Yémen: Ryad accuse l'Iran et frappe Sanaa dans des raids anti-rebelles
La coalition menée par l'Arabie saoudite a mené
jeudi une série de raids aériens sur la capitale yéménite
Sanaa, 48 heures après une attaque de drones sur un oléoduc pétrolier
saoudien revendiquée par les rebelles Houthis mais que Ryad a directement
imputée à l'Iran.
Les Houthis contrôlent Sanaa et sont
combattus depuis 2015 par une alliance militaire dominée par l'Arabie
saoudite et les Emirats arabes unis.
"L'attaque par les miliciens Houthis
contre deux stations de pompage d'Aramco prouve que ces miliciens sont un
simple instrument que le régime de l'Iran utilise pour mettre en oeuvre son
agenda expansionniste", a déclaré dans un tweet le prince Khaled ben
Salmane, fils du roi et vice-ministre de la Défense.
La chaîne de télévision Al-Massirah,
contrôlée par les Houthis, a fait état de 19 raids au total dans la
région de Sanaa, dont 11 sur la capitale même. Elle a attribué les
frappes aux "avions de l'agression" saoudienne.
Selon un médecin, au moins six personnes ont
été tuées et dix blessées dans l'un de ces raids.
Six corps sont arrivés à l'Hôpital
républicain de Sanaa, ainsi que dix blessés, a déclaré à l'AFP ce médecin, Mokhtar
Mohammed, ajoutant que toutes ces victimes avaient été dénombrées dans un même
quartier de la capitale.
Sur Twitter, Médecins sans frontières (MSF) a
fait état d'au moins quatre morts et 48 blessés.
"Mort à l'Amérique"
Une vidéaste de l'AFP a filmé des hommes au
milieu de décombres, transportant un corps enroulé dans une couverture vers une
ambulance et criant "Mort à l'Amérique, Mort à Israël".
Les raids ont commencé vers 08H00 locales
(05H00 GMT) alors que de nombreux habitants dormaient encore, a affirmé un
autre témoin à l'AFP.
"Il y a eu de nombreuses frappes",
a-t-il dit.
Mercredi soir, le ministre d'Etat émirati aux
Affaires étrangères Anwar Gargash avait averti que la coalition anti-rebelles
"riposterait avec force" à toute attaque des Houthis contre des
cibles civiles comme celle ayant visé mardi des installations pétrolières saoudiennes.
Jeudi, le prince saoudien Khaled a affirmé
que ces "actes terroristes" avaient été "ordonnés par le régime
à Téhéran et menés par les Houthis".
De son côté, Adel al-Jubeir, ministre d'Etat
saoudien aux Affaires étrangères, a déclaré que les Houthis étaient "une
partie indivisible des Gardiens de la Révolution de l'Iran et qu'ils agissent
sur leurs ordres".
Les frappes aériennes de jeudi sur Sanaa
s'inscrivent dans un contexte de montée des tensions dans le Golfe où, en plus
de l'oléoduc, quatre navires --deux saoudiens, un norvégien et un
émirati-- ont été la cible de mystérieux "actes de sabotage"
dimanche au large des Emirats arabes unis.
M. Gargash a évité de désigner des
responsables, prônant "la prudence" et la "désescalade"
dans le Golfe.
Mais il a évoqué "une situation
difficile en raison du comportement iranien", ajoutant que l'Iran devait
"savoir que sa politique suscite de vives inquiétudes".
Au Koweït, le président de l'Assemblée
nationale, Marzouk al-Ghanem, a dit jeudi que "la situation dans la région
n'était pas rassurante" et que les risques d'un conflit étaient
"élevés".
"Signes alarmants"
La guerre au Yémen oppose depuis plus de
quatre ans des forces progouvernementales, appuyées militairement par Ryad et
Abou Dhabi, aux rebelles Houthis, qui contrôlent de vastes zones de l'ouest et
du nord du Yémen dont la capitale Sanaa.
Les Houthis sont soutenus par l'Iran, qui
réfute toutefois leur fournir une aide militaire.
Le conflit a tué des dizaines de milliers de
personnes, dont de nombreux civils, selon diverses organisations humanitaires.
Environ 3,3 millions de personnes sont
toujours déplacées et 24,1 millions, soit plus des deux tiers de la population,
ont besoin d'assistance, d'après l'ONU.
Mercredi, l'envoyé spécial de l'ONU au Yémen,
Martin Griffiths, a averti le Conseil de sécurité de l'ONU qu'en dépit d'un
désengagement rebelle ces derniers jours de trois ports, dont Hodeida (ouest),
le Yémen risquait toujours de sombrer dans une guerre totale.
Le gouvernement yéménite et les Houthis
doivent poursuivre le redéploiement des forces dans l'ouest et retourner à la
table des négociations pour un accord plus large, a-t-il dit.
Selon des témoins, des affrontements entre
rebelles et forces loyalistes ont éclaté mercredi au sud de la ville de
Hodeida, où une trêve relative est en vigueur depuis des pourparlers
interyéménites en décembre organisés sous l'égide de l'ONU en Suède.
Trois femmes ont été tuées dans ces heurts, a
indiqué jeudi à l'AFP un médecin de l'hôpital Al-Thawra.
Le port de Hodeida est crucial pour les
importations et l'aide internationale au Yémen où des millions de personnes
restent menacées par la famine.