Le canal financier européen avec l’Iran : Motifs et implications
Trois pays européens (Allemagne, France et Grande-Bretagne) ont partagé la responsabilité du lancement d’un canal destiné à faciliter la coopération entre Téhéran et les pays européens pour contourner les sanctions américaines suite au retrait des États-Unis de Accord de Vienne sur le nucléaire iranien conclu entre Téhéran et le P5+1 (Chine, USA, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) en 2013.
L'objectif de ce canal est de faciliter les échanges commerciaux entre Téhéran et l'Union européenne. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, devrait arriver à Bruxelles pour discuter des derniers détails du projet de déclaration.
Les pays européens tentent également de limiter l'influence de l'Iran dans la région, en prévoyant de limiter le programme de missiles balistiques iraniens menaçant Israël. Tout comme ils veulent faciliter l'arrivée des exportations alimentaires européennes à Téhéran en raison de la crise que traverse le peuple iranien.
L'Union européenne s'attend à ce que cela entraîne un bouquet de résultats, notamment le maintien de l'accord nucléaire, la conformité de Téhéran au Groupe d'action financière (GAFI), et le contrôle des opérations terroristes des mollahs contre l'opposition iranienne à l'étranger.
I. Les incitations du lancement du canal financier avec l'Iran
La période qui a suivi le retrait américain de l’accord nucléaire avec l’Iran a été marquée par un large éventail d’accords entre Téhéran et les pays de l’Union européenne visant à faciliter les relations commerciales et à surmonter les sanctions économiques imposées par les États-Unis. Les motivations en sont multiples, notamment:
1. Contenir l'influence iranienne dans la région
L’influence iranienne au Moyen-Orient s’appuie systématiquement sur la théorie de l’exportation de la révolution islamique et sur le principe du gouvernement mondial: depuis la révolution islamique en Iran en 1979, Téhéran cherche à étendre son influence dans la région arabe sous le prétexte de combattre les despotes et de soutenir les faibles. La République islamique deviendra la plus grande puissance
régionale de la région et pourra donc utiliser cette carte lors de la manœuvre avec les grandes puissances pour mettre en œuvre ses revendications.
L'Union européenne a également des intérêts importants au Moyen-Orient, en particulier les intérêts italiens, principalement centrés sur l'énergie, dans des pays tels que la Libye, tandis que la région est associée à des pays européens dans des dossiers tels que l'immigration et le terrorisme. Et ainsi se croisent la République islamique déstabilisante et solidaire de la plupart des groupes djihadistes dans la plupart des zones de conflit actuelles, telles que la Syrie et l’Iraq.
Téhéran tente d'influencer le sort de la région en soutenant certains acteurs non étatiques, tels que le Hezbollah au Liban et les Houthis au Yémen. L'influence de l'Iran sur le processus électoral et l'arrivée de certaines factions au pouvoir y est palpable. D’où le besoin européen de soutenir l’Iran.
Dans le même contexte, Téhéran s’efforce d’enrichir le sectarisme au sein de la région arabe en général et au Yémen en particulier, de sorte que la politique iranienne au Yémen déchire le tissu social et détruit la coexistence pacifique. Sans oublier que le soutien de l’armée iranienne aux Houthis en offrant à ces derniers des armes modernes et de grandes quantités ont miné la capacité de l’État et facilité l'escalade du conflit.
2. Limiter les activités liées aux missiles balistiques
Depuis la signature de l'accord nucléaire avec le Groupe 5+1 (Chine, USA, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), Téhéran a lancé un certain nombre de missiles balistiques, malgré l'existence d'un élément de l'accord nucléaire qui l’interdit. Mais l’Iran justifie que ces activités balistiques sont pacifistes. Le 10 janvier 2019, le président iranien Hassan Rouhani a déclaré le lancement des missiles transportant des satellites industriels sur l'orbite terrestre, défiant l'avertissement du président américain Donald Trump en violation de la résolution 2231.
Cela confirme les images diffusées par la chaine TV américaine CNN montrant une activité de roquettes sur le site des Gardiens de la révolution utilisé par l’Agence spatiale iranienne. Certains analystes ont en revanche souligné que Téhéran avait évité de porter plainte contre la décision de retirait des États-Unis de l’accord nucléaire sans contrepartie.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que son pays était prêt à imposer une série de sanctions à l'Iran si les négociations sur son
programme de missiles balistiques ne progressaient pas : Y compris notamment le gel des avoirs des membres des Gardiens de la révolution iranienne, entre autres.
Le peuple iranien souffre d'un manque de nourriture sur les marchés et de la hausse des prix, dans le contexte des sanctions américaines qui ont suivi la période de retrait des États-Unis de l'accord nucléaire et de l'incapacité des entreprises alimentaires internationales d'exporter vers Téhéran. Les Fondations américaines Cargill et Benji, et leur consœur singapourienne Olam ont conclu de nouveaux accords d'exportation de blé, de maïs et du sucre brut, car les banques occidentales n'ont pas été en mesure de transférer les paiements de transaction à l'Iran.
