Brexit : trois indices qui laissent envisager un report de la date de sortie du Royaume-Uni de l'UE
A près d'un mois de la date annoncée du Brexit, Londres est toujours dans le brouillard et il ne s'agit pas (seulement) de météo. Dimanche 24 février, Theresa May a annoncé un report de la date avant laquelle la Chambre des communes doit voter un accord sur la sortie de l'Union européenne, initialement prévue mardi. Mais le temps presse et, outre-Manche, l'hypothèse d'un report du Brexit apparaît plus concrète que jamais. Voici pourquoi.
La date de la sortie approche dangereusement
La Première ministre britannique a promis, dimanche 24 février, qu'un nouveau vote sur un accord avec l'Union européenne aurait lieu "d'ici le 12 mars". Repoussant, de fait, la précédente échéance, qu'elle avait fixée au 26 février. Ce n'est pas la première fois qu'elle repousse un vote : en décembre, elle avait déjà renoncé au dernier moment à soumettre son projet d'accord au suffrage des députés, préférant attendre le 15 janvier dernier. Elle avait alors essuyé un échec cuisant, le texte ayant été rejeté à 432 voix contre 202.
Si elle veut qu'un deuxième vote connaisse une issue différente, Theresa May doit obtenir des résultats dans la renégociation qu'elle est censée mener avec Bruxelles. C'est l'objectif affiché du report annoncé dimanche : obtenir des "changements contraignants" concernant le "filet de sécurité", une disposition censée garder ouverte la frontière en Irlande après le Brexit, et qui est au cœur du bras de fer politique, car Theresa May n'aura pas de majorité au Parlement sans l'appui de ses alliés nord-irlandais.
"Nous avons eu de bons progrès, des discussions constructives avec l'UE et nous poursuivrons ce travail de manière à pouvoir sortir avec un accord le 29 mars", a-t-elle expliqué. Mais c'est bien la raison d'être sceptique : la date officielle de sortie de l'Union européenne a été officiellement fixée au 29 mars, dans 32 jours. Les marges de manœuvre pour arriver à un accord d'ici là se réduisent donc à mesure que le temps passe.
Theresa May laisse poindre un léger doute
"Quitter l'Union européenne avec un accord le 29 est toujours à notre portée et c'est ce à quoi je vais travailler", a expliqué Theresa May dimanche, alors qu'elle participait à un sommet entre l'UE et la Ligue arabe à Charm el-Cheikh en Egypte. Une déclaration en apparence rassurante, mais pour le Guardian (en anglais), dire que cette date butoir est "toujours à notre portée" revient à admettre un doute.
Il s'agit d'une tournure de phrase "que l'on applique le plus souvent aux objectifs qui ont peu de chances d'être réalisés", écrit le journal. Le quotidien britannique rappelle par ailleurs que la Première ministre "avait l'habitude de présenter comme un fait, sans ajouter de nuance, que le Royaume-Uni serait dehors d'ici la fin mars". Par le choix de ses mots, dimanche, elle a laissé passer l'ombre d'un doute sur le scénario qu'elle continue de défendre.
Londres et Bruxelles s'y préparent
Dans son édition de lundi, le Daily Telegraph affirme que les services du 10 Downing Street préparent un plan pour une éventuelle "extension de l'article 50", c'est-à-dire un report de la date du Brexit. Ce plan ne spécifierait pas jusqu'à quand il serait reporté, mais selon le journal, les ministres ne croient pas à un report de plus de deux mois. La sortie de l'UE aurait toujours lieu avant les élections européennes, prévues le 23 mai 2019.
Dimanche, la BBC avait rapporté, en citant une source gouvernementale haut placée, que Theresa May pourrait, pendant les débats au Parlement prévus dans la semaine, envoyer le signal qu'elle est disposée à écarter l'hypothèse d'une sortie sans accord (ou "no deal"). Mais rien ne dit qu'un report de quelques mois suffirait à obtenir un accord qui satisferait les député britanniques, et qu'il ne devrait pas être suivi d'un autre report, puis d'un autre report...
Dimanche, le Guardian révélait que l'UE voulait éviter cette incertitude, et étudiait l'éventualité d'un report d'une sortie du Royaume-Uni à 2021, c'est-à-dire le temps que devait durer la période de transition post-Brexit. L'idée "tourne beaucoup dans les couloirs de Bruxelles", explique un diplomate anonyme, qui assure que le secrétaire général de la Commission européenne, Martin Selmayr, "est friand de cette idée". Mais rien ne dit qu'une telle option serait acceptée par les Britanniques.