Ibrahim Ezzat… membre des Frères musulmans fondateur du groupe «Al-Tabligh wa Al-Daawa» (Message et prédication)
Abdel Hadi Rabi’
Une personnalité obscure, qui faisait l’objet de nombreuses interrogations et qui commença sa vie en rejoignant le groupe des Frères, avant de le quitter par la suite, tout en emportant avec lui l’essence de son idéologie, pour fonder la branche du groupe Al-Tabligh wa Al-Daawa en Egypte. Ses poèmes et paroles djihadistes étaient répétés par les Takfiristes des groupes armés en Syrie et en Irak… Ainsi était Ibrahim Ezzat.
Ibrahim Ezzat Mohammad Sulayman est né en 1939 dans la ville de Sohag en Haute-Egypte, et il est contraint de déménager avec son père – qui était professeur dans l’enseignement technique – dans la ville de Tanta – gouvernorat d’Al-Gharbiyya – où se trouve la mosquée de l’un des quatre « pôles » du soufisme, Al-Sayyed Ahmad Al-Badawi. C’est là que Ezzat suit l’enseignement primaire.
Puis il déménage à nouveau au Caire, et s’installe dans le quartier de Zeytoun, où il reste jusqu’à ce qu’il ait achevé ses études secondaires. Puis il s’inscrit à la Faculté de commerce de l’Université d'Aïn Chams, et il exerce durant cette période diverses activités religieuses dans les associations d’étudiants, comme ‘l’Association de la jeunesse musulmane’, à partir de laquelle il rejoint le groupe des Frères.
Puis il s’enrôle dans l’armée pour accomplir le service militaire obligatoire et après l’avoir achevé, il postule au poste de présentateur à la Radio égyptienne et sa candidature est retenue. Il présente ainsi diverses émissions religieuses et culturelles à la radio, dont les plus connues sont : «Buyût Allah (Les maisons de Dieu)» et «Dunyâ Al-Adab (L’univers de la moralité)».
Cette étape lui sert à acquérir de nombreuses connaissances religieuses et culturelles, puis il obtient ensuite un nouveau poste à l’Organisme central d’organisation et d’administration, dépendant du gouvernement égyptien, où il reste jusqu’à ce qu’il obtienne un Magistère en gestion des affaires de l’Université d’Al-Azhar.
Fondation de la branche « Al-Tabligh » en Egypte
Les liens de Ezzat avec le groupe des Frères se sont renforcés du fait de son travail à « l’Organisme Central des comptes » et son adoption des idées du groupe fut à l’origine de son emprisonnement à deux reprises durant le règne du président Gamal Abdel Nasser, jusqu’à ce qu’il sorte de prison au début du règne du président Anouar Sadate, dans une atmosphère de liberté religieuse et de tolérance vis-à-vis des courants islamistes extrémistes ou politiques d’opposition.
A peine libéré, Ezzat décide de fonder le groupe Al-Tabligh wa Al-Daawa en Egypte, dont le siège se trouvait dans la zone de Tamouh dépendant du chef-lieu d’Abou Al-Numrus, dans le gouvernorat de Guiza en Egypte. C’est ainsi qu’Al-Tabligh wa Al-Daawa fut influencé par la personnalité de son fondateur qui avait adopté la méthode des Frères quant à l’idéologie et à la diffusion dans les villages les plus pauvres et ignorants.
Il était donc naturel que le groupe d’Al-Tabligh wa Al-Daawa adopte une méthode déterminée ou que ses membres fassent circuler entre eux des livres particuliers, et Al-Tabligh wa Al-Daawa continua à attirer des centaines de gens au savoir limité ou sans la moindre formation en s’appuyant sur le seul savoir oral loin de toute lecture.
La structure organisationnelle du groupe Al-Tabligh diffère de celle des autres organisations islamiques en ce sens que ses membres - adeptes de Ezzat - n’ont pas de fonctions précises ni permanentes et qu’ils choisissent un émir chaque fois qu’ils sortent pour la prédication. De même, ils ne restent pas dans un endroit précis, mais se déplacent partout dans le pays, chacun emportant avec lui une petite natte, quelques vivres et un peu d’argent, et ils font des retraites dans les mosquées et ne demandent l’hospitalité à personne, puis ils sortent pour inviter les gens à écouter le sermon (ou le « communiqué » comme ils l’appellent).
Al-Tabligh wa Al-Daawa est classé parmi les groupes de prédication et d’orientation, et il adresse son message aux musulmans et aux non-musulmans d’une manière simplifiée et accessible, loin de toute divergence idéologique, jurisprudentielle ou politique, voire le refus de discuter de politique – qu’ils appellent « la maladie de la nation » - est une condition d’admission d’un nouveau membre.
L’étendue de l’impact des Frères sur ce groupe
Bien que Ezzat ait quitté le groupe des Frères et ait fondé son groupe personnel sur des bases différentes, il resta sous l’influence des Frères pendant de longues périodes de sa vie, comme cela s’est reflété clairement dans ses idées, ses poèmes et ses sermons, et il resta en relations étroites – malgré les divergences - avec le groupe des Frères et les islamistes en général, pour ne pas perdre leur soutien ni se heurter à eux.
Le terme « Djihad » (Guerre sainte) revient souvent dans les œuvres littéraires d’Ibrahim Ezzat, mais il l’emploie dans un sens différent de celui des djihadistes et des mouvements islamistes, en l’expliquant comme la sortie pour l’amour de Dieu, au service des musulmans, de quelque façon que ce soit, et pas nécessairement avec des armes. C’est ce qu’il s’est imposé à lui-même et qu’il a imposé à tout musulman ne serait-ce qu’une fois dans sa vie, « sinon l’homme meurt en état d’ignorance » selon sa conception.
Ezzat ne suivait pas de méthode religieuse particulière, mais il avait une éloquence particulière, et une façon de s’exprimer qui ensorcelaient la plupart de ses disciples, qui répétaient ses paroles les plus célèbres, comme les mots : « ô mes amis » par lesquels il commençait toujours ses discours. Et il continua à faire ses sermons et ses cours de religion à la mosquée Anas Ibn Malik à Guiza jusqu’à sa mort.
Cette éloquence claire s’est manifestée dans ses poèmes inspirés par les poèmes islamiques et épiques qui étaient répandus à son époque, comme ceux de Sayyed Qutb ou de Youssouf Al-Qaradawi. Les plus grands chanteurs de cantiques religieux ou djihadistes – comme les Syriens Abou Mazen ou Abou Ratib - ont récité ses poèmes, parmi lesquels «L’épopée de la prédication», «Dieu est grand», «La frayeur précède les pas» et d’autres répétés par les combattants en Syrie et en Irak.
Ibrahim Ezzat mourut à la Mecque, alors qu’il accomplissait le petit pèlerinage en 1983. Il avait près de quarante-quatre ans.