La note de la DGSI qui souligne la radicalisation des Gilets jaunes
C'est une
« note blanche » comme il en circule beaucoup en ce moment au sommet de l'État.
Une note des services de renseignements intérieurs qui récapitule sur six pages
l'état d'esprit des Gilets jaunes en synthétisant ce qu'ils publient sur les
réseaux sociaux. Autant dire la part visible de l'iceberg, car « ils cryptent de plus en plus
souvent leurs échanges », relève une source, place Beauvau. Intitulé « Radicalisation du mouvement des
Gilets jaunes », ce document met en lumière une lente dérive du discours des
leaders du mouvement social. Analyse.
Normalisation
du recours à la violence
Depuis les
violents affrontements du 1er décembre à Paris, un verrou
semble avoir sauté chez les plus irréductibles des Gilets jaunes. Alors que les
commentaires pré-1er décembre se focalisaient sur les causes politiques de la
colère et le partage de conseils pour se protéger dans les manifestations, les
services relèvent « une normalisation du recours à la violence comme étant le moyen de
parvenir à leurs fins (ces fins prenant plusieurs formes, entre les
revendications fiscales, constitutionnelles et révolutionnaires). Alors qu'on
ne trouve quasiment aucun post dans les principaux groupes et pages Facebook
des Gilets jaunes condamnant les casseurs, les seuls qui essaient de poser le
problème des casseurs font face à des milliers de commentaires expliquant que
les casseurs sont des policiers en civil et, surtout, qu'un mouvement pacifiste
ne sera jamais entendu par le gouvernement ».
Le fait que
cette rumeur ait été relayée par Nicolas Dupont-Aignan (qui est d'ailleurs poursuivi en justice, pour cette raison, par le
ministre de l'Intérieur) et que les vidéos de violence à l'encontre
des forces de l'ordre suscitent des commentaires haineux d'une rare violence
préoccupe les responsables policiers. L'une d'entre elles a été « visionnée près
de 2 millions de fois » (celle où l'on voit des CRS courir en
caméra subjective sous l'Arc de Triomphe et être visés par de nombreux
projectiles). La banalisation de la violence, dans les paroles, mais aussi dans
les actes, laisse penser que les manifestations du 8 décembre seront
l'occasion de nouveaux déchaînements contre les forces de l'ordre, redoutent
les auteurs de cette note. Éric Drouet n'a-t-il pas exprimé publiquement
vouloir « entrer à l'Élysée » ? Et l'un des ex-porte-parole officiels des Gilets jaunes,
Julien Terrier, n'a-t-il pas publiquement invité ses followers à « une prise de la préfecture de
l'Isère » dans son groupe Mouvement national contre la hausse des taxes (Grenoble) ?
Sur les
réseaux sociaux prolifèrent également les discours putschistes. « Les mouvements d'ultradroite, dont
certains sont farouchement hostiles aux institutions républicaines, utilisent
la contestation des Gilets jaunes pour faire entendre leurs voix et tenter de
distiller un discours à tendance révolutionnaire », relève la note.
Si la
mouvance d'ultradroite était plutôt attentiste au début du mouvement, elle a
rapidement décidé de s'y associer. Certaines figures emblématiques appellent
clairement à « la révolution nationale » et à « donner le coup de grâce à la Ve
République ». Toujours prompts à critiquer la politique gouvernementale et le
« système », ces factions ont profité de l'élan de contestation, initié par
celle à l'encontre des taxes sur le carburant pour infiltrer le mouvement.
Ancien chef
de la ligue dissoute Œuvre française, Yvan Benedetti multiplie les provocations
sur le Net.
Le même
publiait également, le 28 novembre sur le même réseau social, un
message : « au-delà de la droite et de la gauche, une seule France avec le
peuple ; un seul mot d'ordre : À bas, les voleurs ; et un seul
but le triomphe de la révolution nationale ! En avant les Gilets jaunes ! »
Autre figure
bien connue de l'extrême droite, Alexandre Gabriac, ancien leader des Jeunesses
nationalistes (JN), qui a rejoint, depuis 2016, le mouvement catholique
traditionaliste Civitas au sein duquel il exerce les fonctions de secrétaire
national aux fédérations a publié, le 4 décembre, sur sa page
Facebook un communiqué insurrectionnel.
Faire tomber
le régime
Gabriac
relaye également un texte de David L'Épée intitulé « Gilets jaunes : le
gouvernement doit tomber avant Noël », dont certains passages sont de
limpides appels à l'insurrection : « Les jours que nous vivons sont des jours
fatidiques. Les choix qui seront faits par les uns et par les autres dans le
courant de cette semaine seront déterminants pour la survie ou la chute du
gouvernement, et peut-être même du régime. Dès lors, soyons tout de suite très
clairs : ce n'est pas sur la survie du gouvernement, ce n'est pas sur la
survie du régime que nous devons parier, mais sur sa chute (...). Nous sommes
entrés en révolution. Car il y a un moment où il faut mettre un nom sur ce qui
arrive : la contestation est devenue rébellion, la rébellion est devenue
révolte, et la révolte est en train de prendre le visage d'une révolution.
C'est une excellente chose, c'est même la meilleure chose qui pouvait arriver. »
Le fait que
plusieurs membres influents de cette nébuleuse publient le même message « Il faut donner le coup de grâce à
la Ve République » fait craindre aux autorités un véritable coup de force. D'autant
que les forces de l'ordre sont prises à partie de manière claire : « (ceux) qui n'auraient pas trouvé
utile de se mettre en arrêt maladie et qui choisiront en dépit du bon sens de
protéger les gouvernants ne pourront être considérés que comme des ennemis de
la France et de son peuple. À bon entendeur ».
Hervé Lalin,
plus connu sous le pseudonyme d'Hervé Ryssen, qui faisait récemment la une de Paris
Match est connu pour être une « figure nationaliste d'extrême droite
radicale, militant contre le mondialisme, contre l'immigration de masse, contre
l'uniformisation des cultures », ouvertement antisémite et raciste,
multiplie, lui aussi, les messages en faveur de la révolution nationale et les
menaces aux personnes. Listant les menaces de mort proférées à l'encontre de
nombreux élus et ministres, les services de police anticipent une journée de
samedi sous haute tension. D'où le déploiement d'un dispositif hors norme...
En direct des Champs-Elysées
https://drive.google.com/drive/folders/1SS4smGIxdKKyDlOrf-d3ryJjNQB5FJJS