Erdogan lâche les Frères musulmans
La décision turque d’extrader vers Le Caire le frériste, Mohamed Abdel-Hafiz, a relancé le débat sur l'hébergement par Ankara d’Egyptiens recherchés et d’éléments terroristes impliqués dans des crimes graves, ce dans le cadre de la politique turque visant à instrumentaliser ces éléments pour réaliser des objectifs turcs et à les utiliser contre leurs pays. Lâchée par la Turquie, la Confrérie terroriste des Frères musulmans vit à présent dans un état d’inquiétude.
L’extradition d'Abdel-Hafiz a soulevé un débat houleux à tous les niveaux, surtout que les Frères musulmans sont effrayés à l’idée de subir le même sort. Les autorités turques tentent de calmer la jeunesse de la Confrérie, considérée par Ankara comme « une arme de réserve » qu’elle pourrait utiliser en cas de besoin.
Selon des sources officielles turques, le jeune homme aurait été extradé vers Le Caire après son arrivée à l'aéroport d'Istanbul en provenance de Mogadiscio porteur d’un visa « inapproprié ». Les autorités turques ont suspendu huit employés de la sécurité de l'aéroport d’Atatürk dans le cadre de l’enquête en cours sur l'extradition du Frère égyptien.
Nouvelle inquiétude
Malgré les tentatives de la Turquie de rassurer les jeunes de la Confrérie, ces derniers vivent un profond état d’inquiétude après l’extradition après l'extradition d’un autre Frère, Abdel-Rahman Abou El Ela. Arrivé en Turquie le 28 novembre 2018, Abou El Ela aurait demandé l'asile politique. Mais dès sa descente de l’avion à l'aéroport d’Ataturk, il a été arrêté et contraint de renoncer à sa demande d'asile, avant d’être renvoyé à la prison de Gaziantep près de la frontière syrienne.
Abou Ala aurait été en possession d'un faux passeport, ce qui explique son arrestation par la sécurité de l'aéroport. Il aurait quitté le Soudan après les contraintes sécuritaires dans ce pays au cours des derniers mois et les arrangements entre Le Caire et Khartoum sur les questions de sécurité.
Des membres de la Confrérie des Frères musulmans auraient décidé d’organiser un sit-in dans les locaux d’une association turque pour protester contre l'expulsion de jeunes membres du groupe vers Le Caire. Les dirigeants de l'organisation terroriste, eux, ont refusé d’engager des négociations sérieuses avec la sécurité turque pour tenter de stopper les extraditions.
Fardeau financier
Au cours des derniers mois, des observateurs ont révélé qu’Ankara s’apprête à lâcher la Confrérie en raison du lourd fardeau qu’elle représente pour le budget turc, surtout que le régime turc soutient les activités des Frères depuis des années.
Mokhtar Nouh, penseur politique et membre du Conseil national des droits de l'homme, affirme que l'économie turque n'est plus en mesure d’assumer la charge financière de ces réfugiés politiques, en finançant des chaînes de télévision perdantes et la guerre en Syrie. « La Turquie expulsera les Frères musulmans dès l’effondrement de la lire turque », affirme Nouh.
Erdogan a tenté de défendre la cause des Frères Musulmans en se posant comme le défenseur des libertés et des opprimés, mais il n’a pas tardé à montrer son vrai visage répressif en arrêtant et en limogeant les magistrats et les dirigeants de l'armée.
Demandes de naturalisation
Pour les dirigeants des Frères musulmans, le spectre d’une extradition vers le Caire est un véritable cauchemar. C’est pourquoi, ils tentent de contourner les lois internationales et de régulariser leur statut juridique en Turquie. Dans ce contexte, plusieurs dirigeants de la Confrérie, en fuite en Turquie, ont contacté des responsables turcs pour demander une facilitation des procédures d’obtention de la nationalité turque, de peur d'être extradés vers l’Egypte, après l'expiration de leurs passeports, car dans ce cas, ils devront se rendre aux consulats égyptiens pour renouveler leurs documents.
Parmi les dirigeants de la Confrérie qui cherchent à obtenir la citoyenneté turque figurent notamment Ayman Nour, président de la chaîne Al-Sharq, Mahmoud Hussein, secrétaire général de la Confrérie, et Mohamed Gamal Heshmat, président du prétendu parlement des Frères musulmans en Turquie. Cet empressement des dirigeants à « tout faire » pour éviter leur extradition exaspère les jeunes éléments groupe, qui reprochent aux dirigeants d’ignorer leurs problèmes surtout qu’il y a eu effectivement des cas d’extradition.