Al-Zawahiri le chef crypté d'Al-Qaïda

Moustafa Hamza

Il était le numéro 2 du réseau terroriste d'Al-Qaïda également le bras droit du chef de cette organisation, Oussama Ben Laden jusqu'à 2011. Après l'assassinat  de ce dernier en 2011 par les troupes américaines dans un raid en Afghanistan, Al-Zawahiri est devenu le chef d'Al-Qaïda.

Il s'appelle Ayman Mohamed Rabie Al-Zawahiri. Il a grandi à Maadi et à Héliopolis en Egypte, deux banlieues huppées du Caire, dans une famille influente au plan religieux et scientifique. Son père, le Dr Mohamed Rabie Al-Zawahiri, un pharmacien de renom, était lui-même professeur de pharmacologie à l'école de pharmacie de l'Université du Caire.  Son grand-père, Al Cheikh Mohamed El Ahmadi Al Zawahiri, était un des grands cheikhs d'Al Azhar.  Son grand-père maternel Abdel Wahab Azzam était un ancien recteur de l'Université du Caire et de l'Université du Roi Saoud à Riyad. 

Surnommé le diplomate soufi, M. Azzam fut ambassadeur d'Egypte au Pakistan, au Yémen et en Arabie Saoudite. Son oncle maternel, Abdoul Rahman Azzam fut le premier Secrétaire général de la Ligue arabe. Du côté paternel, le grand-oncle d'Ayman est le célèbre ophtalmologue Mahmoud El Zawahiri.

 Les Etats-Unis offrent une récompense de 25 millions de dollars pour des informations pouvant mener à l'arrestation d'Ayman Al-Zawahiri. Les USA l'ont officiellement placé en deuxième position sur une liste de 22 terroristes les plus recherchés à cause des événements connus du 11 septembre.

Entré à l'école de médecine de l'Université du Caire, il sort diplômé en médecine en 1974 et obtient sa spécialisation en chirurgie en 1978 puis se spécialise en ophtalmologie. Quatre ans après avoir obtenu le magistère, Al-Zawahiri a ouvert sa clinique dans une banlieue du Caire pour pratiquer sa profession.  

Son intégration au Jihad Islamique

et sa rencontre avec Ben Laden

En 1979, il intègre le groupe radical, le Jihad islamique égyptien, formant une cellule secrète en 1978 . Il figure parmi la centaine de personnes arrêtées, le 23 octobre 1981, à la suite de l'assassinat du président égyptien Anouar Sadate. A l'époque, Al-Zawahiri était l'émir du groupe et a la responsabilité de superviser les orientations intellectuelles et culturelles du Mouvement et de la Djamaa. Bien qu'il  soit innocenté par la justice égyptienne dans cette affaire, il  a purgé une peine de prison de trois ans pour trafic d'armes. Puis, il a été relâché en 1985. Ensuite, il a quitté l'Egypte à destination du Royaume d'Arabie Saoudite où il travaillait comme médecin dans un hôpital. Et après, il a mis le cap sur Peshawar au Pakistan. Un peu plus tard, il s'est rendu en Afghanistan.

Là, Al-Zawahiri a rencontré Oussama Ben Laden pour former une nouvelle faction du Mouvement Al Jihad islamique. Après le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan, Al-Zawahiri s'est dirigé en 1993 vers le Soudan en compagnie de Ben Laden et d'autres puis il a regagné l'Afghanistan après que le Mouvement Taliban y a pris le contrôle au milieu des années 90 plus précisément en 1996. Il s'agit de son 2e voyage en  Afghanistan.  

En 1998, Al-Zahawiri a annoncé la création du Mouvement international d'Al Jihad islamique contre les juifs et les croisés et signé une fatwa (avis religieux) émise par le Mouvement jugeant que c'est licite de faire couler le sang des civils aux Etats-Unis. Six mois plus tard précisément en août 1998, le Mouvement a, dans deux attaques simultanées, ciblé les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, faisant 223 morts.

Les opérations en Egypte et sa stratégie djihadiste

 Al-Zawahiri est arrivé à la tête de l'organisation d'Al Jihad après sa réapparition en 1993 et fut le responsable d'une série d'opérations terroristes en Egypte faisant un lourd bilan de victimes de 1200 personnes. Viennent en tête de ces opérations la tentative d'assassinat de l'ancien Premier ministre égyptien Atef Sedki, la tentative d'assassinat de l'ancien ministre de l'Intérieur, le général Hassan El Alfi,  et le massacre de Louxor en 1997. Il est condamné à mort par contumace par un tribunal militaire égyptien.

