En Syrie, deux femmes dans la débâcle de l’EI
Des
dizaines de milliers de femmes en niqab noir et de jeunes enfants hagards
s’entassent dans de grandes tentes blanches qui s’étalent à perte de vue. Le
camp de déplacés d’Al-Hol, dans le nord-est syrien, n’a rien de l’image
idyllique qu’Elise et Myriam (les noms ont été modifiés) s’étaient faite de
leur vie sous l’autorité de l’organisation Etat islamique (EI). Sorties à
contrecœur le 5 mars de l’enfer de Baghouz, le dernier réduit du
« califat », à 400 kilomètres plus au sud, tombé aux mains des Forces
démocratiques syriennes (FDS) le 23 mars après trois mois de siège et de
combats, les deux djihadistes – respectivement belge et française – disent
pourtant n’avoir ni remords ni regret.
Après
avoir vécu pendant cinq ans ce qu’elles appellent une vie « normale » sous
le califat en Syrie, elles ne savent pas de quoi leur avenir sera fait. Si ce
n’est qu’il restera lié à l’EI, sous l’emprise duquel elles restent. « Le
califat, c’est un idéal qu’on a voulu, qui fait partie de notre islam. Mais, il
va s’éteindre », reconnaît Elise, rencontrée dans la zone de
réception du camp d’Al-Hol.
Myriam
la coupe, pour la contredire. « La victoire nous sera donnée. Le
Daoula [« Etat » en arabe] a préparé la suite et
tout est possible ici », veut-elle croire. Ce qu’elle a vécue à
Baghouz n’altère en rien sa foi en l’EI. « Dans le califat, il y a
eu des fautes comme partout, il faut le temps de s’adapter, d’apprendre de ses
erreurs. Il n’a pas pu prospérer car on était en temps de guerre », dit
Myriam.
Désormais
obligée d’utiliser des béquilles, Myriam ne s’est résolue à quitter Baghouz que
parce qu’elle était devenue un « poids mort »après avoir
été blessée par balle à la jambe gauche, le 1er mars. Son mari
l’a poussée à partir avec leurs trois enfants âgés de 2 à 11 ans. « C’est
difficile de se dire qu’on a enduré tout cela, qu’on a vu les enfants souffrir,
surtout de la faim, pour partir chez ceux qui sont responsables de cette
souffrance », dit-elle des FDS. Elise, elle, est soulagée. Fin
février, depuis Baghouz, elle confiait déjà sur WhatsApp son envie de sortir. « Je
ne me voyais pas rester, c’était terrorisant, explique-t-elle. On
voulait juste attendre le dernier jour de la trêve, rester le plus de temps
possible en famille. On savait qu’on serait séparés après, on ne sait pour
combien d’années. »