L'avenir de la relation entre les Frères musulmans le système Wali Faqih (Guide Jurisconsulte)
Mohamed Mahmoud Mohamed Al-Dabbouli
A l’instar des Frères musulmans, beaucoup de
mouvements de l'islam politique naquirent dans tous les pays islamiques, en particulier
l'Iran, où se propagea rapidement cette tendance politique dans les années
cinquante du XXe siècle. Et ce, sous les auspices de «Mirlowhi», mieux connu
sous le nom de Navvab-e Safavi ou «Prince des Safavides», chef de
l'organisation «Fidayeen Islam».
La propagation des mouvements islamiques est
attribuée aux Frères musulmans. Beaucoup d'érudits et de spécialistes des
mouvements islamiques font remonter l’apparition du courant de l'Islam
politique à l'époque moderne à la période de la fondation de la confrérie, bien
qu’il exista tant d’irritations similaires avant sa création.
La chute du Califat islamique (l'Empire ottoman
1299 H - 1924) fut un choc majeur dans l'esprit de beaucoup de penseurs et de
personnalités du Monde islamique, où le Califat représentait une sorte de
protection de la religion et de son prédicateur. C'est la raison pour laquelle,
à sa chute, de nombreuses personnalités
islamiques tentèrent de faire revivre le Califat islamique afin de maintenir la
religion et sa propagation. C’est d’ailleurs pourquoi la Confrérie a été fondée
en 1928.
A l’instar des Frères musulmans, beaucoup de
mouvements de l'islam politique naquirent dans tous les pays islamiques, en
particulier l'Iran, où se propagea rapidement cette tendance politique dans les
années cinquante du XXe siècle. Et ce, sous les auspices de «Mirlowhi», mieux
connu sous le nom de Navvab-e Safavi ou «Prince des Safavides», chef de
l'organisation «Fidayeen Islam» (les commandos islamiques).
Selon «Safavi», lors de la création de son
organisation, il l’a calquée sur la forme et la méthodologie des Frères
musulmans. Il est bien vrai que Safavi ne fut pas le premier trait d’union, ni
moins le précurseur de l’islam politique en Egypte et en Iran. Il fut précédé
par «M. Ruhollah Mustafa Moussavi» alias Imam Khomeini, qui visita l'Egypte en
1938, et fit la rencontre du fondateur des Frères musulmans «Hassan Al-Banna».
En dépit de la contradiction doctrinale entre la
tendance de l'islam politique en Egypte et en Iran, ils eurent néanmoins des
points communs, notamment intellectuels, tels que leur vision sur de nombreux
concepts religieux et politiques en l’occurrence le concept d’Etat et de
gouvernance, ou encore celui d'usage de la violence face aux ennemis de la
Nation et le contrôle du monde, et bien d’autres points communs relatifs à
certains concepts et notions intellectuels.
Les relations entre les Frères et le courant de
l'islam politique connurent, en Iran, plusieurs étapes importantes. Au début,
les Frères musulmans étaient en Egypte comme un phare pour le courant islamiste
iranien. Et c’est ce qui influença la création de l’organisation des « Fidayeen
Islam» (les commandos islamiques), qui est la première graine de la révolution
iranienne en 1979 et du système «Wali Faqih», le « guide jurisconsulte », plus
tard.
A un stade ultérieur, après le lancement du
système «Wali Faqih» (guide-jurisconsulte) en Iran par Khomeini, les relations
entre les deux parties prirent différentes formes. Allant de la coopération et
du soutien mutuels entre les deux parties, dans un grand nombre de positions, à
de vives tensions parfois, notamment avec la montée des salafistes au sein de
la confrérie, qui rejetèrent l'idée de tout rapprochement avec les chiites, les
considérant comme des ennemis de la nation, qui doivent être évités et dont ils
doivent se méfier.
De nos jours, nous constatons que la relation
entre les deux parties est enveloppée de mystère, à la lumière des changements
actuels que connait la confrérie. Sans oublier les changements régionaux qui
imposent aux Frères musulmans certains types de relations.
