Corée du Sud : Al-Azhar a un rôle officiel dans ce pays, et l’Etat combat l’extrémisme et soutient le soufisme
L’islam est peu
répandu en Corée du Sud, et le nombre de musulmans est estimé à quelque 200
mille personnes, soit 0,4% du total des habitants, nombre d’entre eux étant des
émigrés de pays musulmans ou de pays où les musulmans sont en grand nombre,
tandis que les autres sont des Coréens convertis[i].
Le petit nombre
de musulmans dans ce pays vient de l’ignorance par les Coréens des règles
correctes de l’islam, ainsi que de l’importance dans les médias des
informations relatives aux groupes de l’islam politique comme al-Qaïda et
Daech, ce qui a conduit à donner une image négative de l’islam. Il faut aussi
mentionner les mises en garde de certains groupes religieux non musulmans contre
le danger des musulmans, de la diffusion de la nourriture « halal »
ou de l’islamisation des familles par le biais du mariage des jeunes filles
coréennes avec des musulmans. Tout cela a contribué à semer la peur de l’islam
chez les Coréens[ii].
Malgré cela, on
trouve en Corée du Sud huit mosquées et un petit nombre de centres islamiques
dispersés en divers endroits du pays, dont la capitale Séoul, la ville de Busan
et autres.
Les rapports
officiels indiquent par ailleurs que le gouvernement de Corée du Sud a dépensé
200 millions de wons (175000 dollars) pour la construction de lieux de prière
pour les musulmans dans les lieux touristiques, et le pays vise à attirer
davantage de touristes musulmans[iii].
Contributions
arabes
Certains pays
arabes ont contribué à répandre l’islam en Corée du Sud. C’est ainsi que
l’Arabie saoudite a octroyé des bourses d’études à la première génération de
musulmans coréens, comme Abdel Rahman Li Ju Hwa, qui est devenu le premier imam
de Corée du Sud, après avoir étudié à l’Université de Médine[iv].
L’Arabie saoudite
a contribué aussi à répandre l’islam par le biais des mosquées, comme la
Mosquée centrale de Séoul, la première à avoir été construire, en 1976.
L’école islamique
de l’émir Sultan a été logée aux 2e et 3e étages de la
mosquée. Elle est supervisée par le Centre de recherche islamique, et donne des
cours de religion en trois langues : arabe, anglais et coréen.
La Libye a
contribué, quant à elle, à la construction de la Mosquée Busan al-Fatah en
1980, qui, à côté de la salle de prière, dispense des cours d’informatique, de
langues arabe et anglaise, et de religion.
Notons que les
cours de religion sont donnés le dimanche et non pas le vendredi, pour
permettre aux Coréens non musulmans d’y assister, ce qui est l’un des buts
déclarés de la mosquée.
Celle-ci est
considérée comme le seul centre islamique de Busan, et le plus grand du
nord-est de la Corée du Sud. C’est pourquoi il sert, outre Busan, les
gouvernorats de Daegu et d’Ulsan, et est visité chaque année par 25000
musulmans.
Citons aussi le
Minhaj Islamic Centre dans la ville de Suwon au nord-ouest de la Corée du Sud, fondé
par l’organisation internationale Minhaj-ul-Qoran présidée par le Dr Mohammad
Taher al-Qadri, personnalité soufie éminente du Pakistan.
Notons que l’organisation
Minhaj-ul-Qoran jouit de liens étroits avec l’Union internationale des diplômés
d’al-Azhar, et supervise la branche de l’Union au Pakistan, inaugurée en 2010,
sous le patronage du cheikh Ahmad at-Tayyeb alors recteur de l’Université al-Azhar.
L’organisation vise ainsi à diffuser la pensée azharie modérée dans les divers
pays du monde, par le biais des étudiants d’al-Azhar dans ces pays.
Le Minhaj Islamic
Centre se soucie de diffuser les cours des cheikhs de l’Union internationale
dans divers pays du monde, ce qui indique qu’il œuvre à protéger la Corée du
Sud contre la pensée extrémiste par le biais des conceptions soufies.
