La carte de déploiement des groupes djihadistes armés en Libye
Les zones de concentration des groupes takfiristes ont changé et certains
d’entre eux ont disparu dans diverses régions de Libye, ces dernières années.
Et ce, en particulier, depuis le
lancement par le colonel libyen à
la retraite Khalifa Haftar de « l'opération Dignité » en mai 2014, pour lutter contre les
groupes extrémistes, qui a, selon ses déclarations
dans les médias libyens, libéré
80% de la superficie de la Libye mi-2017.
Les organisations takfiristes ont adopté de nouvelles tactiques après les
frappes sécuritaires dont elles ont fait l'objet dans l'est
de la libye par les forces de
l'opération Dignité.
Dans une tentative de conserver leurs éléments
pour mener à bien leurs opérations terroristes après l'effondrement de leur entité
organisationnelle, ces
organisations se basent sur les
tactiques suivantes:
I- La
migration de l'est de la Libye pour se concentrer à l'ouest où les forces de sécurité relevant de Haftar ont moins le contrôle, et où
se déchirent deux gouvernements (le Gouvernement de réconciliation nationale,
dirigé par Fayez El-Sarraj, qui contrôle les zones de Tripoli, Sabratha, Bani
Walid, Zintan et Syrte; et le Gouvernement de Salut national, dirigé par le calife
Ghowel également basé à Tripoli).
II- Adoption du style
des cellules dormantes ou ce
qu'on appelle «les loups
solitaires ».
Les groupes armés les plus importants
actuellement concentrés en Libye peuvent être identifiés comme suit:
1-
Les groupes concentrés à l'est et au centre de la Libye :
- Le
Conseil de choura des Moudjahidine de Darna
C'est l'un des groupes takfiristes les plus importants basés dans la
ville de Derna dans la Libye septentrionale, qui a annoncé sa création le 12
décembre 2014, après le lancement de l'opération « Dignité » dirigée par «
Haftar ». Il rejoint le Conseil sous la bannière de plusieurs organisations
takfiristes, y compris la soi-disant organisation « Ansar al-Charia », un
groupe armé dont l'idéologie est proche de celle d’«Al-Qaïda». Fondée par
Mohamed Zahawi début 2012, elle s'était
déployée à Derna et Sabratha,
Benghazi, Misrata, Tripoli et Syrte.
En outre, le Conseil a été également rejoint par
le bataillon «Al Battar» constitué d’un groupe de combattants libyens de retour
de Syrie, où ils luttaient contre Bachar al-Assad. Y figure aussi le bataillon
« les Martyrs d’Abou Salim », qui a été fondé par Salem Al Darby en février
2011. Celui-ci a été tué dans des affrontements avec Daech en
janvier 2015. Aussi faut-il noter l'adhésion de certains éléments du « Groupe
islamique des combattants », qui a été officiellement créé dans une zone
frontalière entre le Pakistan et l'Afghanistan en 1990, et qui a réorganisé ses
cellules dormantes en Libye pour lutter contre le colonel Kadhafi. Sans oublier
un groupe de rebelles libyens de la ville d’Al-Baïda et de celle de Benghazi qui a rejoint le Conseil et
formé une alliance pour lutter contre Daech à Darna en octobre 2014 et qui a
été vaincu et chassé de cette ville en octobre 2015.
Certains groupes et cellules terroristes sont
sortis de ce Conseil, dont les plus importantes sont les suivants :
I. Le groupe des Almoravides
Le groupe des Almoravides est dirigé par Hicham
Ashmawy (un officier radié de l'armée égyptienne). Il a pris comme siège la ville de Derna pour former ses
éléments et constituer d’autres cellules affiliées au groupe en vue de s'infiltrer en Egypte. Parmi les cellules les plus importantes qui se sont
ramifiées des Almoravides figure « Les oasis marines », Al Wahat Al
Bahriyya, (situées à 365 kilomètres du Caire). Dirigée par Imad Abdul-Hamid (un officier radié de l'armée égyptienne), elle a été
créée en août 2016 par la soi-disant organisation « Ansar al-Islam », (selon
les aveux d'un élément de ladite cellule, Abdoul
Rahim Al Mismary, dans un entretien télévisé le 16 novembre 2017). Elle a pris
le Sahara occidental comme zone de concentration de ses éléments dans l'objectif de perpétrer des opérations terroristes en Egypte.
Les forces de sécurité égyptiennes ont réussi à l’anéantir en octobre 2017.
