Soudan : Omar Al-Bachir sera interrogé par la justice
Une
foule immense était réunie jeudi à Khartoum pour maintenir la pression sur les
militaires et obtenir un transfert du pouvoir aux civils.
Omar Al-Bachir va être interrogé par la
justice, a fait savoir, jeudi 2 mai, l’agence de presse officielle à
Khartoum, où une foule immense a réclamé aux militaires qui ont succédé au
président déchu un transfert du pouvoir aux civils. Le procureur général du
Soudan Al-Walid Sayyed Ahmed a ordonné son interrogatoire « en
vertu des lois sur le blanchiment d’argent et le financement du
terrorisme », selon l’agence de presse Suna.
Porté au pouvoir par un coup d’Etat
en 1989, Omar Al-Bachir a été renversé le 11 avril par l’armée à la
suite d’un mouvement de contestation inédit, déclenché en décembre par le
triplement du prix du pain. Les Etats-Unis ont levé en octobre 2017 leur
embargo commercial sur le Soudan vieux de vingt ans, mais maintiennent Khartoum
sur sa liste des soutiens internationaux du terrorisme, avec l’Iran, la Syrie
et la Corée du Nord. Le Soudan avait été inclus sur cette liste en raison
d’accusations de liens avec des militants islamistes radicaux. Le fondateur
d’Al-Qaida Oussama Ben Laden a ainsi vécu au Soudan entre 1992 et 1996.
Le général Abdel Fattah Al-Burhane, le chef
du Conseil militaire de transition qui a succédé à M. Béchir, avait précisé
récemment qu’une délégation soudanaise allait prochainement se rendre à
Washington pour discuter d’un retrait du Soudan de la liste américaine
des « pays soutenant le terrorisme ». Les Etats-Unis ont
dit soutenir « la demande légitime » d’un
gouvernement dirigé par des civils, réclamé par le mouvement de contestation au
Soudan.
Pression
constante sur les militaires
Une immense foule de Soudanais s’est réunie
jeudi devant le QG de l’armée à Khartoum pour « une marche d’un
million » de personnes, afin de maintenir la pression sur les
militaires pour qu’ils satisfassent cette revendication. Les ponts et les rues
menant au complexe militaire, situé dans le centre de Khartoum, étaient noirs
de monde.
« Que tu chutes ou non, nous resterons », ont scandé les contestataires, en référence au Conseil
militaire. Les deux camps se sont jusqu’à présent mis d’accord pour établir un
conseil conjoint militaro-civil, appelé aussi « conseil souverain »,
pour remplacer le Conseil militaire, mais les négociations achoppent sur le
nombre de membres et sa composition, chaque partie insistant pour être
majoritaire dans cet organe. Certains manifestants soulignent le risque
d’impasse dans la crise.
« Si
le Conseil militaire a la majorité dans le conseil souverain, les droits des
civils ne seront pas garantis. (…)
Mais si le sit-in se poursuit encore longtemps, des divisions apparaîtront qui
serviront les objectifs des militaires », note Hassan Rabeh, un
manifestant de Gadaref (centre).
L’Alliance pour la liberté et le changement
(ALC), qui regroupe les principales formations du mouvement de protestation, a
présenté jeudi au Conseil militaire un document proposant d’établir une
administration civile, avec des organes exécutif, législatif et judiciaire.
Satea Al-Haj, un des chefs du mouvement, a déclaré jeudi soir à des
journalistes que l’ALC voulait une réponse du Conseil à cette demande
d’ici « 72 heures ».
Au moins 65 morts depuis décembre
Dans un communiqué, le Conseil militaire a
fait savoir qu’il examinerait le document. « Nous poursuivrons
notre dialogue avec l’Alliance », a-t-il souligné.
Mardi, le général Salah Abdelkhalek, membre
du Conseil militaire, a annoncé que le chef de cette instance, Abdel Fattah
Al-Burhane, serait « le chef du [futur] Conseil
souverain ». Fer de lance de la contestation, l’ALC a alors accusé les
militaires de « ne pas envisager sérieusement de céder le pouvoir
au peuple » et appelé « à une marche d’un
million » de manifestants jeudi pour réclamer un pouvoir civil.
La situation s’est d’autant plus tendue que
les militaires ont annoncé mardi la mort de six membres des forces de sécurité,
tués dans des heurts avec les manifestants à travers le pays. Selon un bilan
officiel, 65 personnes sont mortes depuis le début de la contestation en
décembre.
Le Conseil militaire a prévenu qu’il ne
laisserait pas le chaos s’installer, exhortant les manifestants à retirer les
barricades installées et à rouvrir les routes et ponts bloqués aux alentours du
QG de l’armée.