Ma recherche tournera donc autour de la
problématique principale qui est le suivant : Quel est l'avenir de la relation
des Frères musulmans et le système de «guide jurisconsulte», compte tenu des
changements dont l'Égypte a été témoin au cours des cinq dernières années,
ainsi que des changements politiques qui entourent la région? La question
antérieure sera traitée à travers les volets ci-après:
• Les
principes intellectuels communs entre les deux parties
;
• Les
étapes du développement de la relation entre les deux parties
;
• Les
futurs scénarios relationnels.
Premier volet : Les principes intellectuels
communs entre les deux parties
Le système de « guide jurisconsulte » partage avec les Frères musulmans la plupart
de particularités intellectuelles, en raison de la grande influence exercée par
la confrérie sur le mouvement islamiste iranien depuis l’ère Navvab-e Safavi
jusqu’à Khomeini. La preuve en est que le mouvement islamiste iranien est
influencé par l'idéologie des Frères, et le fait que le guide actuel de la
Révolution islamique «Ali Khamenei» ait traduit en persan les livres « Fi zilâl
al Qur’an » (A l'ombre du Coran) et « Al Mustaqbal li haza al dine » (L'avenir
de cette religion). Ces deux œuvres furent des plus importantes jamais écrites
par le penseur musulman "Sayyid Qutb".
I. Le concept de Wilayat al-Faqih:
L'État moderne (État-nation) naquit après les «
traités de Westphalie 1648» sous les auspices des penseurs du contrat social :
«Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques Rousseau». Les caractéristiques les
plus importantes de ce concept furent en quelque sorte le fait d’écarter
l'autorité spirituelle (l'Eglise) de l'exercice du pouvoir politique. Il fut
également identifié un grand nombre de fonctions à assumer par l'État: il
s’agit notamment de la prestation des services économiques et sociaux et du
soutien au progrès et au bien-être des citoyens.
Cependant, à jeter un coup d’œil sur les écrits
islamiques sur l'Etat, l’on observe un avis quasi consensuel des penseurs
islamiques à travers les âges de l'importance de l'existence de l'Etat comme un
moyen de préserver la religion, et que sa mission consiste à faire marcher les
affaires courantes et à faciliter la vie des citoyens pour qu’ils se
concentrent dans l’adoration du Seigneur de l'humanité. D’où «Ibn Taymiyya»
considéra l'Etat comme l'un des devoirs de la religion, sans quoi celle-ci
n’existe pas. Tout comme le Wali Faqih est le fait de réformer la religion et
d'accomplir la prière.
Selon l’ancienne formule de pensée, les
intellectuels de l'islam politique ont au début du XXe siècle reformé les idées
d'Ibn Taymiyya relatives au concept d'État. A titre d’exemple, le fondateur des
Frères musulmans Hassan Al-Banna souligna dans ses lettres l'importance
d'établir un Etat islamique, qui travaille sur l'application de la loi de Dieu
dans le pays. Et ce, dans tous les domaines sociaux, économiques et de la
défense, afin de rétablir la gloire des musulmans et la renaissance du Jihad,
ainsi que pour atteindre le bonheur en appliquant les enseignements de l'Islam.
Il souligna également que l'État devrait inclure tous les musulmans sur Terre,
dépassant l'idée de l'État-nation moderne, qui a un peuple spécifique vivant
sur un territoire spécifique. Il s’agira plutôt d’un État islamique
international plus grand.
(Ayatollah)
Khomeini réussit à provoquer une révolution majeure dans la pensée politique
chiite qui a stagné intellectuellement après la grande absence de l'imam Al-Mahdi.
Celui-ci avait rejeté l'idée de désamorcer l'Etat politique jusqu'au retour de
l'Imam absent, quand il souligna, dans son livre «Le gouvernement islamique»,
la nécessité de former un gouvernement qui a la responsabilité
juridictionnelle, afin de ne pas briser les dispositions de l'Islam. Ainsi
s’inspira Khomeini des idées et arguments d’Hassan Al-Banna sur l’Etat
islamique, quand il souligna également que l'Etat est plutôt l'Etat islamique,
constitué de tous les musulmans en général et non seulement limité aux
musulmans d'Iran. Il mit aussi l’accent
sur la nécessité de faire le djihad au nom de Dieu, de se débarrasser du
pouvoir du colon qui a par la force désintégré et fragmenté l'État musulman.
