ils avaient à nouveau adopté l'approche de la violence et ont pris part au sit-in de Raba'a ?

 

** Ce sont uniquement deux personnes. Deux d'un grand groupe recruté par les Frères contre des fonds et séduit par plusieurs privilèges qui lui ont été accordés. Tous ceux qui sont revenus à la violence après leur libération ne dépassent pas les doigts d'une seule main. L'initiative a donc réussi à 100%.

 

 

* Vous avez souligné au début l'obstacle "de l'organisation internationale des Frères" dans leurs débats intellectuels. Pensez-vous que les Frères sont disposés à faire ces débats ?

 

** Comme j'ai déjà susmentionné, les Frères ont une organisation internationale et des dirigeants de par le monde. Ces derniers ont toujours des intérêts à maintenir la conjoncture telle quelle pour épuiser l'armée égyptienne et crééer des tensions au sein du pays. Les directions des Frères au Qatar, en Turquie et à Londres, survivent notamment grâce à leurs bases humaines en Egypte, qui leur accordent de la sorte un certain poids.

Les pensées "qotbies" (en référence à Sayed Qotb) dominent les dirigeants de la confrérie. Ce courant voit donc que la société est mécréante, le gouverneur est incroyant et donc il est licite de s'insurger contre son régime. Nous ne devons pas oublier l'histoire des Frères. A l'époque du roi, les Frères avaient commis plusieurs actes de violence. Ils ont assassiné Al-Noqrachi pacha, le conseiller Al-Khizindar ainsi que d'autres. Ces éléments se sont habitués aux assassinats depuis le début de leur groupe, bien que cette période ait connu le pluralisme. Le gouvernement était changé tous les deux mois à cette époque.

Après la révolution de 1952, une réconciliation avait été conclue avec ces Frères. La révolution a dissolu les partis, à l'exception des Frères. Mais ces derniers se sont ensuite heurtés avec le président Gamal Abdel Nasser, parce qu'ils appelaient à avoir le pouvoir. Le président Sadate les a libérés et leur a permis d'exercer le travail politique pour les faire intégrer dans la société, et à la fin, ils l'ont tué.

 

 

Le recrutement terroriste

 

* Quelle est la catégorie de jeunes ciblée par les groupes armés ?

 

** Les groupes armés essaient généralement d'attirer les jeunes qui ignorent la science religieuse et qui n'ont aucune culture religieuse ou générale. Plusieurs jeunes ont intégré les rangs de ces groupes, vu la faiblesse de leurs connaissances. En dépit de l'attaque contre Al-Azhar, les groupes armés ne pouvaient pour autant pas recruter aucun jeune azhari, parce que ces jeunes possédaient la science religieuse, qui constitue pour eux, un bouclier qui les protège contre les attractions de ces groupes.

 

 

* En citant Al-Azhar, nous assistons aujourd'hui à une attaque féroce de la part de certains courants libéraux et laïcs contre cette grande institution séculaire. Quel est votre avis à cet effet ?

 

** L'attaque contre Al-Azhar est incorrecte. Les tentatives d'ôter à Al-Azhar son rôle, sont anciennes. Voire, elles ont commencé depuis sa naissance. Al-Azhar est sans doute une institution religieuse nationale, qui oeuvre à diffuser l'esprit de la tolérance. Al-Azhar adopte une approche modérée et je n'exagère pas si je dis que toute tentative voulant détruire Al-Azhar, constituera un danger qui menace la sécurité nationale égyptienne, voire l'Etat égyptien.

Nous devons saisir une vérité effrayante. Au cas où Al-Azhar s'est effondré, l'alternative prête serait les groupes terroristes, comme Al-Qaïda et Daech ainsi que d'autres organisations. Ces groupes extrémistes exploitent la situation pour ébranler la confiance des jeunes en leurs symboles religieux, et ainsi réussir à les polariser pour les faire adhérer à leurs rangs. Que pensez-vous alors si l'on détruit la fortresse même des symboles ?!

* Comment estimez-vous l'émergence de Daech et l'annonce qu'il a faite sur la création d'un califat en Syrie et en Irak, puis sa détérioration et son déclin ?

 

** Daech est une évolution normale du groupe Al-Qaïda. Ce dernier était à son tour une évolution du groupe "Al-Djihad" créé en Egypte.Tous ces groupes sont issus de la Confrérie des Frères. Une grande et dangereuse intrusion est enregistrée parmi ses rangs que les services de renseignements des pays étrangers exploitent pour déclencher les guerres par mandat de la quatrième génération.

Ces guerres se basent sur un fondement important : "Le coût zéro dans les guerres... où l'ennemi s'auto-détruit". Israël, par exemple, est le plus grand gagnant des soi-disantes révolutions du Printemps arabe. C'est le climat de chaos créateur et de destruction des institutions qui permet aux takfiristes et aux terroristes de sévir. Tous ces groupes sont financés et armés par des pays étrangers hostiles à la stabilité de toute la nation arabe.

 

 

* Les Forces Armées déclenchent une large offensive au Sinaï  (Opération Sinaï 2018). Que prévoyez-vous ?

 

** Cette offensive était extrêmement importante. La majorité des dirigeants takfiristes et djihadistes, qui étaient emprisonnés, puis libérés par le président déchu Mohamed Morsi, sont effectivement ceux qui affrontent- aujourd'hui-  l'Armée égyptienne au Sinaï, en plus des terroristes fuyant de la Syrie vers la péninsule sinaïtique. De là, il était extrêmement important de lancer cette guerre. Ces terroristes sont secondés par les services de renseignements de certains pays étrangers, dans le but de déstabiliser l'Egypte.

 

 

Les services d'Intelligence étrangers et le terrorisme

 

* Vous parlez du rôle des services de renseignements étrangers opérant au Sinaï. Désignez-vous précisément une certaine Intelligence ?

 

** Les Etats-Unis sont le moteur principal de tous les groupes terroristes répandus dans le monde. C'est une chose bien connue pour tous ceux qui ont travaillé dans n'importe quel service de renseignements. Les Etats-Unis adoptent toujours la politique de deux poids deux mesures, d'après leurs intérêts. Par exemple, alors qu'ils créent une alliance internationale contre Daech en Irak, ils objectent contre l'offensive égyptienne contre Daech en Libye.

Sans doute, le Mossad y joue un grand rôle et est inculpé dans ces complots pour perturber la stabilité du Sinaï et doter les groupes terroristes d'armes et d'informations. Après que l'Egypte a directement intervenu dans la bataille "La tempête tranchante", l'Iran désire que l'Egypte soit concernée par ses affaires afin que Téhéran puisse attaquer à son gré les pays du Golfe.
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