Les partis religieux en Egypte… entre pérennité et dissolution
Walid Mansour
La fatwa du prédicateur
salafi Mustapha Al-Adawi – refusant l’idée de partis religieux – a provoqué des
débats houleux au sein du courant salafi, après qu’il eut déclaré son désaveu
de tous les partis considérés comme étant à référence religieuse.
Al-Adawi est l’un des
pôles de ce que l’on appelle « salafisme scientifique », qui est l’une des
branches du courant salafi qui s’intéresse aux problèmes de croyance, d’unicité
divine et de jurisprudence, en suivant la Sunna et en rejetant les hérésies.
Al-Adawi affirme dans une
vidéo publiée sur sa page Facebook le 2 mars 2018 : « tous les partis
islamiques ont prouvé leur échec à gouverner la nation musulmane, et nous demandons
pardon à Dieu pour eux ».
Il a ajouté qu’il avait
précédemment déclaré son appui au parti An-Nour, lorsque de nombreux cheikhs
salafis d’Alexandrie lui ont dit que la raison de leur entrée dans le parti
était l’existence de l’article de la constitution de 2012 relatif à la charia,
stipulant que « l’islam est la religion de l’Etat, la langue arabe sa
langue officielle, et les principes de la charia islamique la source principale
de sa législation », indiquant que l’expérience avait prouvé maintenant l’échec
de toutes ces allégations, et que ces partis étaient fondés sur le système
démocratique opposé à l’islam, et que par conséquent, il n’y avait rien de bon
à attendre d’eux, et qu’ils ne seraient d’aucune utilité pour l’islam et les
musulmans.
De telles fatwas ont
ouvert le débat sur l’avenir des partis religieux, créés par les courants
islamistes après la révolution de janvier 2011, et sur leur prolifération, leur
nombre étant actuellement de 15 partis à référence islamique, comme le
déclarent leurs fondateurs.
Le parti à référence
islamique est celui qui considère la charia comme référence pour ses
politiques, ce qui signifie qu’il s’oppose à toute loi qui contredit la
charia ; et ces partis permettent à l’institution d’Al-Azhar – plus haute
instance islamique officielle dans le pays – d’intervenir dans les problèmes
faisant l’objet de divergences, à la différence des partis non religieux.
Partis religieux les plus
importants
Nous allons parler
maintenant des principaux partis à référence religieuse, et de leur situation
actuelle, parmi lesquels : Al-Hourriya wal-Adala, Al-Watan, Al-Nour,
Al-Assala, Al-Wassat, Al-Bina’ wal-Tanmiya, Al-Istiqlal, Al-Fadila, Al-Islah
wal-Nahda.
Al-Hourriya
wal-Adala (Liberté et Justice) : c’est le bras politique du groupe
des Frères, il a été fondé le 6 juin 2011, suite à la révolution du 25 janvier
et a obtenu la majorité au Parlement, lors des premières élections législatives
tenues après la révolution, en obtenant 213 sièges au Parlement, lui permettant
ainsi de former le gouvernement. L’ex-président déchu Mohamed Morsi fut le
premier président du parti et Dr Mohamed Sa’ad Al-Katatni, l’un de ses membres
éminents, fut nommé président du Parlement en 2012 et président du parti
Liberté et Justice avant sa dissolution.
Le 9 août 2013, la Haute
Cour Administrative – plus haute cour du département judiciaire du Conseil
d’Etat en Egypte, et qui a à sa tête le président de ce dernier – ordonna la
dissolution du parti suite à une requête présentée par la Commission des affaires
des partis politiques.
Al-Bina
wal-Tanmiya : c’est le bras politique d’al-Gamâ’a Al-Islamiya – qui a opté
pour la violence contre l’Etat dans les années 90 – sa création a été annoncée
le 20 juin 2011, et il a obtenu 10 sièges au Parlement en 2012. Il a soutenu le
groupe des Frères au pouvoir, et après le 30 juin, il a rejoint l’
« Alliance pour le soutien à la légitimité », coalition politique
formée de courants islamiques et de partis politiques pour demander le retour
du président déchu Mohamed Morsi au pouvoir, après la révolution du 30 juin.
