“Al-Chabab Al-Moudjahidine” bras d’al-Qaïda dans la Corne de l’Afrique
Dr Nermine Mohammad
Tawfiq
« Le déclin de
l’influence du mouvement d’Al-Chabab Al-Moudjahidîne sur le territoire somalien ne signifie pas sa
fin, étant donné la nature de la région qui s’accorde avec la stratégie
d’attaque et de retraite et de guérilla suivie par le mouvement, outre la
poursuite du conflit tribal en Somalie dont ce dernier continue à
profiter ».
Introduction
Le Mouvement
d’Al-Chabab Al-Moudjahidine est l’un des mouvements terroristes les plus
dangereux de la région d’Afrique de l’est, et de la Corne de l’Afrique en
particulier, du fait qu’il a exploité l’effondrement de l’Etat en Somalie, et a
pu en moins de quatre ans, de 2007 à 2011, contrôler près de 85% du territoire
de ce pays, avant de reculer sous les coups de la force de l’AMISOM (Mission de
l’Union Africaine en Somalie). C’est ainsi qu’il a perdu un grand nombre des
territoires qu’il contrôlait, mais a repris de la vigueur et mené des attaques
meurtrières, dont la dernière est celle de Mogadiscio en octobre 2017, dont le bilan est plus de 300 personnes
ont été tuées et 250 autres blessées. Ses attaques ne se sont pas limitées à
l’intérieur de la Somalie, mais ont touché les pays voisins, comme le Kenya et
l’Ouganda. Par ailleurs, le mouvement a prêté officiellement allégeance à
l’organisation al-Qaïda en 2012, et Daech (Etat islamique) a tenté d’infiltrer
ses rangs mais n’a pu se garantir une présence active dans cette région
importante jusqu’à maintenant.
Le mouvement
d’ach-Chabâb al-Mudjâhidîn (la Jeunesse combattante) porte plusieurs autres
noms, comme « le mouvement de la jeunesse somalienne », « le
mouvement des Moudjâhidîns », « le Mouvement de la jeunesse
musulmane », ou « l’Aile de la jeunesse », et la littérature
occidentale définit le mouvement comme un groupe islamiste extrémiste ayant des
liens étroits avec al-Qaïda et qui a pris le contrôle de vastes territoires du
sud et du centre de la Somalie. Il a également des camps d’entraînement des
combattants qui comprennent les combattants somaliens et les Djihadistes venus
de l’extérieur de la Somalie[1], et il utilise
l’Internet pour publier ses communiqués et ses enregistrements vidéos, la
plupart du temps sur des sites à tendance salafie djihadiste[2].
La région de la Corne
de l’Afrique a une importance géostratégique considérable, car elle a un impact
direct sur le mouvement du commerce international, étant située sur des voies
maritimes importantes, comme l’Océan indien, la mer rouge, le détroit de Bâb
al-Mandeb, ou le golfe d’Aden. Elle représente aussi une région importante pour
la sécurité de la région arabe, en particulier de l’Egypte, et pour celle de la
région du golfe arabe, étant donné leur proximité géographique. Ainsi, les
troubles qui peuvent l’affecter ne représentent pas un danger seulement pour
ses pays, mais pour ce périmètre dans son ensemble, ce qui impose d’étudier ce
mouvement selon plusieurs axes :
1)
Apparition du mouvement et évolution.
La Somalie a sombré dans la guerre civile après la
chute du régime du président Mohammad Siad Barré en 1991, et ce sont les
conflits tribaux qui ont contribué à allumer cette guerre qui a provoqué la
mort et l’exil de centaines de milliers de Somaliens, et l’effondrement des
institutions de l’Etat et de son économie.
La situation a perduré ainsi jusqu’à l’arrivée au
pouvoir de l’Union des tribunaux islamiques en 2006, qui amena une stabilité
relative, mais l’intervention militaire éthiopienne à la fin de cette même
année a ramené le chaos dans le pays. Cette invasion était appuyée par les
Etats-Unis pour affronter l’Union des tribunaux islamiques et soutenir le
gouvernement somalien de transition.
