L'organisation mondiale de la Gamaa al-Islamiya, active et exilée
Par Abdul
Rahman Mohammed
La Gamaa
al-Islamiya a vu le jour au début des années soixante-dix du siècle dernier
dans les universités égyptiennes. Son organigramme avait à sa tête un conseil
de la choura, dirigé par un émir.
Parmi les
membres éminents du groupe figuraient notamment : Salah Hachem, fondateur du
groupe dans les universités, Nage’ Ibrahim, idéologue et ancien membre du
Conseil de la Choura, Fouad Al-Dawalibi, ancien membre du Conseil de la Choura,
Oussama Hafez, président du Conseil de la Choura et l'un des fondateurs du
groupe, Hamdi Abdel-Rahman, ancien membre du Conseil de la Choura, Aboud Az-Zomor,
membre du Conseil de la Choura et un ancien djihadiste, Abdel-Akher Hammad,
mufti du groupe, Omar Abdel-Rahman, émir du groupe et père spirituel, Tariq Az-Zomor
et Assem Abdul Majid, membres du Conseil de la Choura, en fuite en Turquie.
Lq Gamaa nie
catégoriquement posséder une organisation mondiale mais affirme en même temps
être présente avec force sur l’arène internationale.
« La Gamaa
al-Islamiya d’avant les révisions idéologiques est différente de la Gamaa
al-Islamiya d’après ces révisions, a indiqué au Site Al-Marje’ Islam Al-Ghamry, l’un des
leaders du groupe, basé en Turquie. Après la révolution du 25 Janvier, le
groupe s’est engagé dans la politique. Toute ce qui a précédé cette phase a été
rectifié par les révisions idéologiques et par l’engagement politique du groupe
».
En 1981, après
l'assassinat du président Mohamed Anouar Sadate, le Soudan a accueilli les
islamistes égyptiens fugitifs. Ce pays est devenu une zone de transit et de
séjour. Des militants comme Osman Mustafa Hamza, Abdel Aakher Hammad, Ali
Abdel-Fattah, Mohamed Mokhtar, Ali Al-Sharif et d'autres, s’y sont rendus par
intermittences lorsque les Frères musulmans étaient au pouvoir au Soudan, mais
le groupe n'y a pas pu établir une branche, et l’a considéré comme une «zone de
transit».
L’un des
dirigeants du groupe évoque l'idée de s’implanter à l'étranger (proposée par Réfaa
Taha, et Mustafa Hamza) en raison du contexte sécuritaire en Egypte. Le début
était en Afghanistan, qui était le deuxième lieu de séjour après le Soudan. Le
camp de la Gamaa y a donc été créé et reçut le nom de Mo’askar Al-Khilafa (le
camps du califat). Sa fonction était de recevoir et de former les militants fuyant
l'Egypte. Ali Abdel-Fattah était le premier émir du camp. Il était accompagné
du Dr Khaled Hanafi, le médecin du camp, et d’Abou Souhayb et Abou Youssef,
responsables de la formation et de la préparation. Ils ont tous été tués.
La scène
afghane était libre, et les dirigeants fugitifs de la Gamaa en ont profité. Les
membres du groupe se sont rendus en Afghanistan par intermittence, entre 1981
et 2006 et ce jusqu’à ce qu’Al-Qaïda soit proclamée avec l’aide de Rifai Taha,
fondateur du camp de la Gamaa en Afghanistan. Puis, il y a eu la décision de
faire scission du groupe mère en Egypte après les révisions idéologiques en
1999.
La Gamaa
rejoint les rangs d’Al-Qaïda
En 2006, Ayman
Al-Zawahiri annonce qu'un certain nombre de dirigeants de la Gamaa al-Islamiya
ont rejoint Al-Qaïda. Il a dit dans un enregistrement vidéo : « La Gamaa
al-Islamiya annonce à la nation islamique une bonne nouvelle, celle de
l’unification d’une grande partie de ses rangs, avec à sa tête Mohamed
Al-Islamboli »
Al-Zawahri d’ajouter
: « Beaucoup de frères ont décidé de s'unir à Al-Qaïda, en tant qu’organisation
pionnière du Jihad ». Mohamed Khalil
Al-Hakayma était présent dans la vidéo d’Al-Zawahri. C’était la première
tentative d'établir une branche de la Gamaa al-Islamiya en dehors de l'Egypte.
La tentative a duré trois décennies et le cheikh Omar Abdel-Rahman a visité le
camp ce qui a été considéré par le groupe comme une bénédiction.
Omar Abdul
Rahman, l’émir de la Gamaa al-Islamiya est apparu au début des années 90 dans
l’Etat du New Jersey aux Etats-Unis et a essayé de fonder un centre pour
diffuser les idées de son groupe. Les services de renseignements égyptiens
avaient implanté au sein de celui-ci un certain Imad qui a réussi à enregistrer
quelques aveux incitant à des actes de violence contre les Etats-Unis. Omar
Abdel-Rahman a été arrêté pour implication dans les attentats à la bombe de
1993 à New York et condamné à la réclusion à perpétuité. Il est resté en prison
aux Etats-Unis jusqu'à sa mort le 18 février 2017.
