Publié par CEMO Centre - Paris
ad a b
ad ad ad

Enraciner le terrorisme ... l'autre face du Qatar en Somalie

lundi 17/décembre/2018 - 08:25
La Reference
طباعة

Aya Abdel Aziz

Le Qatar mène une politique étrangère expansionniste dans son environnement régional et international. Un certain nombre d’outils lui permettent de jouer un rôle intrusif important dans un large éventail de problèmes régionaux. Doha s’est tournée vers le continent africain avec une vision opportuniste. Elle a réussi à investir, par la porte de la Somalie, les profondeurs du continent noir, surtout la région de la Corne de l’Afrique, en menant des médiations destinées à résoudre les conflits entre les pays de la région, et en se présentant comme un pays qui soutient et qui aide les institutions. Mais il s’agit en réalité d’un paravant pour parrainer un certain nombre de groupes terroristes qui deviennent alors des outils dans les mains du Qatar pour mettre en œuvre ses plans d’expansion dans les pays du continent.

Les mécanismes de l'action qatarie

Pour progresser vers le continent noir, Doha a utilisé un certain nombre de mécanismes en accord avec sa stratégie visant à donner aux islamistes et aux extrémistes au pouvoir les moyens de réaliser ses objectifs cachés:

1 – Sur le plan militaire. Doha a tenté de s’infiltrer au sein des institutions sécuritaires somaliennes, en utilisant les mécanismes de l’aide pour atteindre son objectif non déclaré, à savoir transformer la Somalie en une zone d’influence exclusive contrôlée par des institutions somaliennes soumises à la souveraineté qatarie et non pas à la souveraineté somalienne. Ainsi, la Somalie serait pour Doha le point de départ pour encercler géographiquement les pays voisins. Le Qatar a fourni de nombreuses aides à l'armée et aux forces de police en Somalie comme ces 30 véhicules 4x4 destinés à soutenir la police somalienne.

Sur le plan politique, Doha s'est concentré sur le règlement des conflits frontaliers, jouant le rôle de médiateur entre Djibouti et la Somalie. Le gouvernement somalien a également fait appel au Qatar pour parrainer la réconciliation interne à Mogadiscio, ce qui a donné l’occasion aux groupes terroristes et extrémistes affiliés à Doha de se renforcer en utilisant les bras culturels, sociaux et économiques de l’émirat, et a permis à ce dernier de gagner l’appui de la Somalie. D’ailleurs le Qatar a utilisé progressivement l'espace aérien somalien pour contourner l’embargo qui lui a été imposé durant la crise avec les autres pays du Golfe.

3. Sur le plan diplomatique. Les relations entre le Qatar et la Somalie se sont développées sous le prince Tamim bin Hamad Al-Thani, ce qui s'est manifesté par des visites mutuelles. Ainsi on notera la visite de l'ancien ministre des Affaires étrangères qatari, Khalid bin Mohammed Al-Attiyah à Mogadiscio en mai 2015. Il y a eu également plusieurs réunions en marge de conférences internationales, notamment celle, en décembre 2017, de l'émir du Qatar, Tamim bin Hamad Al-Thani, avec le président somalien Mohamed Abdullah Faramago à Istanbul en marge de la Conférence islamique sur Jérusalem. La réunion a porté sur la crise du Golfe, et confirme le soutien du Qatar à la Somalie face aux Emirats Arabes Unies, qui cherchaient à soutenir la population et à contrer le terrorisme en Somalie, ce qui perturbait Doha et l’empêchait d’utiliser la Somalie comme une carte de pression face aux pays du boycot.

4. Sur le plan économique. Les entreprises et les investissements ont permis à Doha de s’implanter en Somalie et dans un grand nombre de pays africains. Le Qatar a soutenu les projets agricoles et miniers et est devenu le plus grand financier des conférences des donateurs organisées en Somalie. Le dernier trimestre de 2017 a également été marqué par la visite de plusieurs délégations techniques qataries pour étudier la possibilité de mettre en œuvre des projets routiers, la première phase consistant à remettre en état les routes Mogadiscio-Afgoye et Mogadiscio-Balad-Jouhar. Tout ceci pour consolider l’influence qatarie à long terme en Somalie.

Cette infiltration de Doha se reflète dans l'annonce par son ministre des Transports de la construction du port de Hubeo dans la région de Medgh au centre de la Somalie. Le président somalien Abdullah Faramago a posé la première pierre de ce projet en janvier 2018.

5 – Sur le plan médiatique : Doha a utilisé son potentiel médiatique notamment la chaine Al Jazeera pour frapper aux portes des peuples africains. Le gouvernement qatari a lancé une chaine en swahili destinée à près de 100 millions de personnes dans les régions de l'Afrique du Sud et de l'Est. Objectif : présenter Doha comme un État pacifique qui veut aider les peuples africains, ceci pour cacher leur véritable visage expansionniste du Qatar sur le continent.

6. Sur le plan humanitaire, Doha a fait appel à des organisations de bienfaisance qu’elle utilise comme couverture pour se rapprocher de la Somalie. C’est le cas de Qatar Charity et du Croissant-Rouge du Qatar. Ces deux organisations ont été identifiées comme suspectes et liés à des groupes terroristes par certains documents de WikiLeaks. De plus, Doha a incité la Somalie à abandonner sa neutralité face à la récente crise dans le Golfe et à se rallier à elle en échange de la mise en œuvre de plusieurs projets en Somalie, et le soutien déclaré du Qatar à la réconciliation nationale somalienne.

Le revers

Les mouvements qataris portent en eux les germes de l’effondrement de l’Etat, puisque Doha mène une politique fondamentalement hostile à la souveraineté de l’État national somalien, qui s’est manifestée par un  soutien des groupes armés dans la mise en œuvre de leurs plans. Des preuves claires montrent l'implication du Qatar dans le soutien des mouvements terroristes somaliens, ce qui a amené certains pays arabes à boycotter Doha (Egypte, Arabie saoudite, Emirats arabes unis et Bahreïn) en raison de son soutien au terrorisme et de l'adoption de politiques hostiles portant atteinte à la sécurité nationale arabe.

Certains rapports internationaux comme celui publié par la Fondation de soutien à la démocratie, et intitulé « Qatar et le financement du terrorisme », soulignent le soutien de Doha à un certain nombre de groupes terroristes comme celui des Mujahideen Shebab. Celui-ci a reçu le soutien financier d’hommes d'affaires qataris comme Abdel Rahman Al-Nuaimi, qui a versé à ce mouvement environ 250 000 dollars. Al-Nuaïmi entretient d’étroites relations avec le chef du groupe Hassan Aweys, arrêté par les autorités somaliennes.

Certains documents divulgués sur Wikileaks prouvent également l’implication du Qatar dans l'aide apportée aux Shebabs somaliens. En effet, Washington a demandé à la Turquie de faire pression sur Doha pour qu'elle cesse ses approvisionnements financiers à cette organisation en 2009.

Ceci outre sa volonté de contrôler les services de sécurité somaliens en nommant certains de ses subordonnés à des postes de direction au sein de ces institutions, surtout au sein de l'armée et de la police, afin de les utiliser pour défendre les intérêts du régime qatari dans la Corne de l'Afrique.

En conclusion, la politique étrangère du Qatar à l'égard de la Somalie se poursuit depuis les années 90. Doha a pu s’assurer la loyauté du gouvernement somalien pendant la crise du Golfe et a été en mesure de contrôler les services de sécurité pour atteindre ses objectifs dans la région.

 

"