Dans le même ordre d'idées, un responsable iranien au ministère du Commerce et de l’Industrie a reconnu qu'il existait des accords avec quelques petites et moyennes banques européennes qui ont de relations insignifiantes avec les États-Unis.
En dépit de l'annonce par Washington de la levée des sanctions sur les produits alimentaires, aux yeux des entités qui ont violé les sanctions, de nombreuses banques et entreprises européennes et occidentales ont mis fin à leurs relations financières avec Téhéran, craignant d’être soumises à des sanctions étasuniennes.
De nombreux économistes internationaux ont déclaré qu'il était plus facile pour de nombreuses banques étrangères de mettre fin à toute activité financière avec un Iranien plutôt que d'entrer dans les détails de la législation américaine en matière de sanctions ou de risquer de commettre des erreurs et d'être soumis à des sanctions.
II. Les répercussions du lancement du canal financier entre l'Iran et l'Union européenne
Malgré les grandes difficultés rencontrées par les pays européens pour accueillir le canal financier afin de faciliter les échanges commerciaux avec Téhéran, ils craignent d'être exposés aux sanctions américaines, mais espèrent que le lancement de ce canal produira un ensemble de résultats, à savoir:
1. Maintenir l'accord nucléaire
L'Union européenne s'attend à ce que le lancement du canal financier avec Téhéran serve de catalyseur au maintien de l'accord nucléaire entre l'Iran et le Groupe 5+1 (Chine, USA, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), notamment après le
retrait des États-Unis et l'imposition de trois vagues de sanctions économiques contre la République islamique.
Selon plusieurs analystes, bien que rester dans l’Accord nucléaire soit la meilleure solution dans les circonstances actuelles pour la République islamique, mais elle ne peut pas continuer malgré les coûts.
L’écrivain américain Henry Rome note dans ce sens que le facteur économique est le facteur le plus déterminant dans les calculs du décideur iranien, reconnaissant deux observations très importantes:
a) Malgré les sanctions sévères imposées par les États-Unis, celles-ci ne sont pas aussi efficaces que les mesures multilatérales.
b) L’impact négatif de la sortie de l’Iran de l’accord nucléaire est plus important que tout effet positif que Téhéran puisse obtenir dans cette situation.
Ainsi, les pays européens s’emploient à accroître les chances et les avantages de la République islamique pour qu’elle reste dans l’accord nucléaire, pour préserver les intérêts des entreprises qui ont des relations commerciales avec Téhéran, pour protéger leurs intérêts et pour contenir l’influence croissante de Téhéran au Moyen-Orient.
2. S'assurer que Téhéran adhère au Groupe d'action financière (GAFI)
La politique iranienne est controversée depuis début 2018 au sujet de son adhésion au Groupe d'action financière (GAFI), Téhéran et Pyongyang étant accusés d'implication dans le blanchiment d'argent et le terrorisme.
Dans le cadre de la légalisation de la situation commerciale et financière de la République islamique, le président iranien Hassan Rouhani a, après la conclusion de l'accord nucléaire avec le groupe 5+1, a le GAFI, qui comprend un certain nombre de mesures nationales de lutte contre le blanchiment d'argent et a ratifié deux conventions, notamment la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et la Convention contre le financement du terrorisme.
Les Européens s'attendent donc à ce que l'adhésion de l'Iran à cet accord facilite le travail du canal financier, ce que les autorités iraniennes ont reconnu comme une
condition préalable à son lancement. Mais certains courants iraniens qui protestent l’adhésion de Téhéran au traité prétendent que cela permettrait d’ouvrir les secrets de l'État iranien aux puissances internationales. Ce qui pourrait être difficile pour l’Iran de contourner les sanctions imposées par les États-Unis comme ce fut le cas par le passé.
3. Le contrôle des opérations terroristes contre l'opposition iranienne à l'étranger
Les pays européens ont assisté à une vaste campagne d'assassinats contre l'opposition iranienne à l'étranger, en particulier les Moudjahidines du peuple, et la question de la double nationalité est l'une des questions les plus controversées entre Téhéran et l'Union européenne.
La République islamique accuse ses citoyens qui jouissent de la double nationalité d'espionnage pour leur second pays, en plus de non reconnaissance par l’Iran du principe de la double nationalité.
Ainsi, les pays de l'UE tentent de forcer l'Iran à adhérer aux conventions internationales afin de contrôler son comportement, de contrôler les vagues d'assassinats dirigés contre l'opposition à l'étranger et de rouvrir des dossiers importants tels que les libertés et les droits, en particulier pour les catégories relevant du droit international, notamment les femmes et les mineurs.
En définitive, il semble que ce mécanisme n'atteindra pas ses objectifs en raison de l'intransigeance et de la réticence de l'Iran à adhérer au GAFI. Il ne s'agit donc que d'un mécanisme visant à préserver la face des pays de l'UE. Il dépendra toutefois du degré de succès ou d'échec du nombre de concessions que Téhéran pourrait fournir, en plus de respecter les paramètres du droit international en ce qui concerne leurs relations commerciales et de retourner à la table des négociations avec les États-Unis en ce qui concerne son programme nucléaire