Soudan : les militaires promettent la constitution d’un gouvernement civil avant deux ans
Le chef du conseil militaire, Abdel Fattah
Abdelrahman Bourhane, désormais au pouvoir au Soudan, a promis d’« éliminer
les racines »du régime d’Omar Al-Bachir, destitué jeudi, lors d’un
discours à la nation, retransmis samedi 13 avril en direct à la
télévision. Il a aussi assuré qu’un gouvernement civil serait formé après des
consultations avec l’opposition et que la période de transition ne dépasserait
pas deux ans.
Le général Bourhane a annoncé la levée du
couvre-feu et la libération de tous les manifestants arrêtés ces dernières
semaines, en s’engageant à faire juger les responsables de la mort de plusieurs
manifestants. Plusieurs dizaines de personnes ont perdu la vie, et des milliers
ont été arrêtées depuis le début du mouvement de contestation en décembre, né du triplement
du prix du pain et
qui a abouti à la destitution d’Omar Al-Bachir.
Plus tôt dans la journée, le conseil
militaire avait annoncé par communiqué un autre tournant politique majeur :
la démission de Salah Gosh, le patron du puissant service de renseignement
soudanais, le National Intelligence and Security Service (NISS). C’est le NISS
qui a dirigé la répression du mouvement de contestation de ces derniers mois.
Cette répression a donné lieu à l’arrestation de milliers de manifestants,
responsables de l’opposition et journalistes. Jeudi, peu après l’annonce de la
destitution d’Omar Al-Bachir, le NISS avait annoncé la libération de « tous
les prisonniers politiques » du pays.
Omar Al-Bachir ne sera pas « livré à
l’étranger »
Cette annonce survient deux jours après la chute du dictateur Omar Al-Bachir, au pouvoir depuis 1989, et au lendemain duremplacement du chef du conseil militaire, Aouad Mohamed Ahmed Ibn Aouf, face à la poursuite de la
contestation devant le QG de l’armée à Khartoum. Cette décision, qui s’est
traduite par l’arrivée à la tête du conseil du général Bourhane, a été
accueillie dans la joie par les protestataires. « En deux jours,
nous avons renversé deux présidents » ou encore « nous
avons réussi », ont scandé les manifestants en brandissant des
drapeaux soudanais.
Le conseil militaire a par ailleurs affirmé
qu’Omar Al-Bachir se trouvait en détention mais qu’il ne serait pas « livré
à l’étranger », alors qu’il est sous le coup depuis une décennie de
deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Dans l’après-midi
samedi, le Parti du congrès national (NCP) du président déchu a condamné sa
destitution et réclamé sa libération.
« Nous considérons que la prise de
pouvoir du conseil militaire est une violation de la constitution, a déclaré
dans un communiqué le parti. Le NCP rejette la détention de ses leaders
(…) Nous appelons à leur libération immédiate. »
Dialogue entre militaires et civils
Les organisateurs de la contestation ont
rapidement exhorté les militaires à « transférer le pouvoir à un
gouvernement civil de transition ». Dans le cas contraire, « nous
allons continuer le sit-in devant le QG de l’armée et dans d’autres
villes », ont-ils prévenu, alors que le conseil de transition
militaire a été mis en place pour une durée de deux ans.
Devant le Conseil de sécurité de l’ONU,
l’ambassadeur du Soudan, Yasir Abdelsalam, a aussi essayé de dissiper les
craintes de la communauté internationale. Le conseil militaire « se
contentera d’être le garant d’un gouvernement civil », a-t-il dit,
vendredi. Il a en outre ajouté que la période de transition pourrait « être
réduite en fonction des développements sur le terrain et de l’accord des
parties prenantes ».
« Nous ouvrirons un dialogue avec les
partis politiques pour examiner comment gérer le Soudan. Il y aura un
gouvernement civil et nous n’interviendrons pas dans sa composition. »
Il a également réclamé à la communauté
internationale des fonds pour régler la crise économique, le déclencheur du
mouvement de contestation le 19 décembre après le triplement du prix du
pain.