Bien que certaines informations aient été confirmées par des sources confidentielles libyennes à « Al Manar », selon
lesquelles le groupe des Almoravides s'est disséqué et que ses éléments ont intégré
d’autres groupes et organisations takfiristes en Libye, il reste encore quelques-uns de ses éléments concentrés dans ladite ville essayant de déplacer
leurs activités en Egypte dans la période à venir. Le rôle des
Almoravides va donc se limiter à fournir un soutien logistique et militaire aux
cellules ou à leurs organisations mères en Egypte.
Il existe aussi quelques cellules dont certaines
appartiennent au groupe des Almoravides, tandis que d’autres sont affiliées au
Conseil de Choura des Moudjahidine de Derna déployés dans cette ville et à Jufrah (centre
de la Libye et près de la frontière égypto-libyenne). Ces cellules, selon
certaines informations confirmées par des sources libyennes, sont dirigées par
un élément du Front salafiste égyptien.
II. Le Groupe de combat islamique
Le Groupe de
combat islamique a officiellement vu
le jour près de la frontière
pakistano-afghane en 1990, fondée par ses membres qui ont fui l'étau sécuritaire du régime du colonel Mouammar Kadhafi
dans les années quatre-vingts, et par la suite ont rejoint les rangs des
combattants qui luttaient contre l'Union Soviétique en
Afghanistan. Ils ont donc profité de leur expérience acquise dans les combats contre les Soviétiques. Non
seulement ils ont fondé officiellement le
Groupe islamique et ranimé ses cellules dormantes en Libye dans
les années quatre-vingt-dix du siècle dernier, mais ils ont aussi, à l'époque, revendiqué la plupart des actes de violence dans
le pays. Et bien que le groupe
ait déclaré réviser son idéologie et se soit engagé à arrêter la violence après sa réconciliation
avec le régime de Khadafi en 2007, il a de
nouveau repris ses activités après le déclenchement de la
révolution libyenne en février 2011. Il est actuellement concentré dans l'est de la Libye, plus précisément à Derna, principal
bastion du groupe depuis les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Il existe
également d’autres cellules dormantes du groupe à Benghazi.
III. Les Brigades de Défense de
Benghazi
Le nouveau Conseil a été formé après la
disparition du soi-disant Conseil de Choura des rebelles de Benghazi suite aux frappes sécuritaires menées par les forces de l'opération Dignité sous le commandement de Haftar. Il a donc été chassé de ses
zones de contrôle, Ajdabiya et Benghazi, entre autres.
En effet, ce Conseil est le noyau des alliances
de certaines organisations takfiristes qui
ont cessé d'exister en Libye après le contrôle par Haftar de la plupart des
villes orientales fin 2017. Le Conseil de Choura des rebelles de Benghazi est
la principale composante du nouveau Conseil. Il est constitué de la Brigade du
17 Février, qui est quant à elle constituée d’environ 12 factions
armées et fondées par Fawzi Abou Katif après l'éclatement
de la révolution libyenne en
2011. Sans oublier la Brigade des martyrs de Raf Allah Al Sahati (Un groupe
islamique armé basé à Jafra et dirigé par Mohamed Al Gharby jusqu’à sa mort
en septembre 2014. Après celui-ci, la direction de la Brigade a été assignée à
Salah al-Din ibn Omran). En fait également partie, le Conseil de
Choura des rebelles d’Ajdabiya, un groupe islamiste basé à
Ajdabiya et dirigé par Mohamed Az-Zawia.
Les activités du Conseil des brigades de défense
de Benghazi sont concentrées dans les villes de Derna et Jafra.
Aussi faut-il noter l’existence de ses cellules dormantes dans la ville de
Benghazi.
IV. Les cellules dormantes de Daech
Le soi-disant « Conseil des jeunes de l'Islam » affilié à l'organisation terroriste Daech a été
éliminé. En effet, il s’agit d’un groupe composé d'étrangers et de combattants
dissidents, connu sous le nom d'Ansar Al-Charia qui a été formé en octobre 2015
par Abou Suleiman Tagouris Libby conformément
aux ordres du patron de Daech
Abou Bakr Al-Baghdadi de créer une nouvelle organisation en
Libye, notamment à Derna. Et ce,
après que l'organisation eut annoncé son contrôle sur la
ville en août 2014, et après l’avoir déclarée « émirat islamique ». Après quoi elle s'est dirigée vers Syrte et l'a prise comme siège. Mais elle a été anéantie
par les forces “Al-Bunyan Al-Marsous” en
2016, qui relève du gouvernement
de réconciliation nationale dirigé par Fayez Al-Sarraj.
Malgré la disparition de l'entité organisationnelle de Daech après la mort et
l’emprisonnement d’un grand nombre de ses dirigeants, certains éléments de
l'organisation se déploient actuellement dans la ville de Benghazi
et Al Bayda adoptant le style de cellules dormantes.