Les propos de Khomeini sont aussi soutenus par
certaines clauses de la Constitution iranienne adoptée en 1979, où plusieurs de
ses articles ont souligné le rôle de l'Etat dans le développement des bonnes
mœurs et la formulation des fondements de la politique étrangère basée sur les
normes et les lois de l'Islam, en fournissant un soutien total à tous les
opprimés sur Terre. L'article 11 de ladite Constitution a bien établi les
propos d’Al-Banna et de Khomeini relatifs à l'Etat, quand il souligna que les
musulmans sont une seule communauté, et que le gouvernement devrait travailler
pour parvenir à la solidarité entre les musulmans, afin de réaliser l'unité
politique, économique et culturelle dans le Monde islamique.
Le fait que Khomeini cite la pensée islamique
d’Hassan Al-Banna est dû à un certain nombre de raisons, dont les plus
importantes sont les suivantes :
1.
La communication précoce entre les Frères et la
tendance islamiste iranienne: Après une période de naissance de la confrérie,
Hassan Al-Banna fit la rencontre de nombreux dirigeants et autorités religieuses
chiites, à l’instar d’Al Qomy et d'ayatollah Kashani», ce qui eut un impact
profond sur la formation de la pensée de Khomeini.
2.
La
simulation des Frères musulmans en Iran: Au milieu des années cinquante,
l’organisation «Fidayeen Islam» (les commandos de l’Islam » fut établie par le
chiite Naveed Safavi, qui fit la
rencontre de «Sayyid Qutb» et d'autres dirigeants des Frères musulmans au
Caire. Il fut fortement influencé par les idées des Frères musulmans jusqu’à ce
que, lors d’un sermon, il invita les adeptes de la doctrine chiite Jaafari à se
joindre à la Confrérie, en présence de l'observateur des Frères en Syrie,
«Mustafa Sibaî». L’influence des Frères dans l'organisation «Fidayeen Islam» se
refléta donc sur le suivi de la méthode d'assassinat comme l'un des outils
utilisés par ces groupes dans la liquidation de leurs adversaires et leurs
opposants. A titre d’exemple, Safavi jugea le penseur laïc Ahmed Kasrawi
d’égaré. Ce qui conduisit à son assassinat par deux de ses disciples.
3.
Le
pragmatisme intellectuel: Les Frères adoptèrent un style de pensée pragmatique.
Notamment le fait de négliger la dimension doctrinale quand il s’agit de
traiter avec l'Iran ou les Chiites, en faveur des intérêts de la confrérie et
pour s’étendre davantage.
Après le précédent examen du concept d'Etat chez
Al-Banna et Khomeini, les conclusions suivantes peuvent être tirées:
1 .Non
seulement Khomeini transcrivit les idées d’Al-Banna relatives à l'Etat pour la
doctrine chiite, mais aussi il œuvra à mettre en pratique ses idées sur le
terrain en « exportant » la Révolution islamique aux pays musulmans voisins, en
particulier les pays du Golfe et l'Irak.
2- Le fait que les deux parties essayent
d'abandonner la dimension doctrinale afin qu’elle ne soit pas un obstacle à la
communication et la viciation du projet islamique, les deux parties eurent des
tentatives de rapprochement entre les doctrines. Il est aussi à noter que
beaucoup des écrits attribués à la Confrérie ont favorisé la révolution
iranienne et dopé l'idée de l'exporter vers les pays arabes. A titre d’exemple,
le chef du Mouvement tunisien de la Renaissance Rachid Ghannouchi a souligné
que le succès de la révolution iranienne représentait un bond pour la
civilisation islamique, et que les vraies tendances du mouvement islamique
étaient représentées par «le groupe des Frères musulmans en Egypte», les
groupes islamiques au Pakistan et khomenistes en Iran.
3- Les deux parties réussirent à
investir le degré de convergence intellectuelle et de mouvance entre elles afin
de réformer un discours commun et hostile à toutes les tendances qui leur sont
opposées. A titre d’exemple, l’adoption d'un discours hostile à l'Occident, en
particulier les États-Unis et Israël, tel que les Frères notamment en Egypte
ont adopté un discours hostile à l'Irak pendant la guerre Iran-Irak.
