"Les Frères d'Algérie"... un demi-siècle d'affrontements
Par Doaa Imam
L'Algérie ne s'est pas déviée des autres pays arabes où
la pensée frériste s'est infiltrée. Ainsi, le groupe des Frères avait-il une
aile algérienne ayant adopté la vision de Hassan Al-Banna, fondateur de
l'Organisation.
Pour les Frères d'Algérie, les universités ont été un sol
fertile pour y cultiver leurs idées, via des sphères religieuses rassemblant
quelques professeurs et des étudiants. Une jamaa islamiya avait été donc
co-fondée par Mahfouz Nehnah et Mohamed Bouslimani, à la fin des années 60 du
siècle dernier, sous la dénomination "Les monothéistes".
Les Frères sont publiquement apparus parallèlement à
l'adoption de la loi sur la richesse agricole en 1976, par le président de
l'Algérie à l'époque, Houari Boumedienne. Les Frères ont exploité la situation
pour faire vulgariser l'idée que cette loi ne représentait qu'un complot contre
les familles pauvres et la classe moyenne. Ils ont, de ce fait, réussi - par
leurs discours mielleux - à rassembler un grand public d'Algériens ayant avalé
cette idée empoisonnée, et donc ont pu saisir l'occasion de la détérioration de
la situation économique et sociale à cette date.
Beaucoup de citoyens se sont rassemblés autour de cette
organisation naissante, qui avait déclaré l'insurrection contre le régime et
avait refusé la constitution de 1976. L'organisation a émis un communiqué,
soulignant à son début : "Jusqu'où Boumedienne ?" Le communiqué a été
signé sous le nom : "Les monothéistes". Les Frères y appelaient à
faire appliquer la charia islamique et incitaient le peuple à rejeter la
constitution.
Début de la dissidence et des affrontements
Il y a eu rapidement des dissidences au sein de
l'organisation des "monothéistes". Certains se sont attachés à leur
avis sur la nécessité d'effectuer des amendements sur la Charte nationale
"La constitution", à travers le dialogue avec le gouvernement, alors
que d'autres ont adopté la voie de l'opposition franche et se sont donc ralliés
à l'avis de Nehnah, qui a prêté allégeance à l'organisation des Frères en 1976
et Bouslimani. Ces deux derniers ont été emprisonnés jusqu'en 1980, après avoir
été accusés de recourir à la violence et au sabotage.
Après la libération de Nehnah, cet activiste islamiste
était plus organisé que jamais. L'organisation internationale des Frères, sous
son commandement central au Caire, et pratique en Suisse sous son leader Saïd
Ramadan (le beau-fils de Hassan Al-Banna, fondateur de l'organisation) a adopté
une décision pour appuyer Nehnah dans la crise déclenchée, entre ce dernier et
le cheikh Abdallah Gaballah (chef, plus tard, du Front de la Justice et du
Développement), à cause de la représentation officielle des Frères en Algérie.
Les deux se sont attachés à leur légitimité dans le leadership de l'aile des
Frères.
La recommandation en faveur de Nehnah, par les dirigeants
Frères en Egypte, en tant que superviseur général de l'organisation des Frères
en Algérie, a été la cause derrière les dissidences ayant frappé le mouvement
islamique depuis les années 80.
Le régime algérien a reconnu en 1989 un front salafiste,
connu sous le nom "Le Front islamique du Salut", dont le sigle était
"FIS", présidé par le cheikh Abbas Madani. Ce dernier a nommé Ali
Belhaj comme adjoint. Le FIS a formé un parti islamique et prit part aux
élections législatives tenues le 26 décembre 1991, et qu'il remporta avec une
majorité écrasante, ce qui raffermit la position du Front devenu un des
décideurs sous le régime du président algérien Al-Chadli Bendjedid (1979-1992).
Parallèlement à ce fait, le nom du mouvement des
"monothéistes" fut changé au début des années 90, pour devenir
"Le Mouvement de la société pour la paix", appelé "HAMAS",
qui représente l'aile de l'organisation des Frères en Algérie.
Au mois de janvier 1992, l'armée était en contact avec le
président algérien, lui recommandant la nécessité de démissionner pour sauver
le pays de la montée des islamistes (Front du Salut) aux centres de prise de
décision. Après plusieurs discussions, Bendjedid a accepté de présenter sa
démission et par conséquent, les résultats des élections, remportées par le
Front islamique, ont été annulés, et le processus électoral fut suspendu sine
die.
Le Front du Salut a qualifié de pareilles mesures, de
coup d'Etat militaire, mais l'organisation des Frères en Algérie avait une
autre vision. Par la suite, Nehnah s'est rallié aux rangs de l'armée, ce qui a
débouché sur des affrontements entre le Front et l'Etat, ainsi que parmi les
rangs des islamistes, faisant 200 mille morts au total.
Après avoir accusé le leader de HAMAS d'avoir appuyé le
régime dans ses oppressions à l'encontre des dirigeants et des cheikhs du Front
islamique du Salut, Mahfouz a révélé avoir pris cette position pour protéger
l'Etat contre la détérioration.
Les divergences se sont davantage approfondies entre les
dirigeants des Frères en Algérie, notamment les jeunes et les cheikhs du
mouvement HAMAS. Après la mort de Nehnah en 2003, Abu Jourra Sultani (un des
fondateurs du mouvement islamique en Algérie dans les années 70) fut investi,
suivi d'Abdel Razek Maqri (un des proches du fondateur du mouvement, Nehnah
Mahfouz). Cela a débouché sur un changement au niveau de la politique du
Mouvement. Après que ce dernier appuyait le gouvernement et évitait tout
affrontement avec lui, voilà il s'est rallié au rang de l'opposition.
Ce changement a été la cause derrière la dissidence de
plusieurs dirigeants, loin de HAMAS, pour alors fonder d'autres partis et
mouvements pro-Frères.