Y aura-t-il assez de compagnons du devoir pour rebâtir Notre-Dame de Paris ?

La reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris risque d’être confrontée « à un manque de main-d’œuvre en France en tailleurs de pierre, charpentiers et couvreurs », des métiers « peu valorisés », avertissait, mardi 16 avril, le secrétaire général des Compagnons du devoir, Jean-Claude Bellanger.
Cette association ouvrière, qui forme une « élite » dans les métiers manuels, est étroitement liée à l’histoire même des cathédrales, puisque c’est sur les chantiers médiévaux que sont nés et ont prospéré les compagnonnages. Maçonnerie, charpenterie, plomberie, zinguerie, menuiserie… les jeunes peuvent être formés à partir de 15 ans et, en suivant des cours classiques le soir et le samedi, obtenir jusqu’à une licence professionnelle. Le titre de « compagnon » est délivré après un tour de France de deux à six ans en moyenne et la réalisation d’un chef-d’œuvre attestant de sa connaissance du métier – seuls trois apprentis sur dix y parviennent.
L’intervention de M. Bellanger est une façon d’alerter sur le manque de vocations dans les métiers manuels, davantage que sur une réelle pénurie de main-d’œuvre à venir pour la reconstruction de la cathédrale parisienne. Evoquant la nécessité de recruter en apprentissage pour ce chantier, dès septembre, cent tailleurs de pierre, cent cinquante charpentiers et deux cents couvreurs, le responsable de ces centres d’apprentissage souligne que « ces métiers manuels sont peu valorisés et attirent peu ».
Pourtant, selon lui, « les Compagnons du devoir forment chaque année environ mille charpentiers, sept cents couvreurs et quatre cent cinquante tailleurs de pierre », sachant qu’il existe aussi, outre les Compagnons du devoir, deux autres associations reconnues en France : la Fédération compagnonnique (Compagnons du tour de France) et l’Union compagnonnique.
En théorie, donc, il y aurait assez de ressources pour le chantier de Notre-Dame de Paris, si ce dernier ne devait être réalisé que par des compagnons. Tout au plus pourrait-on se demander si d’autres chantiers historiques nécessitant l’intervention de ces ouvriers d’élite pourraient éventuellement souffrir d’une pénurie, si tous les effectifs des compagnons sont tournés vers la cathédrale.
Des entreprises agréées « monuments historiques »
Mais la question est, en réalité, plutôt rhétorique : tous les ouvriers travaillant sur un chantier des monuments historiques ne sont pas nécessairement compagnons. Ce sont les entreprises qui doivent être agréées quand elles interviennent sur ce type de chantier, pas les ouvriers.
Au final, explique sur Facebook Jean-Marc Schaffner, président de la Fédération française du bâtiment du Grand-Est, « Notre-Dame de Paris sera reconstruite par des entreprises qui répondront à l’appel d’offres. Les Compagnons n’auront rien à dire, à part s’ils sont capables de former un groupement d’entreprises qui répond à la consultation et qu’ils sont retenus ».
Une autre question est celle des techniques qui seront choisies et de leur niveau d’enseignement. « Il faudra d’abord se mettre d’accord : privilégiera-t-on une restauration à l’identique, c’est-à-dire telle qu’on la connaissait jusqu’à hier, ou alors reviendra-t-on aux fondamentaux de sa construction médiévale ? Ou alors inventer une nouvelle architecture pour la restauration ? », interroge Patrice Bernard, de la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment – l’architecte Jean-Michel Wilmotte évoquait ainsi la possibilité d’une flèche en carbone et d’une couverture en titane, des techniques innovantes que ne maîtrisent pas forcément tous les compagnons.