Les périples de l’enfant gâté : Erdoğan charge son gendre d’améliorer l'image de la Turquie à l'étranger
En violation de
tous les protocoles présidentiels de gestion administrative de tout État, le
président turc Recep Tayyip Erdoğan a l'habitude d'envoyer à l’étranger son
gendre Berat Albayrak (époux de sa fille aînée) et le ministre des Finances en
lieu et place du ministre des Affaires étrangères. Une attitude violant les
protocoles présidentiels dans n'importe quel pays. Le dernier en date a été la
visite du gendre d'Erdoğan à Washington cette semaine pour tenter de convaincre
le président Donald Trump de ne pas imposer de sanctions à la Turquie, qui
cherche à acquérir le système de défense antimissile russe S-400. Albayrak a
prononcé un discours différent de celui prononcé par Erdogan à la télévision
devant ses partisans.
Pour
satisfaire le désir américain
Albayrak a
déclaré à l'issue d'une réunion avec le secrétaire américain au Trésor Steven
Mnuchin, et le conseiller du président américain Jared Kushner, que la réunion
était "constructive et positive" et qu'il était venu à Washington
pour transmettre le message d'Erdogan au président Trump et lui faire part de
ses salutations. Cela correspond même au désir américain.
L'Agence
américaine Bloomberg a qualifié la visite de tentative du président turc de
désamorcer un différend diplomatique entre les deux pays et d'empêcher
l’effondrement de l'économie turque si Trump imposait des sanctions, comme ce
fut le cas lors de la crise de la détention d’un pasteur américain en Turquie.
Selon Bloomberg, Erdoğan n'a pas trouvé mieux que son gendre pour le charger de
cette mission, d’autant plus qu’il se caractérise par un style calme de
conversation et un bon anglais, moderne et capable de calmer les investisseurs
américains inquiets pour la Turquie.
Visites
d'amélioration de l’image
Ce n'est pas la
première fois qu’Erdoğan envoie son gendre à l'étranger pour améliorer son
image vis-à-vis d'un autre pays. En septembre dernier, Berat Albayrak (40 ans)
s'est rendu dans la capitale allemande, Berlin, où il a affirmé que les
relations de son pays avec l'Allemagne et l'Union européenne marqueraient le
début d'une nouvelle ère : « Nous avons laissé la tension derrière nous ». Il
s’agissait d'une visite préparatoire à la visite d’Erdoğan, qui a eu lieu plus
tard, et qui a décrit l'Agence France-Presse de l'époque comme étant le prince
héritier d’Erdoğan.
En 2016, Berat
Albayrak a contribué à l'amélioration des relations israélo-turques et à la
signature des accords entre le ministère de l'Énergie de l'époque et le
ministère israélien de l'Énergie, en vue de prolonger l'oléoduc traversant la
Turquie pour acheminer les gaz extraits des gisements de gaz israéliens en
Méditerranée vers la Turquie et le continent européen. Les bonnes relations
qu’il a avec le ministre israélien de l'Eau et de l'Énergie Yuval Steinitz ont
contribué au renforcement de la coopération entre les deux pays dans les
domaines de l’énergie.
Au cours de
l’année écoulée, les relations américano-turques se sont détériorées et les
premières sanctions ont été enregistrées, avec pour toile de fond la détention
d’un prêtre américain en Turquie, Albayrak a voyagé dans les principaux pays
européens, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France, afin d'alléger le
fardeau des sanctions américaines, avant qu’Ankara reçoive la demande
américaine de libération du prêtre détenu.
Berat Albayrak
est entré au Parlement turc pour la première fois en juin 2015 et a été nommé
ministère de l'Énergie en novembre de la même année, signe du rapprochement
entre les deux hommes. Il a accompagné Erdogan dans l'avion qui les avait menés
à Istanbul, alors que l'espace aérien turc était truffé d’avions de
putschistes.
Albayrak était
près d’Erdogan lorsque celui-ci annoncé après l'atterrissage de l'avion à
l'aéroport international Atatürk d'Istanbul l’échec du coup d'Etat.
Version turque
de la contrepartie américaine
Certains le
comparent à Jared Kushner, gendre du président américain Donald Trump,
principal conseiller de la Maison-Blanche pour des tâches clés qu’il a. Dans le
même ordre d'idées, Albayrak est le seul responsable turc, qui était aux côtés
d'Erdogan, lors d'un déjeuner de travail avec Tamim (émir du Qatar), qui a
donné lieu à des promesses de dons qataris de 15 milliards de dollars
d’investissements directs en Turquie.
Avant d'entrer
dans l'arène politique, AlBayrak dirigeait le groupe Çalık Holding, qui
regroupe des entreprises du secteur textile, des secteurs de l'énergie et des
médias, et qui détient le journal à grande diffusion Sabah. Il est détenteur
d’un Master en finance et sciences
bancaires de l’Université Bayes de l'État de New York.
La presse a fait
des allusions aux tensions au sein du gouvernement à cause d’AlBayrak, en
particulier avec le ministre de l'Intérieur, Suleiman Sweileh, connu pour son
discours enflammé, contrairement à AlBayrak.