Gilet jaune modéré, Gilet jaune écarté ?
Le mouvement
des Gilets jaunes est-il en train d'échapper aux plus modérés d'entre
eux ? Des figures de la contestation depuis les origines, qui appellent à
négocier avec le gouvernement pour trouver une sortie de crise, se retrouvent à
leur tour sous le feu de la colère des manifestants les plus déterminés, qui ne
veulent plus qu'ils les représentent.
Fin octobre,
Jacline Mouraud devenait l'une des premières figures des Gilets jaunes avec sa vidéo « coup de gueule » contre le
gouvernement, visionnée plus de six millions de fois sur Facebook.
Aujourd'hui, elle dit être menacée de mort, par d'autres Gilets jaunes.
« Ce mouvement est en train de tourner au pugilat », affirme-t-elle
sur LCI.
Benjamin
Cauchy, également devenu en novembre porte-parole malgré lui des Gilets jaunes
à Toulouse
avant d'être désavoué, a fondé les « Gilets jaunes libres », rejoint
par Jacline Mouraud. Une tribune signée dans Le Journal du dimanche
le 2 décembre, appelant à négocier la sortie de crise dans
le gouvernement, lui a également valu d'être la cible de menaces. « J'ai
peur aujourd'hui », confiait-il lundi à nos confrères de La Dépêche
.
En raison de
sa diversité, le mouvement a du mal à se structurer, et surtout à désigner des
porte-parole qui les représentent. La tentative de fin novembre de choisir huit représentants a été un échec. Les Gilets
jaunes semblent surtout avoir le plus grand mal à se mettre d'accord sur leurs
revendications, très diverses et élargies par rapport à ce qui a déclenché la
colère initiale : la hausse des taxes sur le carburant.
Avec la radicalisation du mouvement et les scènes de violence
qui ont eu lieu à Paris les 24 novembre et 1er décembre, certains Gilets jaunes en viennent à se demander
si tous souhaitent réellement une résolution du conflit. Le temps que le
gouvernement accepte de céder aux revendications initiales et annule la hausse
de taxe prévue, les demandes se sont considérablement élargies.
« Il y a
des gens qui ne veulent plus rien entendre, observe Jacline Mouraud dans Le Figaro .
On augmenterait leur smic, ils seraient encore en colère. » Aller rencontrer
le gouvernement pour dialoguer, c'est donc l'assurance de devenir la nouvelle
cible des menaces des Gilets jaunes les plus déterminés à poursuivre le
mouvement.
Alors qu'elle
appelait ce vendredi 7 décembre, aux côtés de Benjamin Cauchy, à ne
pas aller manifester à Paris et ne pas se laisser « entraîner par des
casseurs venus d'ailleurs », de nombreux Gilets jaunes l'accusaient sur
les réseaux sociaux de s'être fait « retourner le cerveau » [sic] par Emmanuel Macron,
notant qu'elle ne porte plus de gilet jaune lors de ses prises de parole
médiatiques.
Ambitions politiques ?
Parmi les
critiques que l'on retrouve le plus souvent sur les réseaux sociaux, ces
porte-parole contestés sont surtout accusés de se servir du mouvement pour
nourrir des ambitions politiques, et de s'inscrire dans le système que nombre
de Gilets jaunes dénoncent. Ils « pensent que je vais faire le démago, le
“collabo” et qu'on veut faire de la politique », expliquait à Ouest France
David Tan, chauffeur de taxi nantais reçu par Édouard Philippe, lui
aussi menacé.
Et c'est là
toute la difficulté de ce mouvement : devenir un porte-parole modéré et
ouvert au dialogue avec les élus attire la méfiance des Gilets jaunes. Mais
s'exposer en première ligne en prônant les méthodes les plus radicales n'est
pas plus simple. Éric Drouet, qui a appelé dans les médias à
« rentrer » dans l'Élysée samedi – avant de finalement retirer sur
RTL son appel à manifester sur les Champs-Élysées –, fait désormais l'objet d'une enquête pour « provocation à
la commission d'un crime ou d'un délit ».
En direct des Champs-Elysées
https://youtu.be/9iMZJAz_L9k