Le mouvement d’ach-Chabâb al-Mudjâhidîns, qui était
le bras militaire de l’Union des tribunaux et s’en est séparé après que ce
dernier eut accepté des négociations avec le gouvernement de transition,
annonça alors sa création en 2007, et sa volonté de faire face à l’occupant éthiopien
par tous les moyens. Il réussit à mobiliser le peuple et à vaincre les forces
éthiopiennes qui furent contraintes de sortir de Somalie.[3]
Suite à cela, le mouvement affirma dans ses
communiqués sa fidélité à ses principes djihadistes et sa volonté d’établir un
Etat islamique dans la région de la Corne de l’Afrique, et de poursuivre le
combat contre les forces gouvernementales et les mouvements qui s’opposent à
son idéologie, ainsi que contre les forces étrangères présentes en Somalie.
Cela a conduit à son inscription sur la liste américaine des mouvements
terroristes internationaux, le 29 février 2008, et à ce qu’il soit accusé de
liens avec al-Qaïda.[4] Des analystes
américains ont même affirmé qu’il représentait un danger pour la sécurité des
Etats-Unis, tandis que le mouvement a bien accueilli cette qualification,
indiquant que Washington lance ces accusations contre ceux qui ne se plient pas
à ses objectifs, et qu’il persisterait dans sa stratégie djihadiste et n’y
renoncerait pas.
Le mouvement s’engagea dans une lutte violente
contre les forces du gouvernement somalien de transition, en commençant par les
forces du gouvernement de ‘Abdallah Youssouf, puis de Cheikh Charif Cheikh
Ahmad, qui était président de l’Union des tribunaux islamiques, avant de
devenir président de la Somalie. Il refusa également de reconnaître le
président somalien Hassan Cheikh Mahmoud en l’accusant de trahison et de servir
les intérêts occidentaux. Il considéra que les élections ayant conduit à son
élection n’étaient qu’une « farce » et tenta de l’assassiner le
lendemain de l’annonce de sa victoire comme président de la Somalie, mais la
tentative échoua. Il combattit aussi d’autres forces islamiques opposées à son
idéologie comme « Ahl as-Sunna wa al-Jamâ’a » (Ceux qui suivent la
Sunna et la communauté des musulmans) et même des forces s’accordant avec son
idéologie comme « al-Hizb al-Islâmiy » (le Parti islamique), de
tendance extrémiste, pour lui prendre des régions importantes[5], et il adopta la même
position vis-à-vis du président actuel Mohamed Abdullahi Farmajo, en rejetant son
gouvernement et en déclarant qu’il continuerait à le combattre.
Le mouvement des Chabâb a ainsi pu en moins de
quatre ans, de 2007 à 2011, prendre le contrôle de plus de 80% des régions du
centre et du sud de la Somalie, en annonçant pour chaque nouvelle région sous
contrôle une application stricte des règles de la charia, ce qui a conduit à la
perte du soutien populaire et tribal dont il avait joui lorsqu’il combattait
les forces éthiopiennes. Puis la situation changea à la fin de l’année 2011,
lorsque l’AMISOM (Mission de l’Union Africaine en Somalie) réussit à lui
infliger de sévères défaites qui conduisirent à sa sortie de la capitale
Mogadiscio et d’autres régions importantes.[6]
2)
La dépendance du mouvement des Chabâb vis-à-vis
d’al-Qaïda et le danger du rattachement à l’organisation Daech (Etat islamique)
après le meurtre de son chef
Les sites Internet et chaînes d’information
télévisée ont diffusé le 9 février 2012 un enregistrement vidéo du chef de
l’organisation d’al-Qaïda Ayman az-Zawâhirî dans lequel il annonce que le
mouvement somalien d'Al-Chabab Al-Moudjahidine avait rejoint
officiellement le réseau international d’al-Qaïda. Il affirme dans cette
vidéo : « J’annonce aujourd’hui à ma nation musulmane une bonne
nouvelle qui va réjouir les croyants et attrister les Croisés : c’est le
rattachement du mouvement de la Jeunesse combattante en Somalie à
l’organisation d’al-Qaïda, en soutien au bloc djihadiste face à la campagne
croisée et sioniste et à leurs auxiliaires parmi les gouvernants alliés et
traîtres ».
