La Jamaa islamiya en Egypte, et les expériences de renoncement aux changements
Maher Ferghali
En examinant la littérature sur laquelle s’appuie la Gamaa islamiya, c’est le livre « al-Farida al-Gha’iba » (L’obligation occultée) de Mohammad Abd as-SalamFaraj qui représente la véritable idéologie de la Gamaa : il présente le principe de la négligence du djihad, et affirme que l’Egypte est un pays de mécréance, en se basant sur une fatwa d’Ibn Taymiyya.
Abd as-Salam indique aussi que la révolte contre ceux qui refusent d’appliquer la charia est un devoir et que la stratégie de révolte contre le gouvernant repose sur le fait qu’il faut combattre l’ennemi proche avant l’ennemi lointain.
Quant à Essam ad-Din Derbala, l’un des chefs historiques fondateurs de la Gamaa, il passe en revue, depuis la prison de Minya où il se trouve, les différentes questions qui font l’objet d’un consensus au sein de la Gamaa :
Les chefs de la Gamaa ont été soucieux de faire preuve de duplicité dans leurs positions. Par exemple, les conférences où a été discutée la pensée de Daech, ont été intitulées « Daech : ses bons et ses mauvais côtés », ce qui laissait entendre qu’elle a de bons côtés, et a eu pour conséquence que la Gamaa islamiya a été parmi les groupes les plus importants à fournir des éléments à cette organisation.
Les chefs ont tenu aussi à conserver cette duplicité des positions pour ne pas perdre le prestige historique qu’ils ont acquis, et prouver que la Gamaa est gérée de façon démocratique et par le choix de la majorité.
C’est alors que des thèses ont été introduites dans la Gamaa, dont ce qu’a écrit Aboud az-Zumur sur les façons d’amortir les coups, de reprendre son souffle, et de détourner les regards de la Gamaa et de ses chefs, en présentant la Gamaa comme étant en désaccord avec les Frères, ce qui était contraire à la vérité. De façon à empêcher les mouvements de dissension et à faire échec aux tentatives d’interdire la Gamaa ou de la classer dans les organisations terroristes.
Quant au chef fondateur Assem Abdel Maguid, il insistait sur un recours à la violence, en exprimant avec sincérité la révolte du groupe contre l’initiative d’arrêt de la violence dans les années quatre-vingt-dix.
Et soudainement, Assem s’est mis à proposer des « révisions » en 26 points,publiées sur sa page Facebook, en affirmant que les organisations devaient placer la nation avant le groupe.
Ce qu’a fait Assem dans ses révisions, c’est qu’il a changé le plan en affirmant que ce n’est pas la Gamaa qui va affronter le pouvoir, mais les masses, après quoi la Gamaa s’emparera du pouvoir.
Quant à Ali ad-Dinari, responsable de la Commission de l’éducation à la Gamaa, il a dit : « le point de discorde avec AssemAbdel Maguid, c’est que certains considèrent que les problèmes particuliersposés doivent être discutés en secret, tandis que le cheikh considère qu’il s’agit de questions générales qui doivent être soumises à tous, surtout que les questions relatives au mouvement islamique sont devenues les questions de la nation ».
C’est ainsi que les « révisions » de Abd al-Maguid apparaissent comme un recul tactique seulement, car après que la théorie de Sayyed Qutb et de Hassan al-Banna eut été élaborée par une élite croyante et une nouvelle génération de la nation, Abdel-Maguid considère que c’est la nation qui se guide elle-même, et la mission des groupes est de pousser la nation à cela, derrière les coulisses, pour exploiter ensuite les succès des peuples.
Finalement, le Gamaa a perdu la plupart des éléments de sa force, à savoir le financement et la capacité à mobiliser les masses, c’est pourquoi elle recherche à nouveau son idéologie de départ. C’est ainsi qu’elle insiste sur le fait qu’elle continue à accepter l’initiative de rejet de la violence, alors qu’en même temps, elle suit sur le terrain une autre idéologie.
Les changements de l’initiative de rejet de la violence n’ont pas été suffisants, et ont été tactiques dans une large mesure, car ils ont ignoré des questions importantes, comme le fait de corriger le concept d’accusation d’incroyance portée contre le dirigeant et de rébellion contre lui, les sentences relatives aux domaines de la guerre et autres. Ce qui a conduit à un recul de cette initiative dès qu’elle a été mise à l’épreuve de la révolution. Même dans la nouvelle proposition d’AssemAbdel Maguid, il n’y a pas de grand changement, la preuve en étant qu’il n’a pas revu la position de la Gamaa vis-à-vis de l’Etat, et qu’il ne s’agit que d’une tentative de se mettre en avant. Ainsi, ses révisions ne font que refléter l’échec actuel après la révolution, aussi bien au niveau de l’action que de la structuration, ou de la stratégie générale.
La Gamaa islamiya a réussi à se positionner dans la zone de brouillard en tenant le bâton par le milieu, entre violence et paix, et à maintenir la plupart de ses éléments à l’extérieur des prisons, pour chercher à exploiter le vide laissé par les Frères, de façon à recruter de nouveaux éléments sur la base d’une idéologie spécifique : la longue histoire de sa lutte sanglante contre les régimes, le fait qu’elle est le seul groupe révolutionnaire, l’échec des Frères et des Salafistes.