Publié par CEMO Centre - Paris
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Libye: le maréchal Haftar tente de prendre Tripoli

samedi 06/avril/2019 - 12:52
La Reference
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L’opération menée par les forces de l’est compromet le processus de l’ONU.

C’est une offensive militaire risquée mais un sabotage politique évident. Jeudi après-midi, Khalifa Haftar annonçait qu’il marchait vers Tripoli. Vendredi dès l’aube, il se voyait infliger un revers. Une «humiliation», comme Jalel Harchaoui, chercheur à l’institut Clingendael à La Haye, qualifie les événements.

L’Armée nationale arabe libyenne (ANL) d’Haftar a été repoussée par la force de protection de Tripoli, une coalition de milices agissant sous couvert du Gouvernement d’Union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale. Des images présentant des hommes du maréchal prisonniers avec armes et véhicules circulaient sur les réseaux sociaux. Leur authenticité n’a pas été confirmée.

Nul doute qu’Haftar n’en restera pas là, mais ses adversaires sont en état d’alerte. Ils ont baptisé la contre-offensive «Ouadi Doum 2», en référence à la défaite en 1987 du militaire, alors officier de Mouammar Kadhafi, dans la bande d’Aouzou, à la frontière avec le Tchad. Khalifa Haftar y avait été fait prisonnier.

Cette fois encore, le maréchal pourrait perdre beaucoup. «Khalifa Haftar a 25.000 hommes sous son commandement. Misrata (fief révolutionnaire, à 200 km à l’est de Tripoli, qui possède la plus grande force armée du côté du GNA, ndlr) en a 20.000 et recevra du soutien. Il suffit d’un rien pour que Khalifa Haftar se retrouve en situation de siège. Ses troupes ne sont pas chez elles et auront besoin de ravitaillement», estime Jalel Harchaoui.

Selon lui, l’homme fort de l’est libyen, qui a réussi une belle avancée dans le sud en début d’année, espérait rassembler autour de sa personne. Sur le papier, le scénario était facile: face à lui, le GNA, soutenu par des milices divisées, n’a qu’une vague influence sur une zone limitée de l’ouest libyen. En place depuis 2016, il a fortement déçu la population qui estime que sa situation ne s’est guère améliorée.

«Je quitte la Libye avec le cœur gros et profondément inquiet. J’espère qu’il est possible d’éviter une confrontation sanglante à Tripoli et dans les environs»

Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies

Mais sur le terrain, Khalifa Haftar, que ses partisans présentent comme le «De Gaulle libyen», subit déjà des défections. «Khalifa Haftar avait obtenu des allégeances politiques, notamment à Zaouïa (50 km à l’ouest de Tripoli, ndlr). Mais elles se sont effritées dès qu’il est reparti en campagne militaire», explique Jalel Harchaoui.

Depuis des semaines, il était question de former un gouvernement uni entre Khalifa Haftar et Faez Serraj, premier ministre du GNA basé à Tripoli, après presque 5 ans de divisions. «Mi-mars, Haftar pouvait tout avoir. Tout le monde s’allongeait par terre devant lui et se préparait à un gouvernement sous son influence. Mais il a voulu plus et a donné du temps à ses ennemis, divisés jusque-là, pour se rassembler» analyse le chercheur.

Les perspectives d’un règlement politique s’éloignent alors même que l’ONU devait organiser, les 14 et 16 avril, une conférence nationale chargée d’établir une feuille de route menant à des élections. Cet événement semblait être la dernière carte de l’envoyé spécial des Nations unies en Libye, Ghassan Salamé. Si le porte-parole de l’ANL a insisté, sur l’intérêt de la conférence nationale, il est probable qu’après l’offensive, ses adversaires refusent de s’y présenter. «L’ANL voudrait arriver comme une fleur à la conférence nationale, en vainqueur. Le paradoxe, c’est que l’entité la plus volontaire à participer est celle qui bafoue l’ONU», souligne Jalel Harchaoui.

En Libye depuis mercredi, le patron de l’ONU, Antonio Guterres s’est contenté de tweeter, après avoir rencontré Khalifa Haftar vendredi: «Je quitte la Libye avec le cœur gros et profondément inquiet. J’espère qu’il est possible d’éviter une confrontation sanglante à Tripoli et dans les environs.» Les ministres des Affaires étrangères du G7 ont quant à eux appelé à la cessation «immédiate» de «tous les mouvements militaires vers Tripoli». Vendredi soir, de violents affrontements ont eu lieu autour de l’ancien aéroport international. Le Conseil de sécurité, qui s’est réuni en urgence, a lui aussi demandé aux forces d’Haftar de stopper leur offensive.


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