Al-Zawahiri a réparti sa stratégie en objectifs à court et à long termes: Les objectifs à court terme sont entre autres le ciblage des intérêts des croisés et des juifs -d'après ses propres termes- pointant ainsi les USA et ses alliés en Occident et en Israël. Quant aux objectifs à long terme, Al-Zawahiri  considérait que la chute des régimes dans le monde, comme les régimes saoudien et égyptien, sont le point de mire, appelant ainsi à exploiter des pays tels que l'Afghanistan, l'Irak et la Somalie comme des zones d'entraînement à l'intention des extrémistes islamistes. Il s'agit de la théorie qui consiste à combattre l'ennemi lointain avant le proche, à l'opposé de la stratégie de Daech qui vise en premier lieu l'ennemi le plus proche ciblant ainsi les gouvernants arabes. 

Parmi les idées citées par Al-Zawahiri dans son essai "Le Bilan amer" figurent : "Les gouvernants qui gouvernent les pays musulmans sans se référer aux  livres célestes et en suivant les lois humaines sont des mécréants et apostats à qui on ne doit pas obéir mais qui doivent plutôt être combattus, renversés et  remplacés par des gouvernants musulmans. La démocratie qu'entreprennent les divers gouvernements comme une approche politique, est une démocratie mécréante, par conséquent le fait de suivre ce type de gouvernants ou de les soutenir est haram (illicite)." 

Le périple de la fuite et d'échappement à la mort 

    Personne ne connaît précisément où se trouve Al-Zawahiri, l'actuel leader d'Al Qaïda. Il a pu s'échapper aux poursuites américaines depuis octobre 2001 en se cachant, avec l'aide de certaines tribus  sympathisantes avec lui, dans des régions montagneuses le long des frontières entre l'Afghanistan et le Pakistan. On croyait qu'il s'était installé en Bulgarie, au Danemark et en Suisse et qu'il utilisait parfois un faux passeport  pour faire la navette dans les Balkans, en Autriche, au Yémen, en Irak, en Iran et aux Philippines.

Des rapports émis en décembre 1996 ont signalé qu'Al-Zawahiri a été emprisonné pour six mois en Russie après avoir été arrêté pour être entré en République du Daghestan en route pour la République de Tchétchénie sans un passeport valable. Toutefois, Al-Zawahiri a confirmé, plus tard, dans un édito que les autorités russes ont échoué à comprendre les textes arabes dans son ordinateur et que c'est pour cette raison qu'elles n'arrivaient pas à divulguer son identité.  

Il a été visé par des frappes de drone américain le 13  janvier 2006,  sous la supervision des services de renseignements américains CIA, mais il a pu échapper. Les frappes provoquent cependant la mort de 18 personnes de ses compagnons dans les régions de Damadola au Pakistan.

Bien qu'Al-Zawahiri critique les groupes islamiques qui optent pour les méthodes pacifiques pour changer, il a loué le soi-disant "Printemps arabe", dans sa première vidéo diffusée le 27 juin 2011 après avoir dirigé l'organisation d'Al Qaïda. Il a également loué la Révolution syrienne contre le régime de Bachar El Assad dans une allocution intitulée "La grandeur de l'Orient commence par Damas" dans laquelle il a appelé au djihad en Syrie. 

La position vis-à-vis de Daech

Mohamed El Goulani, leader du "Front Al Nosra" établi quelques mois après le déclenchement de la Révolution syrienne, était dans ce temps en Irak. Il a proposé au leader d'Al Qaida en Irak, Abou Bakr Al Baghdadi alias l'émir de l'Etat irakien islamique, un projet pour le djihad en Syrie. Et voilà que s'est formé le Front Al Nosra, une branche affiliée à Al Qaida.

Toutefois, Al Baghdadi a surpris tout le monde en avril 2013 en déclarant le Front comme une branche de l'organisation de l'Etat islamique en Irak pour qu'ils soient une seule entité sous le titre "L'Etat islamique en Irak et au Cham", médiatiquement connu sous le nom de "Daech".     C'est ce qu'Al-Zawahiri a qualifié de "dissidence " et de "désobéissance" avant qu'Al Goulani n'ait annoncé son détachement d'Al Qaida. Il s'agit de la deuxième scission du point de vue de l'émir d'Al Qaida.

De temps en temps, Al-Zawahiri publie un message audio ou visuel pour ainsi adresser des messages aux membres de son groupe de par le monde, ce qui a amené les membres de Daech à le qualifier d'être "l'émir crypté " qui signifie "l'émir caché dans une crypte", parce qu'il est difficile de savoir l'endroit où il est caché, bien que le calife de Daech, Abou Bakr Al-Baghdadi, soit- lui aussi- "crypté", dont le lieu où il se cache demeure inconnu.

Les écrits les plus éminents d'Al-Zawahiri sont "Des chevaliers sous la banderole d'Al Nabi", "Le bilan amer", "Les Frères musulmans en 60 ans", "La loyauté et l'innocence", "Une doctrine transmise et une réalité perdue", "Le livre noir", "L'histoire de la torture des musulmans sous l'ère de Hosni Moubarak", "L'Egypte musulmane entre les fouets des bourreaux et l'espionnage des traîtres", "La cure des croyants" , "Le blanchiment", "Message sur le blanchiment de l'Umma de la plume et de l'épée des défauts de la bêtise et de la faiblesse".