Puis il a fait l’éloge du mouvement,
affirmant : « Nos frères du mouvement ont été et continuent à être le
rocher invincible sur lequel se sont brisés les complots des Croisés et de
leurs alliés parmi les hypocrites, et qui a repoussé l’attaque américaine,
éthiopienne, kényane et croisée contre les musulmans de Somalie ».[7]
Et de poursuivre : « Je conseille
aux Chabâb de faire preuve de douceur et de modestie avec leurs frères
somaliens, et de réaliser leurs intérêts, surtout avec les veuves, les
orphelins, les malades, les vieillards et les malheureux, et de répandre la
justice et le bon conseil, pour qu’ils soient pour eux un exemple moral, et de
comprendre le mérite du peuple somalien qui résiste et combat. Et j’exhorte le
peuple somalien à offrir le meilleur soutien à ses fils combattants, à les
aider dans la mesure du possible à purger la Somalie des Croisés, et à ne pas
suivre les dirigeants défaitistes qui ont amené les Croisés en Somalie pour
réaliser des intérêts personnels, comme le pouvoir ou l’argent, et j’invite
tout le monde à imiter Ossama ben Laden qui a abandonné le bien-être matériel
pour se diriger vers le Djihad (guerre sainte) ».[8]
La vidéo comprend un enregistrement sonore du chef
du mouvement Mukhtâr Abou az-Zubayr (tué par la suite par un raid aérien
américain sur les fiefs du mouvement en Somalie) dans lequel il déclare son
allégeance à az-Zawâhirî, affirmant : « Nous allons te suivre comme
des soldats fidèles, et au nom de mes frères combattants, des chefs et des
soldats, je m’engage à obéir ». Et d’ajouter : « Nous avons
guidé sur la voie du Djihad (guerre sainte) et de la mort en martyr en suivant
la voie tracée par notre martyr Ossama ben Laden ».[9]
C’est par cette vidéo que le Mouvement mit fin au
grand débat sur son lien avec al-Qaïda, car alors que certains affirmaient que
le mouvement dépendait aux niveaux idéologique et organisationnel d’al-Qaïda,
d’autres soutenaient que le lien ne dépassait pas le niveau idéologique, et que
les Chabâb étaient une organisation indépendante d’al-Qaïda et n’avaient pas
annoncé leur affiliation officielle à cette dernière ».[10]
Les dirigeants des Chebâb avant le rattachement
officiel indiquaient l’existence d’une affinité idéologique entre eux et al-Qaïda
et en particulier la volonté d’appliquer les règles de la charia, tout en niant
tout lien organisationnel avec elle »[11]
Par exemple, lorsque Mukhtâr Rubu, l’un des chefs
du mouvement, fut interrogé sur les liens des Chabâb avec l’organisation
d’al-Qaïda, lors d’un entretien sur la chaîne al-Jazîra en 2009, il expliqua
que le lien n’était pas plus qu’un soutien idéologique, et n’en arrivait pas au
niveau du lien organisationnel ».[12]
Après cette annonce, l’organisation d’al-Qaïda eut
ainsi une porte d’entrée importante dans la région de la Corne de l’Afrique par
