Publié par CEMO Centre - Paris
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Afrique de l'Ouest : la menace djihadiste s'étend

mercredi 27/mars/2019 - 07:52
La Reference
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"La violence et l'insécurité se sont progressivement propagées dans tout (le Burkina Faso), l'épicentre de la violence et de l'insécurité reste la région du nord du Sahel, où des dizaines de civils et de suspects ont été tués et des dizaines de milliers ont été chassés de leurs foyers", souligne un rapport de l'organisation Human Rights Watch (HRW) publié le 22 mars 2019. Lequel porte sur la période s'étendant de "mi-2018 à février 2019".

Parmi les violations sérieuses commises par des groupes islamistes armés, HRW recense "l'enlèvement et l'exécution de chefs locaux (42 exécutions présumées), le pillage, notamment de troupeaux, la réquisition d'ambulances, la destruction d'écoles, les restrictions opposées aux femmes et aux villageois célébrant des mariages et des baptêmes, et la destruction de commerces". 

HRW dénonce aussi des "atrocités" commises "par les forces de sécurité". Celles-ci auraient "détenu et exécuté au moins 115 hommes et adolescents". Selon une responsable de HRW pour le Sahel"les villageois vivent dans la peur : à la fois les islamistes armés et les forces gouvernementales ont montré le peu de cas qu'ils font de la vie humaine"

Attaques de plus en plus fréquentes et meurtrières

Héritant du chaos qui règne depuis 2012 au Mali, où prolifèrent les groupes liés à al-Qaïda et l'Etat islamique (EI), le nord du Burkina Faso est confronté depuis trois ans à des attaques de plus en plus fréquentes et meurtrières. L'instabilité s'est rapidement étendue ces derniers mois à d'autres régions dont celle de l'est, frontalière du Togo et du Bénin. "Cet acharnement inouï semble indiquer que le Burkina est le dernier verrou que ces groupes veulent casser pour atteindre l'Afrique côtière", affirme à l'AFP Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute, basé à Dakar.

Le nord de ces pays, considérés jusque-là comme des îlots de stabilité dans une région mouvementée, pourraient ainsi devenir des "zones de repli" pour les djihadistes retranchés dans des poches forestières et rurales isolées, le long de frontières réputées poreuses. "Etendre leur champ d'action loin de l'épicentre actuel du djihadisme leur permettrait en outre de gagner un accès à la mer via les ports ouest-africains", et donc de nouveaux circuits d'approvisionnement en armes, estime Bakary Sambe.

Le 15 février, l'assassinat de quatre douaniers burkinabè et d'un prêtre espagnol qui revenait d'une réunion à Lomé, au Togo, peu après avoir passé la frontière, a renforcé les craintes.

"Incursions récentes de mini-groupes" jusqu'au Togo et au Bénin

A l'exception de la Côte d'Ivoire, frappée par un attentat qui avait fait 19 morts en 2016 à Grand-Bassam, aucune attaque n'a été recensée dans les pays du Golfe de Guinée. Mais des signes précurseurs y indiquent une activité croissante, depuis quelques années. Dans le parc du W, à cheval sur le Bénin, le Niger et le Burkina, "des combattants originaires du Mali auraient mené dès 2014-2015 une reconnaissance" jusqu'au Bénin, selon un rapport publié en mars par l'institut de recherche Thomas More. Mi-décembre 2018, les services de renseignement maliens avaient annoncé l'arrestation de quatre djihadistes burkinabè, malien et ivoirien soupçonnés de préparer des attentats dans ces trois pays pour les fêtes de fin d'année.

Plusieurs sources font également état d'"incursions récentes de micro-groupes" traversant la frontière burkinabè vers des petits villages du Togo et du Bénin, pour leur demander d'"interdire la vente d'alcool" ou "prêcher des messages radicaux" dans les mosquées.

En mai et novembre 2018, Burkina, Ghana, Bénin et Togo ont mené une vaste opération de lutte contre la criminalité transfrontalière. 200 personnes ont été arrêtées, dont plusieurs soupçonnées d'activités djihadistes, dans les quatre pays. "La menace est réelle. Tout le monde est sur le qui-vive", confirme à l'AFP un haut responsable sécuritaire togolais, précisant que le dispositif militaire a été renforcé dans le nord après l'assassinat du prêtre espagnol. "Les forces de sécurités togolaises et béninoises travaillent en étroite collaboration avec les Burkinabè, ajoute-t-il. Ces derniers temps, des patrouilles sont régulièrement organisées dans les villages frontaliers, surtout la nuit."

Selon l'Agence ghanéenne de gestion des secours  (Nadmo), près de 300 Burkinabè, dont 176 enfants, ont fui les violences dans leur pays pour se réfugier dans le district de Bawku (nord-est du Ghana) ces dernières semaines.

"Djihadisation du banditisme"

"Nous surveillons de près la situation avec notre voisin" (burkinabè), déclare à l'AFP le porte-parole de l'armée ghanéenne, le colonel Aggrey Quarshie. Au Burkina, 90% des attaques ne sont pas revendiquées. Elles ont été pour la plupart attribuées à Ansaroul Islam, au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) ou à l'Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS). Mais selon l'International Crisis Group (ICG), une dizaine d'autres groupes, "plus petits et sans doute moins structurés", sont également actifs.

"Il est très difficile de savoir qui fait quoi exactement, dans la mesure où il s'agit d'une nébuleuse de groupes armés dont les relations évoluent au gré des alliances et des fâcheries", rappelle Rinaldo Depagne, directeur pour l'Afrique de l'Ouest à ICG. "Le Burkina, où l'Etat n'a pas les moyens de faire face, est devenu une sorte de maillon faible à partir duquel ils allument des foyers insurrectionnels", poursuit-il. "La multiplication des fronts leur permet notamment d'échapper à la tenaille des réponses militaires des armées occidentales et de la Force du G5 Sahel, qui les ont obligés à se disperser".

Au sein de cette nébuleuse interviennent également des groupes criminels sans idéologie particulière, mais attirés par la propagande des djihadistes et installés dans les zones frontalières, propices aux trafics en tous genres (contrebande d'armes, de drogues, orpaillage clandestin...), souligne Rinaldo Depagne. Lequel parle de "djihadisation du banditisme". Il reste toutefois difficile d'évaluer dans quelle mesure les groupes djihadistes parviendront à recruter au sein des populations locales. Mais selon plusieurs experts, le sentiment d'abandon, la pauvreté et le taux d'illettrisme dans ces régions éloignées des pouvoirs politiques et économiques pourraient à terme favoriser la percée des idées radicales.

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