Publié par CEMO Centre - Paris
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La carte de déploiement des groupes djihadistes armés en Libye

dimanche 10/juin/2018 - 04:51
La Reference
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Par Rahma Mahmoud

Les zones de concentration des groupes takfiristes ont changé et certains d’entre eux ont disparu dans diverses régions de Libye, ces dernières années. Et ce, en particulier, depuis le lancement par le colonel libyen à la retraite Khalifa Haftar de « l'opération Dignité » en mai 2014, pour lutter contre les groupes extrémistes, qui a, selon ses déclarations dans les médias libyens, libéré 80% de la superficie de la Libye mi-2017.
Les organisations takfiristes ont adopté de nouvelles tactiques après les frappes sécuritaires dont elles ont fait l'objet dans l'est de la libye par les forces de l'opération Dignité.
Dans une tentative de conserver leurs éléments pour mener à bien leurs opérations terroristes après l'effondrement de leur entité organisationnelle, ces organisations se basent sur les tactiques suivantes:
I- La migration de l'est de la Libye pour se concentrer à l'ouest où les forces de sécurité relevant de Haftar ont moins le contrôle, et où se déchirent deux gouvernements (le Gouvernement de réconciliation nationale, dirigé par Fayez El-Sarraj, qui contrôle les zones de Tripoli, Sabratha, Bani Walid, Zintan et Syrte; et le Gouvernement de Salut national, dirigé par le calife Ghowel également basé à Tripoli).
II- Adoption du style des cellules dormantes ou ce qu'on appelle «les loups solitaires ».
Les groupes armés les plus importants actuellement concentrés en Libye peuvent être identifiés comme suit:
1-  Les groupes concentrés à l'est et au centre de la Libye :
- Le Conseil de choura des Moudjahidine de Darna
C'est l'un des groupes takfiristes les plus importants basés dans la ville de Derna dans la Libye septentrionale, qui a annoncé sa création le 12 décembre 2014, après le lancement de l'opération « Dignité » dirigée par « Haftar ». Il rejoint le Conseil sous la bannière de plusieurs organisations takfiristes, y compris la soi-disant organisation « Ansar al-Charia », un groupe armé dont l'idéologie est proche de celle d’«Al-Qaïda». Fondée par Mohamed Zahawi début 2012, elle s'était déployée à Derna et Sabratha, Benghazi, Misrata, Tripoli et Syrte.
En outre, le Conseil a été également rejoint par le bataillon «Al Battar» constitué d’un groupe de combattants libyens de retour de Syrie, où ils luttaient contre Bachar al-Assad. Y figure aussi le bataillon « les Martyrs d’Abou Salim », qui a été fondé par Salem Al Darby en février 2011. Celui-ci a été tué dans des affrontements avec Daech en janvier 2015. Aussi faut-il noter l'adhésion de certains éléments du « Groupe islamique des combattants », qui a été officiellement créé dans une zone frontalière entre le Pakistan et l'Afghanistan en 1990, et qui a réorganisé ses cellules dormantes en Libye pour lutter contre le colonel Kadhafi. Sans oublier un groupe de rebelles libyens de la ville d’Al-Baïda et de celle de Benghazi qui a rejoint le Conseil et formé une alliance pour lutter contre Daech à Darna en octobre 2014 et qui a été vaincu et chassé de cette ville en octobre 2015.
Certains groupes et cellules terroristes sont sortis de ce Conseil, dont les plus importantes sont les suivants :
I. Le groupe des Almoravides
Le groupe des Almoravides est dirigé par Hicham Ashmawy (un officier radié de l'armée égyptienne). Il a pris comme siège la ville de Derna pour former ses éléments et constituer d’autres cellules affiliées au groupe en vue de s'infiltrer en Egypte. Parmi les cellules les plus importantes qui se sont ramifiées des Almoravides figure « Les oasis marines », Al Wahat Al Bahriyya, (situées à 365 kilomètres du Caire). Dirigée par Imad Abdul-Hamid (un officier radié de l'armée égyptienne), elle a été créée en août 2016 par la soi-disant organisation « Ansar al-Islam », (selon les aveux d'un élément de ladite cellule, Abdoul Rahim Al Mismary, dans un entretien télévisé le 16 novembre 2017). Elle a pris le Sahara occidental comme zone de concentration de ses éléments dans l'objectif de perpétrer des opérations terroristes en Egypte. Les forces de sécurité égyptiennes ont réussi à l’anéantir en octobre 2017.