le biais des Chabâb, et cela fut le début d’un nouvel épisode dans la rivalité
entre al-Qaïda et Daech dans cette région, que nous allons expliquer dans le
paragraphe suivant :
3)
Une aile du mouvement des Chabâb prête allégeance à
Daech (Etat islamique)
Le lien entre le mouvement-mère des Chabâb et
l’organisation d’al-Qaïda est fort du point de vue organisationnel et Daech
(Etat islamique) n’a pas pu totalement infiltrer le mouvement des Chabâb ou le
convaincre de renoncer à son allégeance à al-Qaïda et lui prêter allégeance à
lui, bien qu’il ait essayé, surtout après avoir gagné l’allégeance du mouvement
Boko Haram en Afrique de l’ouest. En effet, l’organisation chercha à prendre
pied à l’est de l’Afrique, dans une région géostratégique comme la Somalie,
mais la plupart des chefs du mouvement ont refusé de rompre leur lien avec
al-Qaeda. Cependant, une aile des Chabâb sous la direction du prédicateur
somalien Cheikh ‘Abd al-Qâder Mo’min[13] – connu pour sa barbe
de couleur orange – a déclaré fin octobre 2015 – après le meurtre de Mukhtâr
Abou az-Zubayr, chef du mouvement – son allégeance à Daech, et a publié un
enregistrement sonore sur YouTube le montrant lui et environ 20 de ses adeptes,
où il déclare son rattachement à Daech (Etat islamique), dans une initiative
unique en son genre à l’intérieur du mouvement extrémiste. Il y déclare que les
combattants du groupe des Chabâb somaliens qui le soutenaient avaient prêté
allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi[14], chef de
l’organisation Daech, et l’un des adeptes de ‘Abdel Qâder Mu’min a confirmé
l’authenticité de l’enregistrement où il déclare son allégeance à Abou Bakr
al-Baghdadi[15]. Cela fut suivi par
son inscription sur la liste des terroristes tenue par Washington, qui l’a
décrit comme le chef de l’organisation Daech en Afrique de l’est, et comme un
« terroriste international ». Cependant, le mouvement-mère des Chabâb
refusa catégoriquement cette scission et a promis de poursuivre tous ceux qui
se sépareraient de l’organisation dépendant d’al-Qaïda pour rejoindre Daech et
de les exécuter.
Et bien que le nombre des éléments de Daech en
Somalie ne dépasse pas 300 combattants jusqu’à maintenant, et qu’ils n’aient exécuté
aucune opération d’envergure depuis l’allégeance à l’organisation, leur
présence dans la région du nord de la Somalie à proximité du Golfe d’Aden est
un fait d’une extrême gravité, car avec l’effondrement de la Somalie, et la
présence de Daech au Yémen après les derniers développements, le rattachement
d’une aile du mouvement des Chabâb à l’organisation signifie pour Daech un
renforcement de sa puissance dans la Corne de l’Afrique, avec les conséquences
funestes que cela aura pour tous les pays de la région, dont l’Egypte et les
pays du Golfe.
