Gilets jaunes à Paris : une «étrange atmosphère de ville morte»
Magasins fermés,
activités annulées… La capitale vit un samedi très particulier.
Comme beaucoup de
Parisiens ce samedi, Charles, habitant du IVe arrondissement, ne reconnaît pas
sa ville : « Étrange, cette atmosphère de ville morte. Heureusement, ma
boulangerie habituelle sur le boulevard Beaumarchais est à peu près le seul
commerce ouvert dans tout le périmètre. »
Un périmètre
sillonné par de nombreux Gilets jaunes en route vers la place de la République. « Je ne
suis pas particulièrement le mouvement. Je vais juste rentrer chez moi et
attendre que la journée se passe, relativise Charles. La seule chose qui
m’embête, c’est que je devais aller à la bibliothèque universitaire pour
travailler mes partiels de la semaine prochaine. Et les bibliothèques, comme
tout le reste à Paris aujourd’hui, sont fermées… »
Un peu plus loin,
nous avons trouvé un magasin ouvert, le Franprix rue du Chemin-Vert dans le XIe
arrondissement. « On va essayer d’ouvrir toute la journée », note Abesse, le
gérant, tout en surveillant les Gilets jaunes qui marchent dans le calme sur le
boulevard voisin. « On est un peu inquiets mais on essaye de ne pas le montrer
pour les clients. » Une vieille dame s’emporte : « Il faut faire des kilomètres
pour trouver un commerce ouvert. Ça commence à bien faire ! » lâche-t-elle,
exaspérée.
« Disons que c’est
comme un jour férié », enchaîne Martin, habitant du 11e, qui se promène sur le
boulevard Lenoir avec sa femme et ses deux enfants en bas âge, malgré les
manifestations. « Nous ne ferons pas d’activités sportives avec les enfants
aujourd’hui. Tous les équipements sont fermés. Et on fera les courses de Noël
plus tard, ce n’est pas bien grave. Le plus gênant, c’est pour les commerçants
», conclut le père de famille tandis que des Gilets jaunes défilent à proximité
en scandant « Parisiens avec nous ».
A Nation, la place
est calme ce samedi matin. Les habitants du quartier se désolent de ne pouvoir
faire leurs courses. Devant le supermarché Casino, barricadé en dépit d’une
affichette qui annonçait une ouverture en milieu de matinée, une vieille dame
est dépitée. Béret en laine colorée sur la tête, cabas à roulettes dans une
main, elle interroge : « C’est fermé à cause des manifs ? Mais on ne peut pas
sortir aujourd’hui, alors ? Si c’est ça, je rentre chez moi. » D’autres
enseignes ont baissé le rideau, et certains ont même protégé leurs vitrines de
grands panneaux de bois.
A l’autre bout de
Paris, près des Champs-Elysées, un restaurateur installé au bas de l’avenue de
la Grande Armée a fait le choix de rester ouvert « sauf incident ». « Dans ce
cas, nous descendrons le rideau de fer, comme la semaine dernière »,
explique-t-il, sous couvert d’anonymat.
Ici, le samedi, il
réalise environ 350 couverts ; « aujourd’hui, si on travaille bien, on n’en
fera au mieux 200 ». Le restaurateur reste pragmatique. « Nous avons rentré
toutes les tables de la terrasse, nous n’avons pas mobilisé tout le personnel.
C’est vrai : ça va faire un manque-à-gagner important pour nous. »
Martine, 70 ans, habite non loin de là,
à quelques pas de l’Arc de Triomphe. Ce samedi, cette femme au regard doux et
avenant derrière ses lunettes bordeaux est sortie de chez elle pour faire ses
courses. « C’est plus calme que la semaine dernière », explique-t-elle. Mais
cet après-midi, elle va rester chez elle. « La semaine dernière, j’étais à
Madeleine quand ça a dégénéré, c’était impressionnant même si je ne me suis pas
sentie menacée. Et de toute façon, les stations de métro autour sont toutes
fermées. »