Vu la précédente analyse du concept d'Etat chez
les deux parties, nous constatons que l'Etat se distingue clairement par trois
caractéristiques principales, à savoir: Tout d'abord, son universalité, ce qui
signifie qu'ils sont transnationaux, ne reconnaissant pas les Nations, et tous
les musulmans doivent être sous sa bannière. Deuxièmement : cet Etat mondial
n’a pas de frontières. Tout territoire où vit un musulman fait partie de l’Etat
islamique. Troisièmement : son objectif est de rendre heureux les croyants en
appliquant la loi de Dieu sur Terre. L’Etat veille donc à leur confort et leur
facilite la vie afin qu'ils se concentrent sur l’adoration du Seigneur.
II – L’excommunuation de la société et
l’incitation à la violence:
Le concept de gouvernance et d'ignorance de la
société fait partie des concepts racistes les plus importants que produisit la
pensée islamiste en Egypte et en Iran. Dans le livre «A l'ombre du Coran» de
Sayyid Qutb, qu’a traduit en persan l’actuel guide suprême iranien, l'ayatollah
Khamenei, le concept de gouvernance (hâkimiyya) fut répété à environ 77 fois,
alors que celui de « Jaahiliyyah » (l’ignorance) y est revenu 555 fois environ.
Ce qui marque l'importance des deux concepts et de leur interdépendance dans la
pensée fondamentaliste.
En bref, le concept de gouvernance signifie que
seul le jugement de Dieu doit dominer sur Terre. Autrement dit, tout ce qui est
lié aux affaires sociales et à la gouvernance doit être conforme à la Loi islamique,
et la violation de la Charia est blasphématoire vis-à-vis des enseignements
islamiques ainsi qu’une sorte de retour en arrière, dans l’ignorance. Compte
tenu de ce qui précède, il est donc à constater que les groupes
fondamentalistes divisent le Monde en deux parties essentielles : la Demeure de
l’immigration et de l’Islam d’une part et la Demeure de l'Incrédulité et de la
Guerre d'autre part. La Demeure de l’Islam est celle qui applique la loi de
Dieu dans la gouvernance, la politique et les affaires sociales. Tandis que la
Demeure de la Guerre et de l’Incrédulité est celle qui ne met pas en
application la Loi d’Allah, et la remplace par le droit, œuvre de l’homme.
Ce qui précède met en exergue la triade de la
violence au sein des groupes extrémistes. Ce sont eux qui traitent la société
d’ignorante en raison de son insoumission à la Loi islamique dans ses affaires
quotidiennes. Ensuite le système politique est déclaré incrédule parce qu’il ne
propage pas l’Islam et ne le soutient pas. Le résultat final c’est un djihad
total contre les apostats et les infidèles dans la communauté, afin d’appliquer
la Loi islamique.
Pour leur part, les fondamentalistes iraniens
appliquèrent les idées de Sayyid Qutb sur la gouvernance et l'ignorance. Tout
commença début 1945 lorsque le mouvement «Fidayeen Islam» dirigé par Navvab
Safavi, proche des Frères, jugea le penseur iranien «Ahmad Kasravi» d’apostat
et d’égaré suite à ses écrits profanes. Ce qui conduisit à son assassinat le 11
mars 1946. Dans une autre attaque, l’organisation extrémiste tenta d'assassiner
l'ancien Premier ministre iranien «Hussein Alaa», ce qui a valu la peine
capitale à Safavi en 1956.
Après la révolution iranienne en 1979 Khomeini
et ses supporters mirent en place le concept de guide-jurisconsulte afin
d’excommunier les sociétés et les gouvernements islamiques, et y soutenir la
violence et l’extrémisme. Par exemple, l'Iran khomeniste soutint l'assassinat
du défunt président égyptien Anouar Sadate le considérant comme un tyran, tout
comme il soutint des mouvements terroristes extrémistes dans les pays arabes,
comme Al-Qaïda, le Hezbollah au Koweït et le Hezbollah en Arabie Saoudite,
ainsi que son implication dans la guerre régulière contre l'Irak.