4)
L’avenir du mouvement des Chabâb
Les forces de l’AMISOM sont parvenues depuis 2011 à
asséner de rudes coups au mouvement des Chabâb, qui lui ont fait perdre des
régions importantes qui étaient sous son contrôle, au centre et au sud de la
Somalie, comme la capitale Mogadiscio, ainsi que Kismayo où se trouve un port
stratégique sur lequel s’appuyait essentiellement l’organisation pour son
financement. C’est pourquoi certains ont pensé que cela signifiait le commencement
de la fin pour le mouvement, surtout après le meurtre de son chef Mukhtâr Abou
az-Zubayr. Mais ces prévisions se sont avérées fausses, car le mouvement a pu
réorganiser ses troupes et mener des attaques meurtrières à l’intérieur et à
l’extérieur de la Somalie depuis 2015, comme celle qui a visé l’Université de
Garissa au Kenya : des éléments du mouvement de la jeunesse moudjahidine se sont infiltrés à
l’intérieur des frontières kenyanes en 2015 et ont pénétré sur le campus de
l’Université de Garissa située dans le nord-est du Kenya à 150 km environ des
frontières avec la Somalie. L’attaque, qui a provoqué la mort de 147 personnes,
pour la plupart des étudiants, est considérée comme la plus meurtrière du Kenya
depuis l’attaque contre l’ambassade américaine à Nairobi en 1998, qui a tué 213
personnes, et a été revendiquée par l’organisation al-Qaeda.[16]
Citons aussi l’attaque contre la base militaire des
forces kenyanes dans la ville de ‘Il ‘Adi au sud-ouest de la Somalie en 2016,
au cours de laquelle les combattants ont tué plus de 100 soldats kenyans, fait
de nombreux prisonniers et mis la main sur des blindés, des voitures et une
grande quantité d’armes, de munitions et de matériel militaire. Il faut
mentionner aussi l'opération-suicide qui a frappé la
capitale Mogadiscio en octobre 2017, provoquant ce qui est considéré comme
« le pire désastre sécuritaire » dans l’histoire de la Somalie, le
bilan étant de plus de 300 morts et environ 275 blessés[17], suite à l’explosion
d’un camion piégé conduit par un kamikaze dans la zone la plus
fréquentée proche d’un marché de la capitale Mogadiscio. Cette attaque visait à
transmettre le message selon lequel le mouvement continuait à jouir de sa
capacité à perpétrer des attaques meurtrières et à représenter une menace
locale et régionale pour les pays de la région.
C’est ainsi que le mouvement de la jeunesse moudjahidine continue à
représenter un danger considérable pour la sécurité de la Corne de l’Afrique.
5)
Comment faire face au mouvement des Chabâb ?
1- Les ingérences
internationales et régionales restent un facteur essentiel de l’instabilité en
Somalie, et contribuent à leur tour à la propagation des mouvements extrémistes
comme celui des Chabâb qui peuvent prétendre ainsi combattre ces ingérences, en
étant soutenus en cela par le
citoyen somalien. En tête de ces intervenants étrangers figurent les
Etats-Unis, l’Ethiopie et le Kenya, qui ne souhaitent pas que la situation se
stabilise dans ce pays. Quant aux Arabes, leur rôle est inexistant en Somalie
et celui qui suit les événements dans ce pays constatera qu’ils n’ont proposé
aucune stratégie pour faire face à la crise somalienne qui soit à la mesure des
ingérences grossières régionales et internationales qui visent à la détruire,
se contentant d’une assistance humanitaire par l’envoi de vivres aux victimes
de la famine et de la sécheresse.
Les Arabes n’ont pu ainsi adopter aucune position
claire vis-à-vis des conflits politiques et des ingérences militaires des pays
voisins de la Somalie, au moment où les Etats-Unis et Israël, avec l’Ethiopie
et le Kenya suscitent davantage de troubles dans ce pays. Il faut ajouter à
cela la présence turque par le biais de la base militaire qui a été inaugurée
en 2017 sur le Golfe d’Aden, sous prétexte de combattre le terrorisme. Tout
cela a permis aux pays voisins de monopoliser la gestion du dossier somalien
loin de la Ligue arabe.
2- Le tribalisme joue
jusqu’à maintenant un rôle important dans la politique somalienne, comme cela
est apparu à travers la propagation du mouvement des Chabâb dans la région du
sud de la Somalie dominée par la tribu des Hawiye. Par conséquent, affronter le
mouvement exige de s’attaquer à l’alliance forte entre les Chabâb et la tribu
des Hawiye, et d'empêcher
tout soutien ou couverture tribale du mouvement.
