Publié par CEMO Centre - Paris
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Aux Etats-Unis, « l’élection de Donald Trump a galvanisé les anti-avortement »

vendredi 17/mai/2019 - 08:21
La Reference
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L’Alabama a voté, mercredi 15 mai, la loi la plus répressive des Etats-Unis en matière d’avortement. Le texte ne prévoit pas d’exception en cas de viol ou d’inceste, et punit de peine de prison, de dix ans à quatre-vingt-dix-neuf ans les médecins pratiquant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), sauf en cas d’urgence vitale pour la mère ou d’« anomalie létale » du fœtus.

Le professeur d’histoire spécialiste des Etats-Unis, Corentin Sellin, revient sur cette stratégie adoptée par les anti-avortements pour forcer la Cour suprême à remettre en cause la jurisprudence actuelle, qui date de 1973 et a permis l’autorisation de pratiquer des avortements aux Etats-Unis. « L’élection de Donald Trump a galvanisé les anti-avortement et les a incités à repartir en guerre », estime-t-il.

Cette législation est-elle surprenante de la part d’un Etat comme l’Alabama ?

L’Alabama a toujours été un territoire ultraconservateur, situé en plein cœur de la « ceinture de la Bible », qui rassemble une vingtaine d’Etats du Sud-Est. Pour cet électorat majoritairement blanc et évangélique, l’interdiction de l’avortement a toujours été une revendication primordiale. Ce n’est donc pas surprenant de voir émerger cette loi particulièrement répressive.

Sauf que cette loi reste de toute façon inconstitutionnelle tant que la jurisprudence de 1973 – appelée « Roe versus Wade » permettant l’autorisation de pratiquer des avortements aux Etats-Unis – n’est pas renversée par la Cour suprême.

Il s’agit donc d’une stratégie de la part des anti-avortements pour forcer la main à la Cour suprême ?

Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il n’existe pas aux Etats-Unis d’équivalent de notre loi Veil, c’est-à-dire une législation votée par le Parlement qui autorise l’avortement selon des conditions précises. Le Congrès américain n’a jamais voté une telle loi, par peur notamment de se mettre à dos une partie de l’électorat.

Aux Etats-Unis, ce qui autorise le droit à l’avortement se fonde constitutionnellement sur une interprétation du quatorzième amendement, qui garantit le droit à l’intimité (right to privacy). A l’époque, en 1973 donc, par sept voix contre deux, la Cour suprême avait estimé que ce droit s’étendait à la décision d’une femme de se faire avorter.

Mais cette lecture est combattue avec acharnement depuis plusieurs décennies par les militants anti-avortements. Jusqu’à présent, elle a été restreinte – notamment par l’arrêt de 1992, Planned Parenthood versus Casey, qui fixe des modalités d’avortement pour en réduire notamment le délai – mais a toujours été confirmée sur le fond. La dernière fois, ce fut en 2016, par l’arrêt Whole Woman’s Health versusHellersted.

Et cette jurisprudence peut toujours être cassée. Or, depuis l’élection de Donald Trump, il y a une majorité de juges conservateurs à la Cour suprême – cinq contre quatre. Donc le but de la manœuvre est bien de pousser les neuf juges à réétudier l’arrêt de 1973, et faire bouger les lignes sur le droit à l’avortement.

Cette « manœuvre » a donc un lien avec la présidence de Donald Trump ?

Avant son élection, Donald Trump, interrogé par Fox News, avait fait part de sa volonté de renverser la jurisprudence Roe versus Wade. Ce qui est assez ironique en soi, puisque dans les années 1990, Donald Trump se disait volontiers favorable à l’avortement sur les plateaux télévisés.

Depuis son élection, le président américain a nommé deux juges à la Cour suprême : Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh. Tout prouve que ces deux conservateurs ont des positions anti-avortement. Leur nomination est donc un signal donné à son électorat anti-avortement. Pour rappel, plus de 80 % des Blancs évangélistes ont voté pour Donald Trump.

En outre, l’administration de Donald Trump n’a eu de cesse de restreindre le droit à l’avortement ces derniers mois. Elle a notamment passé récemment une loi qui autorise tous les travailleurs de santé du privé et du public à recourir à leur clause de conscience pour ne pas pratiquer d’avortements. Le président lui-même, depuis plusieurs semaines, emploie dans chacun de ses meetings une rhétorique très violente envers les démocrates, qu’il accuse d’exterminer les bébés, et envers les médecins pratiquant l’IVG, qualifié « d’assassins ».

Donald Trump n’est donc pas à l’initiative directe de la procédure législative, mais il incarne ce renouveau conservateur identitaire et religieux. Son élection a galvanisé les anti-avortement et les a incités à repartir en guerre contre la jurisprudence actuelle. Des lois très restrictives ont ainsi été promulguées dans plusieurs Etats au cours des derniers mois.

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