Publié par CEMO Centre - Paris
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Libye : les dessous d'une guerre sans issue

lundi 29/avril/2019 - 12:12
La Reference
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Les Libyens sont en ville. Dans les hôtels étoilés de Gammarth et du Lac, le Laico au cœur de la capitale, on croise anciens ministres, hommes d'influence, membres du GNA – le gouvernement de Tripoli reconnu par la communauté internationale – et autres personnalités. Le ministre des Affaires étrangères de l'Est libyen a tenté de tenir une conférence de presse au Novotel de Tunis afin de faire le SAV de l'offensive Haftar. Échaudées, les autorités tunisiennes ont interdit l'événement. Chacun voulant vendre son récit, sa guerre, ses conquêtes, affirmer sa légitimité, la Tunisie est redevenue, à l'aune de ce nouveau foyer, une terre de passage pour ONG, diplomates onusiens, intermédiaires, gens de bonne volonté... Les internationaux se pressent autour du couffin libyen.

L'équilibre doucereux qui prévalait en Libye, entre l'ouest et l'est, a volé en éclats le 4 avril. Vingt-deux jours après le début de l'offensive Haftar sur Tripoli et l'Ouest, le bilan humain est sévère : 278 morts, 1 332 blessés, selon l'OMS. Le nombre de déplacés se chiffre en dizaines de milliers (37 000, selon les dernières sources). Quelque sept mille cinq cents familles sont concernées. L'OIM évacue au compte-gouttes les migrants retenus dans des centres de détention, plus de trois mille. Le cessez-le-feu exigé par l'ONU, deux heures par jour, afin d'évacuer blessés et dépouilles, n'a pas trouvé acquéreur.

L'enlisement des combats autour de Tripoli

Ce que Haftar envisageait comme un raid éclair sur la capitale se solde aujourd'hui par une opération escargot laissant derrière elle cadavres et blessés graves. Off, un diplomate de passage à Tunis, note que « Haftar s'imaginait être accueilli avec des fleurs par les Tripolitains ». Il a également « dramatiquement sous-estimé la résistance des forces du gouvernement d'union nationale et surestimé ses propres troupes ». Résultat : un enlisement sanglant aux conséquences « multidimensionnelles ». À l'intérieur du pays et potentiellement à ses frontières, nombreuses : sept pays sont concernés, le Maghreb, le Sahel. Sans omettre la guerre d'influence qui se joue dans les pays du Golfe.

 « Haftar a reçu des feux verts »

Le 4 avril, l'homme qui tient l'Est annonce passer à l'attaque de Tripoli au nom d'une lutte contre « le terrorisme ». Dans le message audio publié sur Facebook, la guerre est promue sous un certain angle. Il n'est pas question de prise totale du pouvoir. À plusieurs reprises, dans son fief, le maréchal a livré le fond de sa pensée devant des dirigeants occidentaux : « les Frères musulmans sont plus dangereux que l'État islamique. » Provoquant chez certains ministres européens des interrogations quant à la rationalité du militaire. « Il veut diriger la Libye et pourchasser les Frères musulmans, voilà le topo », résume notre diplo. La date de l'offensive laisse perplexe. António Guterres, le secrétaire général de l'ONU, fait escale à Tripoli, puis à Benghazi afin d'appuyer les efforts de Ghassan Salamé, son haut représentant pour la Libye. Ce Libanais madré bataille depuis un an pour monter une conférence nationale dans l'objectif de parvenir à des élections. Elles devaient se tenir fin avril. « Haftar a accéléré par crainte que la conférence aboutisse à un résultat et le marginalise », poursuit notre fin connaisseur de la partie d'échecs qui se joue depuis 2011. Et il a « obtenu des feux verts, gris ou jaunes de plusieurs de ses soutiens ». Le maréchal a rendu visite aux Émirats arabes unis, sous le couvert de « soins médicaux », et à l'Arabie saoudite. L'axe Abou Dhabi-Riyad mène une guerre d'influence contre le Qatar depuis l'été 2017. Au-delà de Doha, les deux pétromonarchies veulent mettre à terre les Frères musulmans. Haftar tient le même langage. En accusant le GNA d'être soutenu par le Qatar et la Turquie, « il légitime son offensive contre cette Tripoli qui lui résiste ». Les soupçons de livraisons d'armes de part et d'autre fusent sans preuve. En Méditerranée, très haut dans l'espace aérien, des Awacs sillonnent.


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