Les Européens lancent un système de paiement avec l'Iran
Berlin, Paris et Londres vont lancer officiellement ce jeudi un mécanisme de paiement européen destiné à permettre la poursuite des transactions commerciales entre l'Union européenne et l'Iran en dépit du rétablissement des sanctions américaines, a-t-on appris de sources diplomatiques.
Les Européens planchent depuis le mois de septembre sur la création de ce "véhicule spécial" (SPV), une sorte de système de troc visant à éviter les transactions monétaires en dollars pour échapper aux sanctions américaines.
L'objectif est de tenter de convaincre l'Iran de continuer à respecter l'Accord sur le nucléaire signé à Vienne en 2015, malgré la décision prise l'an dernier par Donald Trump d'en retirer les Etats-Unis, en permettant à Téhéran de continuer à en recueillir des bénéfices.
Selon la chaîne télévisée allemande NDR, le SPV va prendre le nom d'Instex (Instrument In Support Of Trade Exchanges). Il ne devrait pas être opérationnel avant plusieurs mois en raison de contraintes techniques liées à sa mise en place, dit-on de sources diplomatiques.
Les ministres français des Affaires étrangères et de l'Economie avaient annoncé au cours de la semaine écoulée la création imminente de cette institution financière indépendante.
L'Instex ne devrait pas relancer de manière spectaculaire le commerce entre l'UE et l'Iran car il vise surtout à permettre la fourniture de nourriture, de médicaments et d'aide humanitaire à Téhéran, et non à faciliter les transactions liées au pétrole particulièrement affectées par les sanctions américaines.
"Ça ne va pas changer les choses radicalement, mais c'est un signal politique important envoyé à l'Iran pour lui montrer que nous sommes déterminés à sauver le JCPOA, et aux Etats-Unis pour leur montrer que nous défendons nos intérêts en dépit de leurs sanctions extraterritoriales", a déclaré un diplomate européen à Reuters.
Le JCPOA est le nom officiel de l'Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.
TENSIONS À TOUS LES ÉTAGES
Le chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a déclaré mercredi que Téhéran continuait à respecter l'accord malgré les sanctions américaines.
Les chefs des services de renseignement américains étaient parvenus la veille à la même conclusion lors d'une audition devant une commission du Sénat des Etats-Unis.
La création de l'Instex pourrait ne pas suffire à convaincre l'Iran de continuer éternellement à jouer les bons élèves, d'autant que ses relations avec les Européens se sont tendues ces derniers mois sur fond de poursuite des tirs d'essai de missiles balistiques et de tentatives d'assassinats sur le sol européen imputés aux services secrets iraniens.
Elle pourrait aussi provoquer une vive réaction des Etats-Unis qui ont prévenu à maintes reprises qu'ils ne laisseraient personne contourner leurs sanctions.
L'ambassade américaine à Berlin a menacé jeudi de "graves conséquences" toute entité qui entretiendrait "des activités passibles de sanctions avec l'Iran".
Face au risque de réaction épidermique de l'administration Trump, Paris et Berlin ont accepté d'assumer conjointement la responsabilité du SPV en confiant à un banquier allemand le pilotage du mécanisme qui devrait être basé en France, dit-on de sources diplomatiques.
La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne en seront les premiers acteurs en espérant que d'autres pays s'y associeront par la suite.