Publié par CEMO Centre - Paris
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Les principaux efforts régionaux de lutte contre le terrorisme au niveau idéologique

jeudi 13/décembre/2018 - 12:18
La Reference
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Le phénomène du terrorisme a connu une recrudescence suite à ce qu’on a appelé le « Printemps arabe », les groupes extrémistes profitant du chaos sécuritaire dans certains pays, pour se lancer dans le recrutement des jeunes en exploitant le niveau de chômage élevé parmi eux et la baisse du niveau de vie liée à l’effondrement de l’économie. On peut dire que l’activité des organisations extrémistes a progressé au début du Printemps arabe dans nombre de pays, et en particulier en Libye et en Syrie, avant que la Révolution du 30 juin ne vienne leur porter un coup, après avoir renversé le régime des Frères, ce qui s’est répercuté sur ces organisations qui s’appuyaient sur ce dernier pour obtenir un soutien militaire dans les zones de conflit au Moyen-Orient.

Certaines armées régulières de la région ont mené des campagnes militaires systématiques pour éradiquer l’extrémisme : c’est ainsi que l’armée nationale libyenne sous le commandement du maréchal Khalifa Haftar a lancé l’opération Karama en 2014 pour combattre les organisations islamistes dans le pays, et l’armée yéménite s’est appuyée sur la coalition arabe en 2015 pour libérer le pays de l’organisation terroriste des Houthis, inféodée à l’Iran. De son côté, l’Egypte a lancé une opération de grande envergure au Sinaï en 2018 pour éradiquer l’extrémisme. Cependant, l’outil militaire ne suffit pas pour une telle mission, et il faut également recourir à l’outil idéologique.

En d’autres termes, si la force militaire est capable de défaire les éléments extrémistes sur le terrain, les arguments idéologiques complètent ce travail en faisant échec à l’extrémisme dans le domaine virtuel, en entravant les efforts de recrutement de nouveaux éléments, ce qui facilite la mission des militaires.

Cette confrontation idéologique avec le terrorisme s’est concrétisée par la création d’institutions nationales et internationales. C’est ainsi que Dar al-Ifta al-Masriya (institution égyptienne d’émission des fatwas) a fondé deux observatoires : l’Observatoire des Fatwas takfiristes et des idées extrémistes, et l’Observatoire de l’islamophobie. Par le biais du premier Observatoire, Dar al-Ifta a fourni toutes les formes de soutien : pratique, religieux et idéologique aux institutions de l’Etat pour lutter contre la pensée extrémiste de façon à entraver les mouvements des organisations extrémistes.

Le travail de l’Observatoire comprend deux volets : le premier vise à analyser la pensée extrémiste et ses références historiques – livres ou penseurs – et la façon dont les textes sont manipulés ou interprétés par les organisations extrémistes de façon à server leurs intérêts ; et le second vise à réagir à cette pensée en lui apportant des réponses religieuses sous la forme de fatwas – permettant de la rectifier ou de présenter le point de vue correct opposé à celui de ces organisations – ou en faisant des recommandations aux institutions de l’Etat pour faire échec à la pensée extrémiste[i].

Quant à l’Observatoire de l’islamophobie, il se charge de suivre les manifestations d’hostilité à l’islam au niveau idéologique et les actes de racisme vis-à-vis des musulmans au niveau pratique. Par le biais de cet Observatoire, Dar al-Ifta cherche à couper l’herbe sous les pieds des organisations islamistes qui exploitent cette islamophobie pour recruter davantage de jeunes qui souffrent du racisme en Occident.

En d’autres termes, Dar al-Ifta a compris que les actes d’islamophobie et les préjudices dont sont victimes les musulmans en Occident sont un facteur essentiel qui pousse les jeunes musulmans à rejoindre les organisations extrémistes, et Daech a exploité ce phénomène en l’amplifiant, ce qui lui a permis de recruter quelque cinq mille Européens. Ce qui signifie que faire face à l’islamophobie permettra d’assécher les ressources humaines des organisations extrémistes.

Au niveau régional, l’Arabie saoudite a compris que son rôle religieux exigeait d’elle qu’elle prenne position contre l’extrémisme et le terrorisme, et elle a fondé en 2015 le Centre I’tidal (Centre internationale de lutte contre la pensée extrémiste), pour faire face à la pensée extrémiste et corriger l’idéologie des extrémistes avant de les réintégrer dans la société. Le Centre se définit sur son site électronique comme la référence numéro un dans le monde en matière de lutte contre la pensée extrémiste et de soutien à la culture de la modération. Il vise à réaliser cela en suivant et analysant cette pensée de façon à mettre en garde contre ses dangers. Et cela en collaboration avec des organisations internationales ou des Etats soucieux de lutter contre cette pensée.[ii]

A Abou Dhabi, a été fondé en 2014 le Conseil des sages musulmans, qui se définit sur son site officiel comme une instance internationale indépendante visant à renforcer la paix dans les sociétés musulmanes. Il se fixe comme objectifs de réaliser l’unité de la nation musulmane et de mettre fin aux conflits qui rongent son corps.[iii]

Al-Azhar ne s’est pas tenu à l’écart de la lutte contre la pensée extrémiste, et après avoir compris que le chômage et les conditions de vie difficiles étaient à l’origine de l’affiliation de certains jeunes aux organisations extrémistes, il a créé une unité de lutte contre le terrorisme connue sous le nom de « Front des cafés », qui envoie des oulémas dans les cafés et les lieux fréquentés par les chômeurs pour les sensibiliser aux dangers du terrorisme et de la pensée extrémiste en général.[iv]

Dans ce même cadre, il a été interdit aux non-Azharis de faire des sermons dans les mosquées sans autorisation, et la délivrance de fatwas sur les chaînes satellites a été limitée à un nombre déterminé d’oulémas d’al-Azhar, dans le but de faire échec à certaines organisations qui exploitent les plateformes médiatiques pour diffuser leur pensée extrémiste. Et al-Azhar a également créé une chaîne satellite qui lui est propre (« Al-Azhar ») sous la tutelle directe de la Direction d’al-Azhar dans le but de faire face aux programmes des chaînes religieuses privées.

En conclusion, nous pouvons dire que le fait d’associer à l’action militaire l’outil de la confrontation idéologique ne pourra que rendre plus efficaces les politiques antiterroristes.

 

 

 



[iii] Site officiel du Conseil des sages musulmans : https://muslim-elders.com/ar/pages/about-us

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