Le deuxième volet: les étapes de
développement de la relation
entre les deux parties:
Les relations entre les deux courants
fondamentalistes en Egypte et en Iran sont vieilles de plus de 80 ans, depuis
la première rencontre du premier chef de la confrérie Hassan Al-Banna avec le
guide suprême de la Révolution iranienne, Khomeini en 1938. Depuis lors, les
relations entre les deux parties connurent de nombreux types de relations qui
indiquent le degré de convergence entre elles, y compris notamment:
1-
La vulnérabilité et la fascination (1938 –
1956)
En cette période le courant fondamentaliste
iranien fut fortement influencé par son homologue égyptien, surtout après la
visite de Navvab Safavi au Caire dans les années cinquante et sa rencontre avec
les éminents responsables de la confrérie, dirigée par «Sayyid Qutb», ainsi que
sa création de la fondation de l'Organisation des «Fidayeen Islam», qui
représente une simulation de l'organisation secrète des Frères musulmans en
termes d'assassinat des personnalités fondamentalistes de l'opposition, telles
que le juge Ahmed Khazandar en Egypte, et le penseur Ahmad Khosravi en Iran.
Navvab Safavi est l'un des grands supporters de la confrérie en cette période,
il invita les chiites de la secte Al-Jaafari à adhérer à la confrérie. Il
appela également au rapprochement entre les doctrines islamiques, au rejet de
la discrimination doctrinale et de l'intolérance. Il avait même attaqué le
défunt président égyptien Gamal Abdel Nasser en raison de son différend avec
les Frères musulmans en 1954. Il est à noter que la fin des fondateurs de la
Confrérie des Frères musulmans et celle des « Commandos islamiques » (Fidayeen)
ont une certaine similitude. Le fondateur des Frères fut assassiné en février
1949, après l'assassinat du Premier ministre (Mahmoud) El Nokrashy Pasha,
tandis que Navvab Safavi fut condamné à mort en 1956 après avoir été accusé
dans la tentative d'assassinat du Premier ministre iranien Hussein Alaa.
2-
Le transfert des sciences et la traduction
(1956-1979(:
Cette phase est l’une des plus prometteuses de
l'histoire de la relation entre les Frères musulmans et le courant
fondamentaliste iranien, en particulier sur le plan intellectuel. C’est en
cette étape que fut traduite en persan la plus importante œuvre de Sayyid Qutb
: « Dans l'ombre du Coran », par l’actuel leader iranien (Ali) Khamenei. Elle
connut également la publication des écrits politiques de l'Imam Khomeini au
début des années soixante, qui furent grandement influencés par les écrits de
Hassan Al-Banna et Sayyid Qutb sur l'Etat islamique. Cette idée se manifeste clairement
dans le livre de Khomeini «Le gouvernement islamique».
3-
Le
soutien (1979-2011(:
Cette période se caractérisa par la nature du
soutien mutuel entre les deux parties, qui a commencé en plein milieu de la
révolution iranienne, quand le chef des Frères musulmans Youssef Nada évoqua,
lors d'une intervention télévisée sur le canal Al Jazeera, qu’une délégation
fut constituée pour rendre visite à «Khomeini» lors de sa présence à Paris pour
soutenir la position de la révolution iranienne. Aussi faut-il noter que le
troisième avion à atterrir à l'aéroport de Téhéran après celui de Khomeini
était un avion privé avec à bord une délégation de la confrérie, pour féliciter
ce dernier du succès de la révolution naissante. L'Iran a également nommé un
officier de liaison dans la ville de Logan immédiatement après la révolution
pour être en contact avec les dirigeants des Frères musulmans à l'étranger.
De nombreuses déclarations de soutien des Frères
musulmans à la révolution iranienne en sont également une preuve. Notamment la
confirmation de l'ancien guide des Frères musulmans Omar Al-Tlemceni du plein
soutien (de la confrérie) à cette révolution. Tout comme le leader du mouvement
tunisien Ennahdha (la Renaissance) Rachid Ghannouchi a souligné que le succès
de la révolution iranienne représentait un bond pour la civilisation islamique.
Le soutien par les Frères musulmans des
positions de la révolution islamique iranienne continua pendant la première
guerre du Golfe contre l'Irak, où la confrérie a publié une déclaration
décrivant le régime baasiste irakien d’athée et de mécréant, et que cette
guerre n’était pas une guerre pour libérer les opprimés dans le pays, encore
moins pour libérer Jérusalem, mais qu’elle a comme seul objectif de torpiller
les mouvements islamiques naissants et réaliser les objectifs des colons
américains et sionistes d’une part. Et d’autre part, les Frères soutinrent
Téhéran sur la question nucléaire iranienne, en affirmant le droit de l'Iran à
posséder le nucléaire qui réponde à ses ambitions.
