« Gilets jaunes » : ce que l’on sait sur la journée de mobilisation de samedi à Paris
A la veille d’une nouvelle journée
de mobilisation des « gilets jaunes », samedi 8 décembre, les
pouvoirs publics ont multiplié les mesures exceptionnelles afin de faire face
aux risques de violences. A Paris, une multitude de sites ont été fermés, des
rassemblements susceptibles selon les autorités de comporter une proportion
importante d’éléments radicaux étant attendus dans plusieurs points de la
capitale.
Les mesures
prises par les autorités sont qualifiées d’exceptionnelles. Samedi,
89 000 personnels des forces de l’ordre vont être déployés dans toute
la France, dont 8 000 à Paris, ainsi que douze blindés de la
gendarmerie.
Des arrêtés préfectoraux ont été
pris dans plusieurs départements visant à éviter la fabrication d’engins
incendiaires artisanaux. Ils portent sur l’interdiction de la vente et le
transport de carburant, d’engins pyrotechniques et de produits inflammables ou
chimiques.
Le ministère de l’intérieur
anticipe un niveau de violence « au moins égal » au 1er décembre, particulièrement à
Paris. Les autorités, qui disent redouter, en plus des dégradations matérielles
et des violences, que des personnes trouvent la mort, multiplient les appels
au calme. Les services de renseignement ont détecté la mobilisation accrue
de groupes d’extrême gauche et d’extrême droite. Les réseaux sociaux abondent
par ailleurs d’appels à la violence physique. Les menaces de
mort à l’encontre de responsables politiques de la majorité se sont
multipliées.
Si les manifestations du
24 novembre et du 1er décembre se sont concentrées autour de la place de
l’Etoile et dans l’Ouest parisien, plusieurs autres lieux de rassemblement
potentiels ont été fixés dans la capitale pour samedi.
Les abords de la place Vendôme, de
la place de l’Opéra et de la place de la Madeleine, de l’église Saint-Augustin
et du Trocadéro sont à nouveau concernés alors qu’une vingtaine de rues et
d’avenues ont été interdites à tout rassemblement dans les 7e et 8e arrondissements. La gare
Saint-Lazare a été choisie comme lieu de
rassemblement par des groupes marqués à gauche, qui entendent
se diriger ensuite vers les Champs-Elysées.
La présence de manifestants est
aussi redoutée à proximité des sièges des principales institutions du pays. Le
président (Les Républicains) du Sénat, Gérard Larcher, a demandé à ce que
les sénateurs ne siègent pas samedi. Les rassemblements ont été interdits
aux abords de l’hôtel de Matignon ainsi qu’autour de l’Assemblée nationale
et de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, où se trouve l’Elysée.
De nouveaux lieux de rassemblement
ont été désignés pour la première fois dans l’est et le sud de la capitale. Les
commerçants barricadent leurs boutiques autour de la place Denfert-Rochereau et
de la place de la Bastille. Des attroupements sont attendus autour de la gare
Montparnasse et place d’Italie sur la rive gauche.
Dénonçant la « stratégie du
chaos » du gouvernement, un des représentants des « gilets
jaunes libres », Benjamin Cauchy, a appelé à ne pas aller manifester à
Paris, estimant que ce rendez-vous était « un traquenard ».
Eric Drouet, visé par une enquête après avoir appelé à entrer dans
l’Elysée, a également appelé à laisser « Paris aux casseurs »
et à aller manifester « sur le périphérique » parisien à la
place.
La majorité des principaux lieux
culturels parisiens, dont de nombreux musées publics et privés, ainsi que tous
les sites patrimoniaux administrés par la ville de Paris seront fermés. Les
principaux monuments historiques seront également fermés aux visiteurs et les
grandes scènes parisiennes ont annulé leurs représentations.
Dans le secteur des Champs-Elysées
et du palais présidentiel, les commerçants ont été mis en demeure par la
préfecture de police de Paris de « fermer les portes et accès »
le jour de la manifestation. Des grands magasins seront également fermés ainsi
que certains marchés.
La circulation des véhicules sera
restreinte et plusieurs stations de métro ne seront pas accessibles. Au total,
trente-six stations de métro et de RER du centre de Paris seront par ailleurs
fermées à partir de 5 h 30 du matin samedi par la RATP à la demande
de la préfecture de police de Paris, tandis que 2 000 éléments de mobilier
urbain ont été démontés.
Ailleurs en France, le maire de
Bordeaux, Alain Juppé, a annoncé une série de fermetures de sites culturels et
commerciaux. La Fête des lumières à Lyon est en revanche maintenue.
Les hôpitaux parisiens ont mis en
place pour la journée de samedi un « dispositif de vigilance
renforcé », a annoncé, vendredi, l’Assistance publique-Hôpitaux de
Paris (AP-HP).
L’organisme, qui compte trente-neuf
hôpitaux, entend anticiper d’« éventuels débordements de
manifestations » lors de la mobilisation des « gilets
jaunes ». Elle a prévu des « renforts médicaux et non
médicaux » dans « les principaux sites d’urgences »,
et des « capacités hospitalières supplémentaires » en cas de
« surcroît d’activité lié à la situation ».
L’AP-HP a précisé que « les
équipes chargées de la régulation médicale du SAMU de Paris AP-HP ont été
renforcées et pourront être déployées sur les points de regroupement des
victimes qu’il serait nécessaire de constituer ». Près de 162 blessés
ont été pris en charge par les hôpitaux parisiens en fin de semaine dernière.
L’exécutif et désormais une partie
de l’opposition multiplient les appels au calme. Vendredi, le Conseil supérieur
de l’audiovisuel (CSA) et le ministre de la culture, Franck Riester, en ont
appelé à la « responsabilité ».
S’adressant au public, le CSA a
demandé également « à chacun » d’être « attentif au
respect du travail des journalistes et des équipes de reportage ». Il
recommande aussi « de ne pas diffuser d’informations susceptibles de
mettre en danger les forces de sécurité et la paix civile », et « met
en garde contre toute diffusion complaisante, déséquilibrée ou insuffisamment
vérifiée d’images et de commentaires qui attiseraient les antagonismes et les
oppositions ».
M. Riester a rappelé pour sa
part « à l’ensemble des médias et des plates-formes de diffusion
d’informations » leur « responsabilité particulière, à l’heure
où les fausses informations sont légion et peuvent contribuer à accroître les
tensions ». « L’ensemble de la profession a un devoir de
vigilance et doit faire prévaloir la vérification des faits »,
écrit-il dans un communiqué.
Dans la soirée
de vendredi, le chef du gouvernement Edouard Philippe a reçu six « gilets
jaunes », qu’une partie du mouvement considère comme illégitimes. Ces
derniers ont renouvelé leur appel au président de la République, Emmanuel
Macron, à prendre en compte leurs revendications. Ce dernier doit s’exprimer en
début de la semaine prochaine.