2- L'ouest
de la Libye
Les milices armées dans l'ouest de la Libye peuvent être réparties en deux : les milices qui soutiennent
le gouvernement de réconciliation nationale dirigé par Fayez Al-Sarraj, et les milices
qui soutiennent le Gouvernement de salut dépendant de la Conférence nationale,
dirigé par le général Khalifa Al-Ghawil. Elles sont réparties comme suit :
A. Les milices qui soutiennent le
gouvernement de réconciliation nationale :
a- Les Forces du bouclier libyen
Elles figurent parmi les plus grandes
milices armées dans l'ouest de la Libye. Dirigées par Abdel Raouf
Kara, elles sont constituées d'environ 15 combattants dont la mission est de
maintenir la sécurité et protéger le régime au pouvoir dans l'ouest de la Libye. Leurs activités sont
concentrées au sein du complexe de Maitika dans le nord-est de la ville de
Tripoli, près de l’aéroport de la capitale libyenne.
b- Le Bataillon des fiduciaires
(Katibat al-Nawasi)
Il est
constitué d’environ 500 rebelles qui ont pris part au renversement du régime de
Kadhafi. Situé dans la zone du marché de vendredi
près de l'aéroport de Maitika, la plupart de ses
armes sont des dispositifs
anti-antiaériens et des armes lourdes. Ce
bataillon joue un rôle
prépondérant dans la protection des sièges du régime du Parti national à
Tripoli.
c- Les milices de la sécurité centrale
Il s’agit de groupes armés dirigés par Abdul
Ghani Alkkla surnommé «Ghinewah». Les activités du groupe sont
concentrées dans le quartier d'Abou Salim dont la principale « mission » est la
préservation de la sécurité publique.
d- Le Bataillon des révolutionnaires de
Tripoli
Il fait partie des plus grands bataillons armés de la
ville de Tripoli. Constitué d’environ 1300 éléments armés, il est dirigé par
Haitham Al-Tâjouri connu pour son extrême hostilité au général
Haftar. Le bataillon qui est concentré dans les zones d’Al Fornaj, Ain Zara
et Bier Al Osta a pour mission de protéger les sites stratégiques de la Conférence
nationale en Libye.
e- La brigade Al-Mahjoub
Cette brigade est une milice armée affiliée aux forces d’Al-Bunyan Al-Marsous à
Misratah. La Conférence nationale générale l'a
composée des forces relevant de larimature et des bataillons
des révolutionnaires qui le soutiennent pour combattre Daech à Syrte en 2016.
Elle compte environ mille hommes armés chargés de
protéger le Siège du gouvernement d’Al Sarraj.
B. Les milices qui soutiennent le
gouvernement de salut
a- Le Bataillon Morsi
C’est une milice armée forte d'environ 800
hommes, dont la principale mission est de protéger le palais présidentiel et
les positions stratégiques du gouvernement de salut à Tripoli.
b- La Brigade d'Al Halbous
Ces milices
sont créées par Mouhamed Al
Halbous pendant la révolution libyenne pour renverser le régime de Kadhafi. Al
Halbous a été tué dans la ville de Misrata. Bashir Abdel Latif lui a succédé à la tête du groupe qui est composé d’environ un millier d’éléments. Sa
principale mission est de protéger le palais présidentiel, l'aéroport
international et certaines zones du sud de la ville de Tripoli.
c- Le Groupe Belhadj
Ce groupe est une organisation armée qui
embrasse l'idéologie salafiste jihadiste. Classée comme entité affiliée à Al-Qaïda, elle a été fondée par le terroriste
libyen Abdel Hakim Belhadj (faisant partie des combattants armés en Afghanistan
contre les Soviétiques) au début des années quatre-vingt-dix pour lutter contre le régime de
Kadhafi et faire de la Libye un «émirat islamique». Mais le groupe a rapidement disparu et son fondateur Belhadj a été emprisonné
au centre pénitentiaire d'Abou Salim à Tripoli en 2001. Et à sa sortie
de prison après une réconciliation avec le régime de Kadhafi en 2007, il révise
son idéologie takfiriste et renonce à la violence. En revanche, dès le
déclenchement de la révolution
libyenne en février 2011 il y joue un rôle de premier plan et reconstitue le
Groupe islamique, qui est actuellement concentré dans la ville de Tripoli, et
dont la mission est de protéger le siège du gouvernement de salut
à Tripoli.
Une milice appelée
la Garde nationale dirigée par Sami Al-Saadi et Khaled Al-Sharif s'est ramifiée de ce groupe. Son siège principal se trouve à la Prison du Plateau à Tripoli.