Après
l'arrestation d'Omar Abdel Rahman, Mohamed Mokhtar Al-Moqre’, l'émir du groupe
à Minya, a fui l'Egypte vers le Soudan, après avoir été accusé dans
l'assassinat de Rifaat Al-Mahgoub, l’ancien président de l'Assemblée du peuple
égyptienne, le 12 octobre 1990. Du Soudan il s’est rendu en Grande-Bretagne où
il a créé Al-Markaz Al-Islami (le centre islamique), devenu une source de
financement, et une station de transit pour les dirigeants fugitifs. Après la
révolution du 25 janvier 2011, Al-Moqre est revenu en Egypte début 2012.
Ali Al-Sharif,
un haut dirigeant de la Gamaa Islamiyaa témoigne : « Je suis resté en Arabie
Saoudite pendant deux ans, et avant de partir au Nigeria, j’ai essayé de former
un noyau de la Gamaa en Arabie Saoudite avec les membres qui ont pu se rendre
au Royaume, et après mon retour j’ai rencontré l’éminent dirigeant, Osama
Rushdie, qui venait du Caire, et qui nous a aidé à former le groupe en Arabie
Saoudite. Mais un différend a éclaté entre lui et le dirigeant Talaat Fouad,
c’est alors qu’il a quitté l'Arabie Saoudite et la responsabilité du groupe en
Arabie m’est donc revenue à nouveau ».
« Je fus placé
sur la liste des personnes recherchées par la sécurité, parce que le cheikh
Omar Abdul Rahman, le chef spirituel du groupe, était en Arabie Saoudite, et
vivait dans mon appartement. La sécurité observait les mouvements du Cheikh
Omar, car il avait considéré dans une fatwa que les dirigeants saoudiens sont
des apostats. Les autorités saoudiennes ont alors pris position contre lui.
Quant à moi, j’ai décidé de quitter l’Arabie et je me suis rendu au Yémen en
1992. Cette tentative d'établir le groupe en Arabie Saoudite était la quatrième
», a ajouté Al-Sharif dans une interview à la presse.
Et de poursuivre
: « Au Yémen, nous avons formé un noyau qui regroupe des enseignants égyptiens.
J’ai décidé de ne pas interférer dans la question de l’aller ou du retour
d'Afghanistan, car le groupe avait nommé un responsable de cette question,
alors que j’ai pris la responsabilité de superviser l'organisation en général,
bien qu’on avait nommé un responsable militaire et un autre pour la Da’wa et ce
sur décision des dirigeants emprisonnés de la Gamaa ».
Pour sa part,
Othman Al-Saman, l’un des dirigeants de la Gamaa Islaméya, déclare au site
Al-Marje’:
« Après
l'assassinat de Sadate, nous étions sur le point de fonder la Gamaa al-Islamiya
au Yémen, mais le président yéménite Abdallah Saleh, nous a demandé d'aller au
siège de présidence et là-bas nous avons été arrêtés et nous sommes restés dans
les prisons yéménites pendant trois ans à la fin des années 90. Le groupe a été
rapatrié en Egypte, et nous avons ainsi échoué dans notre cinquième tentative
de créer une branche au Yémen ».
Après le renversement du régime des Frères
musulmans en Egypte, plusieurs membres de la Gamaa al-Islamiya ont fui le pays pour
se rendre en Turquie. Parmi eux figurent Assem Abdel Magued, membre du Conseil
de la Choura ; Tariq Al-Zomor, président du Parti de la Reconstruction et
du Développement ; Mohamed Al-Saghir; Islam Al-Ghamry ; et Mamdouh
Ali Yusuf, chef de l’aile armée du groupe. La Gamaa est devenue plus nombreuse
et possédait désormais un siège à Diyarbakir, dans le sud de la Turquie.
Quand ils ont
déménagé à Istanbul, les appareils de sécurité turcs ne leur ont pas permis d'établir
une branche sur le territoire turc. Ils ont bénéficié cependant d’une grande
liberté de mouvement et d’apparition dans les médias, surtout après les efforts
qu’ils ont déployés pour faire avorter le coup d’Etat contre le président turc
Recep Tayyip Erdogan en 2016.
Depuis la
fondation de la Gamaa dans les années 1970, ses membres n'ont pas laissé un
seul champ de bataille sans s’y investir de l'Afghanistan au Yémen en passant par
la Syrie. A la tête de ces militants figurait Rifai Taha, membre du Conseil de
la Choura du groupe, qui a été tué en 2016.
Des dirigeants
de la Gamaa ont rejoint le Front Al-Nosra, actuellement Organisation de Libération
du Levant (OLL). Parmi eux, Aboul Ela Abd-Rabbo, tué en 2017, Mohammed Abbas,
tué début 2018, Abou Mohammed Alsohadjiy, et Rifai Taha.
Il est à noter
que des membres de la Gamaa al-Islamiya en Ethiopie étaient derrière la
tentative d'assassinat contre l'ancien président égyptien Mohamed Hosni
Moubarak à Addis-Abeba (Son convoi a été pris d’assaut en Juin 1995). Ils ont
fourni le soutien financier et logistique aux auteurs de la tentative
d'assassinat, et certains d'entre eux étaient mariés à des Ethiopiennes.