Publié par CEMO Centre - Paris
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Les partis religieux en Egypte… entre pérennité et dissolution

lundi 11/juin/2018 - 04:53
La Reference
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Walid Mansour

 

La fatwa du prédicateur salafi Mustapha Al-Adawi – refusant l’idée de partis religieux – a provoqué des débats houleux au sein du courant salafi, après qu’il eut déclaré son désaveu de tous les partis considérés comme étant à référence religieuse.

Al-Adawi est l’un des pôles de ce que l’on appelle « salafisme scientifique », qui est l’une des branches du courant salafi qui s’intéresse aux problèmes de croyance, d’unicité divine et de jurisprudence, en suivant la Sunna et en rejetant les hérésies.

Al-Adawi affirme dans une vidéo publiée sur sa page Facebook le 2 mars 2018 : « tous les partis islamiques ont prouvé leur échec à gouverner la nation musulmane, et nous demandons pardon à Dieu pour eux ».

Il a ajouté qu’il avait précédemment déclaré son appui au parti An-Nour, lorsque de nombreux cheikhs salafis d’Alexandrie lui ont dit que la raison de leur entrée dans le parti était l’existence de l’article de la constitution de 2012 relatif à la charia, stipulant que « l’islam est la religion de l’Etat, la langue arabe sa langue officielle, et les principes de la charia islamique la source principale de sa législation », indiquant que l’expérience avait prouvé maintenant l’échec de toutes ces allégations, et que ces partis étaient fondés sur le système démocratique opposé à l’islam, et que par conséquent, il n’y avait rien de bon à attendre d’eux, et qu’ils ne seraient d’aucune utilité pour l’islam et les musulmans.

De telles fatwas ont ouvert le débat sur l’avenir des partis religieux, créés par les courants islamistes après la révolution de janvier 2011, et sur leur prolifération, leur nombre étant actuellement de 15 partis à référence islamique, comme le déclarent leurs fondateurs.

Le parti à référence islamique est celui qui considère la charia comme référence pour ses politiques, ce qui signifie qu’il s’oppose à toute loi qui contredit la charia ; et ces partis permettent à l’institution d’Al-Azhar – plus haute instance islamique officielle dans le pays – d’intervenir dans les problèmes faisant l’objet de divergences, à la différence des partis non religieux.

 

Partis religieux les plus importants

Nous allons parler maintenant des principaux partis à référence religieuse, et de leur situation actuelle, parmi lesquels : Al-Hourriya wal-Adala, Al-Watan, Al-Nour, Al-Assala, Al-Wassat, Al-Bina’ wal-Tanmiya, Al-Istiqlal, Al-Fadila, Al-Islah wal-Nahda.

Al-Hourriya wal-Adala (Liberté et Justice) : c’est le bras politique du groupe des Frères, il a été fondé le 6 juin 2011, suite à la révolution du 25 janvier et a obtenu la majorité au Parlement, lors des premières élections législatives tenues après la révolution, en obtenant 213 sièges au Parlement, lui permettant ainsi de former le gouvernement. L’ex-président déchu Mohamed Morsi fut le premier président du parti et Dr Mohamed Sa’ad Al-Katatni, l’un de ses membres éminents, fut nommé président du Parlement en 2012 et président du parti Liberté et Justice avant sa dissolution.

Le 9 août 2013, la Haute Cour Administrative – plus haute cour du département judiciaire du Conseil d’Etat en Egypte, et qui a à sa tête le président de ce dernier – ordonna la dissolution du parti suite à une requête présentée par la Commission des affaires des partis politiques.

Al-Bina wal-Tanmiya : c’est le bras politique d’al-Gamâ’a Al-Islamiya – qui a opté pour la violence contre l’Etat dans les années 90 – sa création a été annoncée le 20 juin 2011, et il a obtenu 10 sièges au Parlement en 2012. Il a soutenu le groupe des Frères au pouvoir, et après le 30 juin, il a rejoint l’ « Alliance pour le soutien à la légitimité », coalition politique formée de courants islamiques et de partis politiques pour demander le retour du président déchu Mohamed Morsi au pouvoir, après la révolution du 30 juin.