3- Distinguer les
diverses composantes du mouvement, et isoler ses membres extrémistes, et entrer
en contact avec ses éléments modérés, ce qui est plus facile dans le cas d’un
mouvement non homogène comme celui des Chabâb, et les scissions qui se sont
produites récemment dans le mouvement peuvent y aider. En effet, les coups qui
lui ont été portés par le gouvernement ont amené nombre de ses combattants à
envisager de se rendre et d’abandonner le combat, et il faut encourager ce
groupe.[18]
4- Affronter les idées
avec les idées, et soutenir les hommes de religion modérés pour entrer en
contact avec la jeunesse somalien, et utiliser les moyens technologiques
modernes pour affronter la pensée extrémiste diffusée par le mouvement des
Chabâb par le biais d’Internet.
Pour conclure… Il
ressort de l’expérience du mouvement des Chabâb en Somalie que tant que se
poursuit l’effondrement des institutions de l’Etat, et que les conflits
internes s’aggravent, les occasions d’apparition des groupes armés avec leur
impact négatif sur la sécurité et la stabilité augmentent, et l’on peut dire que
le déclin de l’influence du mouvement d’ach-Chabâb al-Mudjâhidînes sur le
territoire somalien ne signifie pas sa fin, étant donné la nature de la région
qui s’accorde avec la stratégie d’attaque et de retraite et de guérilla suivie
par le mouvement, outre la poursuite du conflit tribal en Somalie dont ce
dernier continue à profiter. Ainsi, la capacité du gouvernement somalien actuel
dirigé par le président Abdullahi Farmajo à gérer la crise
somalienne reste limitée, et il n’est pas exclu que le mouvement sorte renforcé
de cette crise. Et même en supposant la possibilité de le liquider après les
dernières victoires réalisées contre lui, il sera très facile à certains de ses
éléments de se reconstituer à l’intérieur d’un nouveau mouvement portant un
nouveau nom mais adoptant la même méthode, et de continuer à combattre ceux qui
s’opposent à eux, comme cela était arrivé après le démantèlement de l’Union des
tribunaux islamiques et la formation du mouvement des Chabâb lui-même.
C’est ainsi que la
sécurité dans la Corne de l’Afrique est liée à deux facteurs importants :
le degré de capacité des mouvements extrémistes à survivre dans cette région,
et l’avenir des ingérences étrangères sous prétexte de combattre le terrorisme.
Or, ces deux facteurs sont corrélés, puisque les Etats étrangers qui font tout
leur possible pour ancrer leur présence dans la Corne de l’Afrique et aux
abords des voies maritimes, en prétextant tantôt le phénomène de la piraterie,
tantôt la propagation des mouvements extrémistes, ont intérêt à la poursuite du
terrorisme comme celui du mouvement de la jeunesse moudjahidine, et ce dernier à son
tour exploite les crises politiques et la détérioration de la situation
sécuritaire dans les pays de la Corne et à leur tête la Somalie.
[1] Christopher
Harnisch, La menace de la terreur venant de Somalie, l’internationalisation
d’ach-Chabâb (Washington : Projet des menaces critiques, American
Enterprise Institute, 12 février 2010, p. 1.
[2] Ismâ’ïl Dabbâra,
« la jeunesse combattante, représentants d’al-Qaïda en Somalie et dans la
Corne de l’Afrique », site Elaph, 19 septembre Z010, p. 2.
Lien : الرابط: http://www.elaph.com/Web/news/2010/9/597323.htmll
[3] Christopher
Harnisch, ouvrage cité, p. 1.
[4] Conseil de Senlis,
Groupe sur les politiques de développement et de sécurité : échecs
chroniques dans la guerre contre le terrorisme de l’Afghanistan à la Somalie (Londres :
Grande-Bretagne, 2008).
[5] County
House, Comment un pays d’information d’origine peut aider à gagner des procès
d’asile (Londres, maison de comté pour le service de conseil à l’immigration,
unité de recherche, d’information et de politique).
[6] Amnesty
International, la situation des droits de l’homme dans le monde, Rapport
d’Amnesty International 2012, Londres : Amnesty International
Publications, 2012, p. 302.