En échange, l'Iran n'a pas hésité à apporter son
plein soutien à la confrérie en Egypte.
Au départ, (le pouvoir de) la révolution iranienne jura hostilité envers le
régime égyptien à l'époque du défunt président Anouar Sadate, pour l'accueil
qu'il réserva au Shah d'Iran. Aussi célébra-t-il l’assassinat du président
Sadate et débloqua une aide financière, logistique et technique pour
l'organisation du Hamas palestinien non seulement lors de ses guerres avec
Israël, mais aussi lors de ses multiples crises avec l'Autorité nationale
palestinienne (ANP), sous le règne de l'ancien président égyptien Hosni
Moubarak.
4-
L’oscillation
de la relation entre les deux parties (de 2011 à nos jours:(
Cette phase fut caractérisée par une certaine
tension dans la relation entre les deux parties, à la suite de nouvelles
variables qui surgirent dans leurs relations, bien qu'elles aient à leurs
débuts connu le pic de rapprochement entre les Frères et Téhéran.
Lors du sermon du vendredi 4 février 2011 à
Téhéran, le guide iranien décrivit ce qui se passait en Egypte comme un modèle
de la révolution iranienne. Nonobstant, leurs relations furent rapidement
entachées par une certaine tension dans certains dossiers, notamment:
• Le
dossier syrien: le dossier syrien figure parmi les dossiers les plus importants
qui causèrent un désaccord important entre la confrérie et le système de Wali
Faqih (guide-jurisconsulte) en Iran, Téhéran s’agrippant au régime baasiste
syrien dirigé par Assad face à des groupes armés dirigés par des islamistes
affiliés aux Frères musulmans. Tandis que la révolution syrienne, les
organisations islamiques en particulier, avaient le grand soutien des Frères.
Cela était évident dans le discours du Président déchu Mohamed Morsi, quelques
jours avant qu’il ne soit déposé, quand il rejeta la présence de l’Iran,
représenté par le Hezbollah en Syrie.
• Les
Frères dans l'embarras : La confrérie fit à plus d’une fois face à un état d'embarras, causé par
certaines politiques iraniennes au Caire. Entre autres, la visite de l'ancien
président iranien Ahmadinejad à Al-Azhar Al-Sharif en marge du sommet islamique
en février 2013 a causé un certain embarras à la confrérie, vu le symbolisme de
la mosquée d’Al-Azhar dans la pensée chiite; la mosquée étant fondée par les
Fatimides. Aussi fut-elle embêtée par des rapports de presse relatant les
rencontres entre les responsables – tels que Qassem Soleimani, le commandant en
chef de la Force Al-Quds (Jérusalem) du Corps des Gardiens de la Révolution
Iranienne -IRGC), et les dirigeants des Frères musulmans afin d'aider la
Confrérie à s’émanciper. La lettre de certains religieux chiites adressée à
Morsi, relative à la nécessité de suivre l'approche de l'imam Khomeini et le
Guide-jurisconsulte dans la construction de l'Etat égyptien, mit les Frères
dans un grand embarras à l'époque.
• La
domination salafiste de la Confrérie: un courant salafiste parmi les Frères
voit la nécessité d'arrêter complètement les relations avec l'Iran, soi-disant
que celui-ci représente une menace pour les musulmans.
• La
polarisation turque: Après le succès de la révolution du 25 janvier 2011, il
eut lieu une certaine polarisation turco-iranienne vis-à-vis des Frères, mais
ils estimèrent que se rapprocher de la Turquie était plus souple que de traiter
avec l'Iran, d’autant plus que le système politique turc était apprécié par
certaines forces politiques révolutionnaires en Egypte ; à l’inverse du modèle
iranien dominé par le système « guide-jurisconsulte ». Raison pour laquelle les
dirigeants de la confrérie ont préféré importer plutôt le modèle turc en Egypte.
