Publié par CEMO Centre - Paris
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Islam de France : le CFCM tente de garder la main

dimanche 13/janvier/2019 - 08:18
La Reference
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L’année 2018 fut l’année de la gestation des concurrents du Conseil français du culte musulman (CFCM), et force est de constater que ses prérogatives sont en danger, à la fois sur la régulation du halal, la formation des imâms, le financement des mosquées et la représentativité des fidèles. 

 

Sur l’organisation de la certification halal, finances comprises, le projet d’Association musulmane pour l’islam de France (Amifd’Hakim El Karoui qui englobait cette dimension avec une taxe halal unique, a nécessité une riposte spécifique du CFCM, et l’annonce d’une Association pour le financement et le soutien du culte musulman (AFSCM), dont les attributions seront multiples. L’AFSCM mettra son nez dans la formation des imâms, et se fera l’intermédiaire de la collecte des dons étrangers. C’est sur ce dernier point sensible que l’avant-projet de réforme de l’islam de France voulu par l’Elysée et inspiré par Hakim El Karoui, suscite une vive inquiétude du côté du CFCM. En effet, limiter les apports en numéraire des étrangers et passer au peigne fin les dons des personnes morales ne passe pas, le risque de voir tarir cette manne en plus d’être surveillé de près, est un affront envers le Conseil qui se targue de maitriser la situation et d’être arrivé à l’âge adulte après 15 ans d’existence

 

Autre pomme de discorde, la volonté de l’état de faire passer les associations culturelles gérant les mosquées en associations cultuelles, rendant la tenue de leurs comptes et gestions plus rigoureuse. 

 

En ce qui concerne la représentativité, l’offensive de Marwan Muhammad qui a fondé « Les Musulmans », avant de se lancer dans un tour de France des mosquées afin de réaliser une « grande consultation » des fidèles, est portée par les médias musulmans francophones les plus dynamiques auprès desquels il jouit d’une grande sympathie. Il commence d’ailleurs à recruter des personnages influents de la communauté comme Mohammed Minta et Rachid ElJay, tous deux salafistes. 

 

 

La riposte du CFCM

 

Les sept grandes fédérations de mosquées, dont celles constituant le Conseil français du culte musulman (CFCM), organisaient, dimanche 9 décembre, un « congrès des musulmans de France » à l’Institut du monde arabe à Parisen présence de plus de 400 participants. Étaient conviés les grands acteurs politiques qui suivent le dossier : Jean-Pierre Chevènement (Fondation pour l’islam de France), Jean-Louis Bianco (Observatoire de la laïcité), et évidemment Christophe Castaner, qui, au lendemain d’une mobilisation éprouvante des Gilets Jaunes, y tint un discours. Ce déplacement marque la volonté du ministre d’arrondir les angles après les spéculations sur l’obsolescence du CFCM qui adviendrait après la mise sur pied de l’Amif.

 

Une résolution finale fut communiquée, dont deux points méritent attention si une vraie suite est donnée :  

2-Notre volonté de créer une nouvelle dynamique pour la représentation du culte musulman visant davantage de proximité à travers la création des Conseils départementaux du culte musulman et mettant à contribution l’ensemble des cadres religieux à travers le renforcement du Conseil religieux au niveau national et à la création des conseils des imams et des aumôniers aux niveaux départemental et régional. 

 

4-La définition des dogmes et des pratiques des cultes incombe aux représentations des cultes à elles seules dans la limite des impératifs de l’ordre public et dans le respect des principes et des valeurs de la République. 

 

 

La représentativité discutée du CFCM, un des principaux reproches dont il fait l’objet, serait enfin réalisé avec des conseils départementaux, une mixité avec au moins 20% de femmes et la participation des associations musulmanes (qui ne dirigent pas des mosquées) à sa vie. Aussi, les grandes fédérations, pour éviter l’oligopole actuel, verraient leurs sièges au conseil d’administration limité à moins de 30%, afin d’attirer les mosquées indépendantes dont la présence est indispensable afin de légitimer la représentativité. Le quatrième point est une réponse directe au projet de El Karoui, qui prévoit une chaire d’islamologie à l’université de Strasbourg qui prescrirait la voie droite à suivre pour les fidèles. 

 

Dalil Boubakeur représentant la fédération algérienne de la Grande mosquée de Paris a tenu ce 9 décembre à évoquer frontalement devant le ministre de l’Intérieur ses désaccords sur le projet de faire rentrer les mosquées dans le moule de la loi de 1905 : la Grande Mosquée de Paris qui a fait valoir sa différence avant la prise de parole ministérielle.

 

 « Des administrations nous incitent — ce qui n’est pas nouveau — à faire prévaloir la loi de 1905 (une majorité d’associations gérant les mosquées en France étant sous le régime de la loi 1901, ndlr). Nous demandons, au contraire, le respect de nos statuts actuels, qu’on ne peut légalement nous contraindre à changer ». 

 

« En ce moment décisif pour l’avenir de l’islam en France, nous revendiquons l’indépendance de notre culte comme principe préliminaire à toute discussion sur cette organisation de l’islam »fit-il valoir. « Toute tentative de modifier les rapports clairs et fondamentaux entre les religions et l’État, toute ingérence d’une administration qui se doit de respecter la liberté religieuse, entraîneraient notre opposition farouche. » 

Même son de cloche s’agissant du financement du culte venu de l’étranger : « Les apports extérieurs pour la construction et la gestion des lieux de culte ne sont en rien une exception dans notre économie mondialisée, qui favorise l’arrivée de capitaux étrangers dans toutes les sphères cultuelles, culturelles, artistiques, sportives, économiques, industrielles et même spatiales ! Ces apports étrangers ne sauraient donc justifier une atteinte à la séparation entre l’État et les cultes », martela le recteur, à rebours des discours en vogue délégitimant les financements étrangers dans le culte musulman.

 

Tout se jouera après les élections de juin prochain renouvelant les sièges du CFCM, la nouvelle équipe sera attendue au tournant par le ministère des Cultes, dans sa volonté réelle ou feinte de changement. 

 

Toujours est-il que le CFCM, rassemblant les principales puissances étatiques musulmanes dont les diasporas sont nombreuses en France (Turquie, Maroc, Algérie) via leurs fédérations de mosquées, restera un interlocuteur incontournable encore de nombreuses années. Ne serait-ce que parce que les fédérations du Conseil dirigent les plus grandes mosquées de l’hexagone.

 

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