Tariq Al-Zumr est resté
président du parti jusqu’après sa fuite en Turquie, mais il a annoncé son
renoncement à la présidence du parti après que des verdicts aient été prononcés
contre lui dans des affaires de soutien au terrorisme. Il fait partie
aujourd’hui des partis menacés de dissolution et faisant face à de nombreuses
procédures judiciaires de dissolution pour soutien au terrorisme.
Al-Nour : c’est le
bras politique du mouvement « Al-Daawa Al-Salafiya » (prédication
salafie), il fut fondé en 2011, et refusait l’action politique et l’entrée au
Parlement, mais après la révolution de janvier, il changea d’avis, et participa
à la vie politique, et obtint 124 sièges aux législatives de 2012, et 45 sièges
la même année aux élections du Conseil consultatif – l’une des deux chambres du
Parlement en Egypte et considéré comme la chambre haute du Parlement égyptien.
Imâd Abdel Ghafour fut le
premier président du parti, mais après des problèmes graves avec les cadres du
parti, il le quitta et annonça la création d’un nouveau parti sous le nom «
Al-Watan », et c’est Younis Makhyoun, membre du Conseil consultatif
d’Al-Daawa Al-Salafiya qui est président d’Al-Nour depuis le 9 janvier 2013 et
jusqu’à maintenant.
Le parti Al-Nour soutint
aussi la « feuille de route » - cadre de travail annoncé par le
général Abdel Fattah Al-Sissi, alors ministre de la Défense, le 3 juillet 2013,
et aux termes de laquelle l’ex-président Mohamed Morsi fut destitué, la
constitution du pays suspendue, et le juge Adli Mansour, président du Conseil
constitutionnel, nommé président par intérim – et annonça son soutien à
l’actuel président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, lors de sa participation aux
élections présidentielles de 2014, et le parti obtint neuf sièges aux élections
parlementaires de 2014.
Al-Watan : fondé par
Imad Al-Dine Abdel Ghafour après sa démission de son poste de président du
parti Al-Nour, le premier janvier 2013, et il le dirige jusqu’à maintenant. Le
parti a rejoint l’ « Alliance pour le soutien à la légitimité » et a
boycotté les élections parlementaires de 2014, et a annoncé son boycott de
toute élection présidentielle ou référendum.
Al-Wassat : un
groupe de dissidents du groupe des Frères a annoncé sa création en 1996, parmi
lesquels Aboul Ala Madi, Issam Sultan, Hatim Azzam, et Mohamed Mahsoub. Le
parti est considéré comme parti à référence islamique, et ses fondateurs ont
présenté des demandes de création à trois reprises, en 1996, 1998 et 2004,
toutes refusées par la Commission des affaires des partis à l’époque de
l’ex-président Hosni Moubarak, et ce n’est qu’après la révolution du 25 janvier
2011, menée contre son régime, que la commission accepta sa création, le 19
février 2011.
La plupart des positions
d’Al-Wassat suivaient celles du groupe des Frères et après le 30 juin 2013, il
rejoignit l’Alliance pour le soutien à la légitimité, et son président Aboul
Ala Madi fut condamné, ainsi que les délégués du parti, dans des affaires de
soutien au terrorisme, mais il fut libéré en août 2015, sans procès, après être
resté en détention préventive pour la période maximum, soit deux ans.
Al-Fadila : sa
création fut annoncée après la révolution du 25 janvier 2011, et ses membres et
fondateurs se rattachent au courant salafi. Il n’a aucune influence ni aucune
présence dans la rue. Il est présidé par Mahmoud Fathi Badr, qui a fui en
Turquie après la dispersion de ce que les médias ont appelé « le sit-in de
Rabi’a Al-Adawiya ». D’autre part, les investigations menées par le Haut Parquet
de sûreté de l’Etat sur l’assassinat du procureur général Hicham Barakat ont
révélé son implication dans le soutien au groupe ayant réalisé l’opération.
Al-Assala : un des
partis fondés par les Salafis après la révolution de janvier. C’est le général
Adel Abdel Maqsoud Afîfî qui l’a créé en juillet 2011. Il était président du
parti d’Al-Fadila, avant de le quitter, lui et certains membres du bureau
exécutif, pour fonder le parti Al-Assala, et le 23 octobre 2011, ce dernier
forma avec les partis Al-Nour et Al-Bina wal-Tanmiya « l’Alliance du bloc
islamique », qui comprend un ensemble de partis islamistes.