Tariq Al-Zumr est resté président du parti jusqu’après sa fuite en Turquie, mais il a annoncé son renoncement à la présidence du parti après que des verdicts aient été prononcés contre lui dans des affaires de soutien au terrorisme. Il fait partie aujourd’hui des partis menacés de dissolution et faisant face à de nombreuses procédures judiciaires de dissolution pour soutien au terrorisme.

Al-Nour : c’est le bras politique du mouvement « Al-Daawa Al-Salafiya » (prédication salafie), il fut fondé en 2011, et refusait l’action politique et l’entrée au Parlement, mais après la révolution de janvier, il changea d’avis, et participa à la vie politique, et obtint 124 sièges aux législatives de 2012, et 45 sièges la même année aux élections du Conseil consultatif – l’une des deux chambres du Parlement en Egypte et considéré comme la chambre haute du Parlement égyptien.

Imâd Abdel Ghafour fut le premier président du parti, mais après des problèmes graves avec les cadres du parti, il le quitta et annonça la création d’un nouveau parti sous le nom « Al-Watan », et c’est Younis Makhyoun, membre du Conseil consultatif d’Al-Daawa Al-Salafiya qui est président d’Al-Nour depuis le 9 janvier 2013 et jusqu’à maintenant.

Le parti Al-Nour soutint aussi la « feuille de route » - cadre de travail annoncé par le général Abdel Fattah Al-Sissi, alors ministre de la Défense, le 3 juillet 2013, et aux termes de laquelle l’ex-président Mohamed Morsi fut destitué, la constitution du pays suspendue, et le juge Adli Mansour, président du Conseil constitutionnel, nommé président par intérim – et annonça son soutien à l’actuel président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, lors de sa participation aux élections présidentielles de 2014, et le parti obtint neuf sièges aux élections parlementaires de 2014.

Al-Watan : fondé par Imad Al-Dine Abdel Ghafour après sa démission de son poste de président du parti Al-Nour, le premier janvier 2013, et il le dirige jusqu’à maintenant. Le parti a rejoint l’ « Alliance pour le soutien à la légitimité » et a boycotté les élections parlementaires de 2014, et a annoncé son boycott de toute élection présidentielle ou référendum.

Al-Wassat : un groupe de dissidents du groupe des Frères a annoncé sa création en 1996, parmi lesquels Aboul Ala Madi, Issam Sultan, Hatim Azzam, et Mohamed Mahsoub. Le parti est considéré comme parti à référence islamique, et ses fondateurs ont présenté des demandes de création à trois reprises, en 1996, 1998 et 2004, toutes refusées par la Commission des affaires des partis à l’époque de l’ex-président Hosni Moubarak, et ce n’est qu’après la révolution du 25 janvier 2011, menée contre son régime, que la commission accepta sa création, le 19 février 2011.

La plupart des positions d’Al-Wassat suivaient celles du groupe des Frères et après le 30 juin 2013, il rejoignit l’Alliance pour le soutien à la légitimité, et son président Aboul Ala Madi fut condamné, ainsi que les délégués du parti, dans des affaires de soutien au terrorisme, mais il fut libéré en août 2015, sans procès, après être resté en détention préventive pour la période maximum, soit deux ans.

Al-Fadila : sa création fut annoncée après la révolution du 25 janvier 2011, et ses membres et fondateurs se rattachent au courant salafi. Il n’a aucune influence ni aucune présence dans la rue. Il est présidé par Mahmoud Fathi Badr, qui a fui en Turquie après la dispersion de ce que les médias ont appelé « le sit-in de Rabi’a Al-Adawiya ». D’autre part, les investigations menées par le Haut Parquet de sûreté de l’Etat sur l’assassinat du procureur général Hicham Barakat ont révélé son implication dans le soutien au groupe ayant réalisé l’opération.

Al-Assala : un des partis fondés par les Salafis après la révolution de janvier. C’est le général Adel Abdel Maqsoud Afîfî qui l’a créé en juillet 2011. Il était président du parti d’Al-Fadila, avant de le quitter, lui et certains membres du bureau exécutif, pour fonder le parti Al-Assala, et le 23 octobre 2011, ce dernier forma avec les partis Al-Nour et Al-Bina wal-Tanmiya « l’Alliance du bloc islamique », qui comprend un ensemble de partis islamistes.

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