[7] Site électronique
YouTube, vidéo d’Ayman az-Zawâhirî, chef d’al-Qaeda, sous le titre :
« Le mouvement de la Jeunesse combattante prête allégeance à
l’organisation d’al-Qaïda », publiée sur Internet le 9 février 2012.
Lien :
http://www.youtube.com/watch?v=y9DG_DfovHg
[8] Source précédente.
[9] Site al-Jazîra net,
az-Zawâhirî : « les Chabâb ont rejoint al-Qaïda », site
électronique de la chaîne d’information al-Jazîra, 10 février 2012.
Lien :
http://www.aljazeera.net/NR/exeres/EE5FB245-C696-47E3-80D3-C6B3DC984F1E.htm?GoogleStatID=9
[10] Max Taylor, source
citée, pp. 79-80.
[11] Melissa Simpson, source
cité, p. 34
[12] Mukhtar Rubu a
affirmé entre autres : «Notre lien avec eux est le lien du musulman avec
ses coreligionnaires, et au centre de la foi du musulman se trouvent l’alliance
et le désaveu… Ils veulent appliquer la charia sur la terre et nous aussi, nous
refusons ces frontières illusoires qui empêchent l’Irakien de se rendre en
Jordanie, ou le Saoudien au Yémen… Nous demandons l’union des pays musulmans et
ils veulent cela également, c’est tout ». voir site électronique de la
chaîne d’informations al-Jazîra, 24 février 2009. Lien : aljazeera.net/NR/exeres/93865B75-2241-448F-AC67-BCF29CA15876
[13] ‘Abdel Qader Mu’min
est né dans la région de Puntland en Somalie, qui jouit d’une quasi-autonomie,
et il a vécu en Suède avant de partir pour la Grande-Bretagne en 2000, où il
obtient la nationalité britannique. Il se fait connaître pour ses sermons
extrémistes dans les mosquées de Londres, et en 2010, il part pour la Somalie
où il rejoint le mouvement des Chabâb. Il est envoyé en 2012 dans la région montagneuse
du Somaliland à l’est, voisine du Puntland, pour stimuler le zèle des
combattants, alors sous le commandement de l’émir des Chabâb dans la région,
Mohammad Sa’îd Atom, également chef de la tribu des Warsangali, qui se rendit
au gouvernement somali en 2014, après quoi Mu’min obtint le commandement de la
faction du mouvement dans cette région, considérée comme isolée du mouvement
central des Chabâb du fait de son éloignement du sud de la Somalie – zone
principale de concentration des éléments du mouvement – avant de se désigner
chef malgré son manque d’expérience militaire, et il annonça en octobre 2015
son allégeance à l’organisation Daech avec un groupe de combattants dans un
message publié sur Internet. Pour plus de détails, voir la revue libanaise an-Nahâr :
‘Abdel Qâder Mu’min, connu pour sa barbe orangée, dirigeant de Daech en
Somalie, 2 septembre 2016, https://goo.gl/RFdihw
[15] Site d’informations
Russia al-Yom, la Somalie… Le chef d’un groupe du mouvement des Chabâb prête
allégeance à al-Baghdadi, 23 octobre 2015.
https://arabic.rt.com/news/797892
[16] Site France
24 : Kenya : au moins 147 personnes tuées suite à une attaque du
mouvement des Chabâb contre l’Université de Garissa, 4/2/2015.
[17] L’attaque de
Mogadiscio… explosion d’un suicidaire de la puissance d’un séisme, Agence
Anadolu, 16 août 2017.
[18] Afyare Abdi Elmi et
Abdi Aynte, « Négocier une issue à la guerre de la Somalie avec les
Chabâb. Pourquoi les solutions militaire ne sont-elles pas
suffisantes ? », Foreign Affairs (New York : Council on Foreign
Relations, vol. 91, n°1, 7 février 2012).