Le Centre Syrien pour la Justice et la Responsabilisation (SCAJ), une ONG internationale créée en 2012 et basée à Washington, a récupéré des milliers de documents classifiés qui révèlent comment les services de sécurité syriens surveillent et écartent ceux qui les dérangent. France 24 a eu accès à ces révélations.
Dans différentes villes de Syrie, comme à Raqqa, les services de renseignement et l’armée de Bachar al-Assad ont abandonné derrière eux des documents secrets, que des membres du SCAJ ont réussis à exfiltrer en Turquie. "L’armée syrienne bombardait régulièrement les bâtiments en question, afin d’empêcher toute extraction des documents", explique à France 24 Mohammad Al Abdallah, directeur exécutif de l’ONG. Cette dernière est parvenue à analyser 5 003 documents pour comprendre les méthodes de fichage des renseignements syriens.
Ce rapport, intitulé "Les murs ont des oreilles" montre l’ampleur du système de surveillance dès le début du soulèvement en 2011 : de manifestants aux journalistes, en passant par les médecins et leurs patients, tous sont la cible d’un vaste réseau d’informateurs. On peut lire dans un des documents des consignes de type "travailler à multiplier les sources et les informateurs en leur offrant des compensations financières pour infiltrer les partis".
Sont ainsi fichés comme "éléments perturbateurs" tous ceux qui ont "insulté" le président syrien, les manifestants non violents, les "médias ennemis" et les "groupes terroriste armés". Des individus de nationalité française et vivant en France apparaissent également comme étant surveillés à distance.
Plus alarmant encore : l’ordre de "faire le nécessaire" revient régulièrement dans les documents. "Il s’agit d’une invitation aux agents des forces de l’ordre de faire ce qu’ils veulent, y-compris d’user des moyens létaux", détaille Mohammad Al Abdallah.
"Les textes révèlent également des ordres d’attaques des positions et des bombardements d’hôpitaux ou des sièges de villes, et un certain traitement des détenus. Il s’agissait de pratiques systématiques de l’État", ajoute-t-il. Le président Bachar Al Assad nie avoir commis ou ordonné des atrocités.
Le SCAJ souligne également les persécutions subies par la communauté kurde du nord et du nord-est syrien. Les documents énoncent des demandes de "traquer ceux qui ont un drapeau kurde dans les événements".
Que deviendront ces documents récupérés ? Selon le Centre Syrien pour la Justice et la Responsabilisation, ils pourraient servir de "preuve de violation des droits de l’Homme, de crimes contre l’humanité et de possibles violations du droit de la guerre". Près de 500 000 documents supplémentaires pourraient être analysés.