Comment la police enquête sur les Gilets jaunes
La Direction générale de la police nationale (DGPN) a mis en place des cellules spéciales d’enquête Gilets jaunes. Leur rôle : interpeller après coup grâce aux vidéos les auteurs de violences pendant les manifestations.
La fraîcheur des températures n’a pas freiné les ardeurs exhibitionnistes de Tony. Ce samedi 9 février, acte XIII des Gilets jaunes, le jeune homme de 29 ans a dégrafé son pantalon, fanfaronnant postérieur à l’air devant les forces de l’ordre, auxquelles il adressait ensuite une pluie de pavés et de gestes obscènes.
Le lundi suivant, c’est un Tony beaucoup plus sobre qui comparaissait devant le tribunal correctionnel, condamné à trois mois de prison ferme et écroué dans la foulée. Une comparution qui ne devait rien au hasard. Comme 148 autres personnes, selon un décompte à fin février que nous nous sommes procurés, Tony a été interpellé au terme d’une enquête menée par une cellule spéciale Gilets jaunes.
Ces dernières semaines, elles ont essaimé à travers la France, regroupant au sein d’un même bureau des spécialistes de l’investigation, mais aussi leurs collègues du renseignement, de la voie publique, de la police scientifique ou des services en charge de la lutte contre la cybercriminalité. Tous sont placés sous l’autorité des chefs de sûreté départementale. Avec un unique objectif : mettre en commun leurs compétences pour identifier, interpeller et présenter à la justice les auteurs de violences commises dans le cadre des manifestations.
Une quinzaine de cellules opérationnelles
Une quinzaine de ces cellules sont désormais opérationnelles, par exemple à Rouen (Seine-Maritime), Tours (Indre-et-Loire) ou Strasbourg (Bas-Rhin). Les deux plus importantes, créées mi-décembre et qui comptent chacune une dizaine de fonctionnaires, restent celles de Toulouse (Haute-Garonne) et Bordeaux (Gironde), où le mouvement des Gilets jaunes a été particulièrement suivi, et régulièrement émaillé de violences. Ainsi, rien que la cellule bordelaise a permis 17 interpellations, et la condamnation à de la détention pour 12 individus sur un total de 48 dans toute la France.
Outre Tony, c’est Artus, 22 ans, qui a fait les frais du travail de la cellule d’enquête. Là encore, le 9 février à Bordeaux, il avait lancé des feux d’artifice sur les policiers, « à tir tendu » selon ces derniers. Artus était interpellé une semaine plus tard, condamné à de la prison avec sursis. Lors de l’acte précédent, le XII, Michel, 58 ans, avait pour sa part fait usage d’une fronde « géante », avec deux de ses camarades, pour tirer divers projectiles sur la police. Il avait été identifié sur des images vidéo et condamné à six mois de prison dont deux fermes.
Des enquêteurs qui infiltrent le mouvement
Le plus souvent, c’est par ces images que commence le travail d’enquête des cellules Gilets jaunes. Soit qu’elles aient été tournées par la vidéosurveillance, soit par les policiers eux-mêmes. Un important travail de renseignement est également effectué sur les réseaux sociaux, ainsi que parfois issu d’une infiltration du mouvement par des enquêteurs. Selon la direction de la police nationale, qui l’affirme dans une note, beaucoup des auteurs de ces actes seraient issus de la mouvance ultra-gauche, mais pas seulement. La quasi-intégralité des interpellés était par ailleurs déjà connue de la justice.
Dans plusieurs cas, les perquisitions réalisées aux domiciles des auteurs présumés ont permis de saisir les mêmes vêtements que ceux portés le jour de leurs débordements, voire les objets utilisés, notamment des frondes, billes d’acier ou nécessaire pour préparer des engins pyrotechniques. Autant d’indicateurs qui tendent à prouver que ces cellules ont désormais fait leurs preuves, ce qui n’était pas évident au moment de leur constitution. « Au début, certains enquêteurs n’y croyaient pas vraiment, confiait l’un d’eux à France Inter. C’était un peu considéré comme le bureau des punis. » Selon un autre, « au vu des résultats obtenus, les agents ne veulent maintenant plus en partir ».
Ce samedi encore, particulièrement à Toulouse et Bordeaux, ils seront sur le pont, prêt à « dérusher » de nouvelles heures de vidéosurveillance.