Bien que certaines informations aient été confirmées par des sources confidentielles libyennes à « Al Manar », selon lesquelles le groupe des Almoravides s'est disséqué et que ses éléments ont intégré d’autres groupes et organisations takfiristes en Libye, il reste encore quelques-uns de ses éléments concentrés dans ladite ville essayant de déplacer leurs activités en Egypte dans la période à venir. Le rôle des Almoravides va donc se limiter à fournir un soutien logistique et militaire aux cellules ou à leurs organisations mères en Egypte.
Il existe aussi quelques cellules dont certaines appartiennent au groupe des Almoravides, tandis que d’autres sont affiliées au Conseil de Choura des Moudjahidine de Derna déployés dans cette ville et à Jufrah (centre de la Libye et près de la frontière égypto-libyenne). Ces cellules, selon certaines informations confirmées par des sources libyennes, sont dirigées par un élément du Front salafiste égyptien.
II.   Le Groupe de combat islamique
Le Groupe de combat islamique a officiellement vu le jour près de la frontière pakistano-afghane en 1990, fondée par ses membres qui ont fui l'étau sécuritaire du régime du colonel Mouammar Kadhafi dans les années quatre-vingts, et par la suite ont rejoint les rangs des combattants qui luttaient contre l'Union Soviétique en Afghanistan. Ils ont donc profité de leur expérience acquise dans les combats contre les Soviétiques. Non seulement ils ont fondé officiellement le Groupe islamique et ranimé ses cellules dormantes en Libye dans les années quatre-vingt-dix du siècle dernier, mais ils ont aussi, à l'époque, revendiqué la plupart des actes de violence dans le pays. Et bien que le groupe ait déclaré réviser son idéologie et se soit engagé à arrêter la violence après sa réconciliation avec le régime de Khadafi en 2007, il a de nouveau repris ses activités après le déclenchement de la révolution libyenne en février 2011. Il est actuellement concentré dans l'est de la Libye, plus précisément à Derna, principal bastion du groupe depuis les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Il existe également d’autres cellules dormantes du groupe à Benghazi.
III.    Les Brigades de Défense de Benghazi
Le nouveau Conseil a été formé après la disparition du soi-disant Conseil de Choura des rebelles de Benghazi suite aux frappes sécuritaires menées par les forces de l'opération Dignité sous le commandement de Haftar. Il a donc été chassé de ses zones de contrôle, Ajdabiya et Benghazi, entre autres.
En effet, ce Conseil est le noyau des alliances de certaines organisations takfiristes qui ont cessé d'exister en Libye après le contrôle par Haftar de la plupart des villes orientales fin 2017. Le Conseil de Choura des rebelles de Benghazi est la principale composante du nouveau Conseil. Il est constitué de la Brigade du 17 Février, qui est quant à elle constituée d’environ 12 factions armées et fondées par Fawzi Abou Katif après l'éclatement de la révolution libyenne en 2011. Sans oublier la Brigade des martyrs de Raf Allah Al Sahati (Un groupe islamique armé basé à Jafra et dirigé par Mohamed Al Gharby jusqu’à sa mort en septembre 2014. Après celui-ci, la direction de la Brigade a été assignée à Salah al-Din ibn Omran). En fait également partie, le Conseil de Choura des rebelles d’Ajdabiya, un groupe islamiste basé à Ajdabiya et dirigé par Mohamed Az-Zawia.
Les activités du Conseil des brigades de défense de Benghazi sont concentrées dans les villes de Derna et Jafra. Aussi faut-il noter l’existence de ses cellules dormantes dans la ville de Benghazi.
IV. Les cellules dormantes de Daech
Le soi-disant « Conseil des jeunes de l'Islam » affilié à l'organisation terroriste Daech a été éliminé. En effet, il s’agit d’un groupe composé d'étrangers et de combattants dissidents, connu sous le nom d'Ansar Al-Charia qui a été formé en octobre 2015 par Abou Suleiman Tagouris Libby conformément aux ordres du patron de Daech Abou Bakr Al-Baghdadi de créer une nouvelle organisation en Libye, notamment à Derna. Et ce, après que l'organisation eut annoncé son contrôle sur la ville en août 2014, et après l’avoir déclarée « émirat islamique ». Après quoi elle s'est dirigée vers Syrte et l'a prise comme siège. Mais elle a été anéantie par les forces “Al-Bunyan Al-Marsous” en 2016, qui relève du gouvernement de réconciliation nationale dirigé par Fayez Al-Sarraj.
Malgré la disparition de l'entité organisationnelle de Daech après la mort et l’emprisonnement d’un grand nombre de ses dirigeants, certains éléments de l'organisation se déploient actuellement dans la ville de Benghazi et Al Bayda adoptant le style de cellules dormantes.
