Boko Haram : la secte islamique en perte de vitesse ?
Crise interne
Dès l'entrée en fonction de Al-Barnawi, le fils du fondateur de Boko Haram et devenu porte-parole de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest en 2015, les luttes d'influence internes au sein de la nébuleuse n'ont cessé d'être visibles et très perceptibles au vu des résultats de moins en moins spectaculaires peut-être du fait de la force multinationale mixte (FMM) et/ou de la volonté du gouvernement nigérian de combattre l'islamisation fondamentaliste jusqu'à ses derniers retranchements ou alors d'une crise de croissance et de positionnement idéologique que traverse la nébuleuse depuis la mort en 2009 de Mohamed Yusuf, le fondateur de la secte Jama'atu Ahl as-Sunnah il-Da'awati wal-Jihad – Communauté des disciples pour la propagation de la guerre sainte et de l'islam –, qui prendra rapidement le nom de Boko Haram. C'est une réelle crise de confiance et de croissance qui règne au sein de l'Organisation de l'Etat islamique dans le grand Sahara.
De l'idéologie à la constitution des factions géo-identitaires
On assiste à la dégénérescence d'une organisation très fragmentée sur le plan dogmatique et stratégique. En ajoutant à son compte les luttes intestines et insidieuses et même spectaculaires, la secte islamique fondamentaliste Boko Haram malgré quelques incursions et quelques frappes serait en perte de vitesse. La mort de Mamman Nur confirmée en septembre 2018 reste une victoire, un élan supplémentaire des plus radicaux de Boko Haram. La faction Shekau qui a quasi repris le contrôle entier de la nébuleuse bénéficie d'une certaine crédibilité et d'une certaine notoriété auprès de l'international terrorisme aussi en perte de vitesse et de financement a du mal à contenir et à rassembler toutes les factions dissidentes.
Les guerres de positionnement entre les entités ethno-raciales de Boko Haram s'expriment de plus en plus et prennent corps dans l'existence d'une essence soit de communauté idéologique, soit d'origine ou de moeurs, bref d'une culture sur la base de laquelle les liens émotionnels entre les membres de la nébuleuse se créent et s'entretiennent de plus en plus. Une certaine frange peul/haoussa fondamentaliste versant dans le terrorisme et conduit par Shekau d'une part et d'autre part une faction arabe shuwa/Touareg fondamentaliste versant aussi dans le terrorisme et conduit par Abou Mosab Al Barnawi. Notons également que c'est ce dernier qui bénéficie du soutien logistique et stratégique de Al-Qaïda au Maghreb islamique ancien GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), et d'autres filiales djihadistes à prédominance Touareg qui opèrent dans le Sahara. On assiste fonctionnellement à une guerre de leadership et une lutte d'influence entre la communauté les différentes factions dont l'effroyable spectre ne cesse de se renfoncer et se redéployer afin de poursuivre le but de guerre tout azimut des plus horrifiants.
Utilisant tout ce qui peut diviser, rendre extrémiste à bien des niveaux et visées pour des ralliements criminels extrêmes et assoiffé de pouvoirs multiples aux rêves idéologiques nébuleux de sociétés fondamentalistes à construire. Le fondement même de cette islamisation fondamentaliste ne relève plus rien que du domaine du spirituel et de l'adhésion du vouloir de chaque membre. La question raciale et la différence sur le plan stratégique objectivement identifiables sont à des degrés divers d'une importance particulière dans le processus de formulation des identités qui serait devenu un critère objectif de différenciation entre les membres des factions dissidentes ou filiales de Boko Haram. Si l'idéologie a toujours été le fondement et l'élément identitaire et d'adhésion à Boko Haram, la mort de Mamman Nur et les circonstances qui ont accompagné son assassinat dénotent une nouvelle grille d'identification et d'appartenance à une quelconque faction.