Enraciner le terrorisme ... l'autre face du Qatar en Somalie
Aya Abdel Aziz
Le Qatar mène une
politique étrangère expansionniste dans son environnement régional et
international. Un certain nombre d’outils lui permettent de jouer un rôle
intrusif important dans un large éventail de problèmes régionaux. Doha s’est
tournée vers le continent africain avec une vision opportuniste. Elle a réussi
à investir, par la porte de la Somalie, les profondeurs du continent noir,
surtout la région de la Corne de l’Afrique, en menant des médiations destinées
à résoudre les conflits entre les pays de la région, et en se présentant comme
un pays qui soutient et qui aide les institutions. Mais il s’agit en réalité
d’un paravant pour parrainer un certain nombre de groupes terroristes qui
deviennent alors des outils dans les mains du Qatar pour mettre en œuvre ses
plans d’expansion dans les pays du continent.
Les mécanismes de
l'action qatarie
Pour progresser
vers le continent noir, Doha a utilisé un certain nombre de mécanismes en
accord avec sa stratégie visant à donner aux islamistes et aux extrémistes au
pouvoir les moyens de réaliser ses objectifs cachés:
1 – Sur le plan
militaire. Doha a tenté de s’infiltrer au sein des institutions sécuritaires
somaliennes, en utilisant les mécanismes de l’aide pour atteindre son objectif
non déclaré, à savoir transformer la Somalie en une zone d’influence exclusive
contrôlée par des institutions somaliennes soumises à la souveraineté qatarie
et non pas à la souveraineté somalienne. Ainsi, la Somalie serait pour Doha le
point de départ pour encercler géographiquement les pays voisins. Le Qatar a
fourni de nombreuses aides à l'armée et aux forces de police en Somalie comme
ces 30 véhicules 4x4 destinés à soutenir la police somalienne.
Sur le plan
politique, Doha s'est concentré sur le règlement des conflits frontaliers,
jouant le rôle de médiateur entre Djibouti et la Somalie. Le gouvernement somalien
a également fait appel au Qatar pour parrainer la réconciliation interne à
Mogadiscio, ce qui a donné l’occasion aux groupes terroristes et extrémistes
affiliés à Doha de se renforcer en utilisant les bras culturels, sociaux et
économiques de l’émirat, et a permis à ce dernier de gagner l’appui de la
Somalie. D’ailleurs le Qatar a utilisé progressivement l'espace aérien somalien
pour contourner l’embargo qui lui a été imposé durant la crise avec les autres
pays du Golfe.
3. Sur le plan
diplomatique. Les relations entre le Qatar et la Somalie se sont développées
sous le prince Tamim bin Hamad Al-Thani, ce qui s'est manifesté par des visites
mutuelles. Ainsi on notera la visite de l'ancien ministre des Affaires
étrangères qatari, Khalid bin Mohammed Al-Attiyah à Mogadiscio en mai 2015. Il
y a eu également plusieurs réunions en marge de conférences internationales,
notamment celle, en décembre 2017, de l'émir du Qatar, Tamim bin Hamad
Al-Thani, avec le président somalien Mohamed Abdullah Faramago à Istanbul en
marge de la Conférence islamique sur Jérusalem. La réunion a porté sur la crise
du Golfe, et confirme le soutien du Qatar à la Somalie face aux Emirats Arabes
Unies, qui cherchaient à soutenir la population et à contrer le terrorisme en
Somalie, ce qui perturbait Doha et l’empêchait d’utiliser la Somalie comme une
carte de pression face aux pays du boycot.
4. Sur le plan
économique. Les entreprises et les investissements ont permis à Doha de
s’implanter en Somalie et dans un grand nombre de pays africains. Le Qatar a
soutenu les projets agricoles et miniers et est devenu le plus grand financier
des conférences des donateurs organisées en Somalie. Le dernier trimestre de
2017 a également été marqué par la visite de plusieurs délégations techniques
qataries pour étudier la possibilité de mettre en œuvre des projets routiers,
la première phase consistant à remettre en état les routes Mogadiscio-Afgoye et
Mogadiscio-Balad-Jouhar. Tout ceci pour consolider l’influence qatarie à long
terme en Somalie.
Cette infiltration
de Doha se reflète dans l'annonce par son ministre des Transports de la
construction du port de Hubeo dans la région de Medgh au centre de la Somalie.
Le président somalien Abdullah Faramago a posé la première pierre de ce projet
en janvier 2018.
5 – Sur le plan
médiatique : Doha a utilisé son potentiel médiatique notamment la chaine Al
Jazeera pour frapper aux portes des peuples africains. Le gouvernement qatari a
lancé une chaine en swahili destinée à près de 100 millions de personnes dans
les régions de l'Afrique du Sud et de l'Est. Objectif : présenter Doha
comme un État pacifique qui veut aider les peuples africains, ceci pour cacher
leur véritable visage expansionniste du Qatar sur le continent.
6. Sur le plan
humanitaire, Doha a fait appel à des organisations de bienfaisance qu’elle
utilise comme couverture pour se rapprocher de la Somalie. C’est le cas de
Qatar Charity et du Croissant-Rouge du Qatar. Ces deux organisations ont été
identifiées comme suspectes et liés à des groupes terroristes par certains
documents de WikiLeaks. De plus, Doha a incité la Somalie à abandonner sa
neutralité face à la récente crise dans le Golfe et à se rallier à elle en
échange de la mise en œuvre de plusieurs projets en Somalie, et le soutien
déclaré du Qatar à la réconciliation nationale somalienne.
Le revers
Les mouvements
qataris portent en eux les germes de l’effondrement de l’Etat, puisque Doha
mène une politique fondamentalement hostile à la souveraineté de l’État
national somalien, qui s’est manifestée par un soutien des groupes armés
dans la mise en œuvre de leurs plans. Des preuves claires montrent
l'implication du Qatar dans le soutien des mouvements terroristes somaliens, ce
qui a amené certains pays arabes à boycotter Doha (Egypte, Arabie saoudite, Emirats
arabes unis et Bahreïn) en raison de son soutien au terrorisme et de l'adoption
de politiques hostiles portant atteinte à la sécurité nationale arabe.
Certains rapports
internationaux comme celui publié par la Fondation de soutien à la démocratie, et
intitulé « Qatar et le financement du terrorisme », soulignent le
soutien de Doha à un certain nombre de groupes terroristes comme celui des
Mujahideen Shebab. Celui-ci a reçu le soutien financier d’hommes d'affaires
qataris comme Abdel Rahman Al-Nuaimi, qui a versé à ce mouvement environ 250
000 dollars. Al-Nuaïmi entretient d’étroites relations avec le chef du groupe
Hassan Aweys, arrêté par les autorités somaliennes.
Certains documents
divulgués sur Wikileaks prouvent également l’implication du Qatar dans l'aide
apportée aux Shebabs somaliens. En effet, Washington a demandé à la Turquie de
faire pression sur Doha pour qu'elle cesse ses approvisionnements financiers à
cette organisation en 2009.
Ceci outre sa
volonté de contrôler les services de sécurité somaliens en nommant certains de
ses subordonnés à des postes de direction au sein de ces institutions, surtout
au sein de l'armée et de la police, afin de les utiliser pour défendre les
intérêts du régime qatari dans la Corne de l'Afrique.
En conclusion, la
politique étrangère du Qatar à l'égard de la Somalie se poursuit depuis les
années 90. Doha a pu s’assurer la loyauté du gouvernement somalien pendant la
crise du Golfe et a été en mesure de contrôler les services de sécurité pour
atteindre ses objectifs dans la région.