Yémen: l'inquiètude à l'approche du procès d'un leader baha'i
Le tribunal houthi de Sanaa doit se
prononcer mardi 30 avril sur l’appel de Hamed Bin Haydara, condamné à mort pour
espionnage et apostasie. Bin Haydara est un important dirigeant baha’i, une
minorité religieuse victime de multiples persécutions en Iran et aujourd’hui au
Yémen dans la zone contrôlée par les houthis. Plusieurs dizaines de baha’is
sont actuellement en attente de jugement pour les mêmes chefs d’accusation
d’espionnage et d’apostasie du fait de leur appartenance à la même communauté
de croyance. Les appels se multiplient à travers le monde pour faire libérer
Hamed bin Haydara et pour demander la libération immédiate de tous les baha’is
détenus au Yémen en raison de leur conviction religieuse.
On
estime globalement que les baha’is seraient aujourd’hui cinq millions dans le
monde et seulement quelques milliers de personnes au Yémen (certaines sources
parlent de 2 000 personnes), dans un pays qui compte vingt-sept millions
d’habitants dont 99% sont musulmans.
Depuis
que les houthis ont chassé le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi,
soutenu par l’Occident, et qu'ils ont pris le contrôle de la capitale, Sanaa,
et d’une grande partie de l’ouest du Yémen en 2015, ils répriment les baha’is et
leur religion jugée « satanique ».
L’ONU a
déclaré que sur les territoires contrôlés par les houthis, la vie des baha’is
était confrontée à un « schéma
persistant de persécution », notamment de harcèlement et de
détention arbitraire.
Le calvaire de Hamed bin Haydara
Le 3
décembre 2013, dans un contexte délétère de harcèlement de la communauté
religieuse baha’ie, Hamed bin Haydara est arrêté sur son lieu de travail par
les agents du Bureau national de sécurité. Yeux bandés, menotté, il est
transporté dans le coffre d’une voiture dans un lieu de détention secret
pendant plusieurs mois. En octobre 2014, avant la tenue de tout procès, il est
transféré à la prison de Sanaa dans la même cellule que les condamnés à mort.
D’après
les représentations baha’ies à l’étranger, entre septembre et décembre 2014,
Hamed bin Haydara a fait l’objet de dix-neuf interrogatoires, dont seulement
trois se sont déroulés en présence de son avocat. La première audience le concernant
s'est tenue le 8 janvier 2015 sans qu’il soit présent. Sur les 26 audiences qui
suivent jusqu’en avril 2017, au moins dix se sont passées en l’absence de Hamed
bin Haydara et de son avocat.
Après l’arrestation de Hamed bin Haydara,
son domicile a été perquisitionné, ses documents et son ordinateur ont été
confisqués par le Bureau de la sécurité nationale. Durant ces années de
détention, comme le précise la représentation baha’ie de France, « Hamed
bin Haydara a été contraint de signer des papiers alors qu’il avait les yeux
bandés ; il s’est vu refuser la délivrance des médicaments indispensables
à ses problèmes de santé (notamment l’hypertension et l’hypercholestérolémie) ;
les examens médicaux nécessaires suite aux tortures qu’il a subies lui ont été également
refusés ; il a été soumis à la torture psychologique et physique,
notamment à des décharges électriques et des frappes à l’aide d’une barre
métallique et une substance inconnue lui a été injectée dans le cou ».
Le 2 janvier 2018, le tribunal pénal
spécialisé de Sanaa a condamné à mort Hamed bin Haydara, l’accusant en
substance de compromettre l’indépendance de la République du Yémen par adhésion
à une « secte satanique », « de menacer la sécurité du
pays » et de « mener une guerre doctrinaire contre l’islam », le
juge appelant également à la dissolution de toutes les assemblées baha’ies du
Yémen.