La position de Téhéran vis-à-vis de la
Révolution du 30 Juin et la déposition de Morsi confirment le degré de
détérioration des relations entre le système de domination cléricale en Iran et
les Frères en Egypte. D’autant plus que la position iranienne fut classée parmi
les positions neutres, malgré les rumeurs sur la force des relations entre les
deux parties à l'époque du règne du président déchu Mohamed Morsi. «La nation
égyptienne va certainement protéger son indépendance inébranlable et sa
grandeur de l'opportunisme étranger et de l'opportunisme de l'ennemi dans les
circonstances difficiles d'après-révolution», avait dans ce contexte indiqué le
porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi. Aussi
faut-il indiquer que l'Iran ne figurait pas parmi les pays qui attiraient les
membres fugitifs les Frères après le 30 Juin, comme ce fut le cas de la
Turquie, du Qatar et de l'Angleterre.
Troisième volet: les scénarios futurs des
relations irano-fréristes:
Dans cet axe seront discutés des scénarios
futurs des relations entre le Wali Faqih et le régime des Frères musulmans, à
la lumière des principes intellectuels communs précédemment indiqués, de
l'histoire des relations vieilles d’environ 80 ans, et de leur impact sur la
situation politique égyptienne, tant à l’intérieur qu'à l'extérieur du pays.
Seront notamment examinés des scénarios dans les rélations entre les deux
parties:
I.
«La continuité»: elle figure parmi les scénarios probables actuellement,
particulièrement du côté des Frères musulmans. Etant donné que la confrérie est
en train de s'isoler vis-à-vis de toutes les crises iraniennes dans la région,
en particulier l'ingérence iranienne en Syrie, en Irak, au Yémen et dans les
pays du Golfe. La confrérie tente de tirer avantage de la question de Jérusalem
pour être le fer de lance de la continuité des relations entre les deux
parties, et peut-être que la continuité du soutien iranien au Hamas et au Jihad
islamique en est la preuve.
II. «
Le désengagement temporaire »: L'Iran peut recourir à une politique de
désengagement temporaire d’avec le groupe des Frères musulmans, en évitant
tactiquement de les soutenir afin de leur permettre de se ressaisir, en se
présentant comme défenseurs du sunnisme face à l'expansion iranienne notamment
dans la région du Golfe et en Egypte, d'une part. Et d’autre part, dans le but
de gagner l’amitié du système politique égyptien dans certaines prises de
position à l’internationale, en particulier la situation en Syrie.
III. «
La reproduction des groupes pro-iraniens » : L’Iran peut recourir au clonage
d'autres groupes alliés, pour qu’ils lui soient subordonnés en cas de
désengagement d’avec les Frères musulmans. La preuve en est les tentatives
perpétuelles d'expansion chiite en Egypte. Bien qu'il n'existe pas une
statistique précise sur le nombre des chiites en Egypte, leur nombre va
crescendo.
En définitive, la problématique des relations
entre les Frères musulmans en Egypte et le système de Wali Faqih demeure
relativement épineuse à cause du grand chevauchement intellectuel et les grands
conflits doctrinaux entre eux, malgré la vivacité des deux parties, à se
dépasser, à maintes reprises, face aux conflits doctrinaux ; et ce, depuis
l’ère de Naveed Safavi jusqu'à présent. Le facteur doctrinal et sectaire
restera certes un des éléments déterminants qui influenceraient ces relations.
Les Frères musulmans sont compétents dans les manœuvres et manigances
politiques. Au moment où ils s’approchent de l'Iran, ils s’approchent également
des Etats du Golfe dont les relations avec l'Iran sont caractérisées par la
rupture. Il est donc probable que leur stratégie, fondée sur l’équilibre de
leurs relations bipartites, essuie un échec cuisant dans la situation politique
actuelle, notamment suite au succès de l'Egypte, de l'Arabie Saoudite, des
Émirats arabes unis et de Bahreïn dans la formation d'une alliance contre les
groupes terroristes et les Etats qui les soutiennent tels que l'Iran, le Qatar
et la Turquie. Par conséquent, la confrérie perdrait la confiance de leurs
bases politiques dans les pays du Golfe en faveur de l’Iran.
Compte tenu de la souffrance que connaît
actuellement la confrérie, pour avoir été incluse dans la liste des organisations
terroristes par les pays du quartette arabe luttant contre le terrorisme, il
est prévu que les Frères musulmans se rapprochent de plus en plus de l'Iran, à
tel point que ce rapprochement pourrait conduire le système de Wali Faqih à « avaler » la
confrérie.