Citons encore
l’Association des étudiants musulmans de Corée du Sud, qui est une association
caritative qui regroupe les étudiants des universités et des écoles, pour les
mettre en relation les uns avec les autres, et organise des conférences pour
présenter la science religieuse correcte aux musulmans.
L’Association
s’occupe aussi de donner des cours d’arabe, d’anglais et de coréen, et invite
des oulémas de divers pays.
Malgré le fait
que l’Association ne définisse pas son idéologie clairement, il est possible de
la connaître en constatant qu’elle a invité le Dr Anis Mohammad, premier doyen
de la Faculté des Fondements de la religion à l’Université islamique
internationale du Pakistan, où a enseigné le cheikh d’al-Azhar Ahmad at-Tayyeb,
et qui jouit de liens scientifiques étroits avec l’Université al-Azhar et
l’Université islamique de l’imam Mohammad ibn Sa’oûd à Riyad.
L’Association
organise diverses activités caritatives et, à la différence des autres
associations de ces régions, elle annonce clairement sur ses pages officielles
sur les réseaux sociaux la nature de ses activités et les bénéficiaires, et
publie des photos de ces dernières, comme elle l’a fait le 15 août 2018 à
l’occasion de la collecte de fonds pour les citoyens yéménites dans l’île de Jeju,
victimes des affres de la guerre du Yémen, en publiant 20 photos des événements
de la campagne.
Citons aussi le
Centre islamique coréen de la ville de Daejon, au centre de la Corée du Sud,
qui est la cinquième plus grande ville du pays. Ce centre se charge de diffuser
en direct des cours de religion en coréen, et il est visité par des étudiants
de divers pays islamiques auxquels il fournit des aides matérielles et divers
services.
Il faut encore
mentionner le Jeju Islamic Centre, situé dans la province de Jeju, fondé par
Kim Dae-Yong en 1994, qui vécut 12 ans au Qatar, où il étudia la loi islamique
à l’Université du Qatar. Il voyagea également dans 320 villes de 85 pays pour
connaître la culture islamique.
Il apparaît par
ailleurs sur la page officielle du Centre sur Facebook que Kim Dae-Yong
supervise tous les programmes du Centre, et la nature religieuse de toutes ses
activités est bien visible, qu’il s’agisse de l’accomplissement de la prière,
des cours de religion ou des repas de rupture du jeûne de Ramadan pris avec les
visiteurs du Centre.
En conclusion, la
Corée du Sud a sans doute pris conscience du danger des groupes de l’islam
radical adoptant des idées extrémistes, et c’est pourquoi elle a permis la
propagation des mosquées et des centres islamiques qui se réfèrent aux idées de
l’institution al-Azhar, phare de la modération dans le monde islamique. Cela a
été possible par le recours à des groupes en relation avec l’administration
d’al-Azhar, ou en permettant à des individus ayant étudié dans cette
institution d’assumer la responsabilité d’enseigner à des musulmans dans ce
pays.
De même,
l’autorisation accordée à une organisation d’origine soufie de s’installer
légalement en Corée du Sud indique la compréhension par l’Etat coréen de
l’importance de la pensée soufie modérée pour affronter les idées extrémistes
des groupes radicaux. En effet, cette pensée est essentiellement spirituelle et
caractérisée par son acceptation de l’autre et son refus de la condamnation de
tous ceux qui pensent différemment, comme c’est le cas des groupes de l’islam
politique.
[i] Ben Jackson, How Influential is
Islam In south Korea? Available at https://bit.ly/2QRZ4kw.
[ii] Ben Jackson, Op. Cit.
[iii] Miranda Mazariegos, South Korea
courts Muslims to fill tourism gap, Available at https://bit.ly/2F4ss1A.
[iv] Kim Young Deok and Yoon Sojung,
Korean Imam talks about Islam in Korea, Available https://bit.ly/2ENa5gN.