2-  L'ouest de la Libye
Les milices armées dans l'ouest de la Libye peuvent être réparties en deux : les milices qui soutiennent le gouvernement de réconciliation nationale dirigé par Fayez Al-Sarraj, et les milices qui soutiennent le Gouvernement de salut dépendant de la Conférence nationale, dirigé par le général Khalifa Al-Ghawil. Elles sont réparties comme suit :
A. Les milices qui soutiennent le gouvernement de réconciliation nationale :
a-  Les Forces du bouclier libyen
Elles figurent parmi les plus grandes milices armées dans l'ouest de la Libye. Dirigées par Abdel Raouf Kara, elles sont constituées d'environ 15 combattants dont la mission est de maintenir la sécurité et protéger le régime au pouvoir dans l'ouest de la Libye. Leurs activités sont concentrées au sein du complexe de Maitika dans le nord-est de la ville de Tripoli, près de l’aéroport de la capitale libyenne.
b-  Le Bataillon des fiduciaires (Katibat al-Nawasi)
Il est constitué d’environ 500 rebelles qui ont pris part au renversement du régime de Kadhafi. Situé dans la zone du marché de vendredi près de l'aéroport de Maitika, la plupart de ses armes sont des dispositifs anti-antiaériens et des armes lourdes. Ce bataillon joue un rôle prépondérant dans la protection des sièges du régime du Parti national à Tripoli.
c-  Les milices de la sécurité centrale
Il s’agit de groupes armés dirigés par Abdul Ghani Alkkla  surnommé «Ghinewah». Les activités du groupe sont concentrées dans le quartier d'Abou Salim dont la principale « mission » est la préservation de la sécurité publique.
d- Le Bataillon des révolutionnaires de Tripoli
Il fait partie des plus grands bataillons armés de la ville de Tripoli. Constitué d’environ 1300 éléments armés, il est dirigé par Haitham Al-Tâjouri connu pour son extrême hostilité au général Haftar. Le bataillon qui est concentré dans les zones d’Al Fornaj, Ain Zara et Bier Al Osta a pour mission de protéger les sites stratégiques de la Conférence nationale en Libye.
e- La brigade Al-Mahjoub
Cette brigade est une milice armée affiliée aux forces d’Al-Bunyan Al-Marsous à Misratah. La Conférence nationale générale l'a composée des forces relevant de larimature et des bataillons des révolutionnaires qui le soutiennent pour combattre Daech à Syrte en 2016. Elle compte environ mille hommes armés chargés de protéger le Siège du gouvernement d’Al Sarraj.
B. Les milices qui soutiennent le gouvernement de salut
a- Le Bataillon Morsi
C’est une milice armée forte d'environ 800 hommes, dont la principale mission est de protéger le palais présidentiel et les positions stratégiques du gouvernement de salut à Tripoli.
b- La Brigade d'Al Halbous
Ces milices sont créées par Mouhamed Al Halbous pendant la révolution libyenne pour renverser le régime de Kadhafi. Al Halbous a été tué dans la ville de Misrata. Bashir Abdel Latif lui a succédé à la tête du groupe qui est composé d’environ un millier d’éléments. Sa principale mission est de protéger le palais présidentiel, l'aéroport international et certaines zones du sud de la ville de Tripoli.
c- Le Groupe Belhadj
Ce groupe est une organisation armée qui embrasse l'idéologie salafiste jihadiste. Classée comme entité affiliée à Al-Qaïda, elle a été fondée par le terroriste libyen Abdel Hakim Belhadj (faisant partie des combattants armés en Afghanistan contre les Soviétiques) au début des années quatre-vingt-dix pour lutter contre le régime de Kadhafi et faire de la Libye un «émirat islamique». Mais le groupe a rapidement disparu et son fondateur Belhadj a été emprisonné au centre pénitentiaire d'Abou Salim à Tripoli en 2001. Et à sa sortie de prison après une réconciliation avec le régime de Kadhafi en 2007, il révise son idéologie takfiriste et renonce à la violence. En revanche, dès le déclenchement de la révolution libyenne en février 2011 il y joue un rôle de premier plan et reconstitue le Groupe islamique, qui est actuellement concentré dans la ville de Tripoli, et dont la mission est de protéger le siège du gouvernement de salut à Tripoli.
Une milice appelée la Garde nationale dirigée par Sami Al-Saadi et Khaled Al-Sharif s'est ramifiée de ce groupe. Son siège principal se trouve à la Prison du Plateau à Tripoli.

 

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