Pourquoi la bataille contre l'EI dans l'est de la Syrie s'éternise-t-elle?
Depuis plus de deux mois,
le groupe Etat islamique (EI) résiste farouchement à une offensive militaire
des Forces démocratiques syriennes (FDS) visant à l'expulser de son ultime
poche dans l'est de la Syrie.
Cette bataille, pour le
moins ardue, contraste avec celles menées auparavant contre d'autres bastions
de l'EI par ces forces, dominées par des combattants kurdes et soutenues par la
coalition antijihadistes dirigée par les États-Unis.
Pourquoi la victoire
contre ce dernier fief n'est-elle pas à portée de main? Quelles en sont les
raisons?
Qui se trouve dans
l'ultime réduit ?
Des centaines de
combattants de l'EI seraient retranchés dans cette poche, située dans la
province pétrolière de Deir Ezzor, près de la frontière irakienne. La coalition
estime à près de 2.000 leur nombre dans ce fief qui comprend notamment les
villes de Hajine, Soussa et Al-Chaafa.
Rompus au combat, ces
jihadistes compteraient dans leurs rangs un nombre non négligeable de
combattants non-Syriens, selon les FDS. Il y aurait également parmi eux des
dirigeants de "premier rang", principalement des Irakiens, selon la
même source.
"L'EI a constitué une
mini armée de plusieurs centaines de combattants, y compris certains de ses
meilleurs francs-tireurs", explique Nicolas Heras, chercheur au Center for
a New American Security.
Pourquoi ce
jusqu'au-boutisme ?
Après une montée en
puissance fulgurante en 2014 et la proclamation d'un "califat" sur de
vastes territoires en Syrie et en Irak, l'EI s'est retrouvé acculé dans
d'ultimes réduits désertiques, sous le coup d'offensives distinctes et
concomitantes.
Le 10 septembre, les FDS
et la coalition anti-EI ont lancé l'ultime phase de l'opération
"Roundup", amorcée en mai pour déloger les jihadistes des dernières
localités situées à l'est du fleuve Euphrate.
Selon l'analyste Tore
Hamming, spécialiste du jihadisme à l'European University Institute, les
combattants retranchés dans la dernière poche sont dévoués, expérimentés et
n'ont rien à perdre. "Ils savent qu'ils seront soit tués (...) soit
capturés", explique-t-il.
"Beaucoup d'entre eux
sont probablement des vétérans de l'EI avec plusieurs années d'expérience dans
le combat en zone désertique", ajoute-t-il.
Après plusieurs années de
présence dans cette région, les combattants de l'EI maitrisent "très
bien" le terrain et pourraient même bénéficier "d'un soutien
local", poursuit M. Hamming.
Quelles sont les obstacles
à une victoire ?
Les analystes estiment que
la bataille pour expulser l'EI de cette poche ne sera pas facile. Ces dernières
semaines, les jihadistes ont profité des mauvaises conditions climatiques pour
lancer des contre-attaques meurtrières.
L'EI a ainsi mené des
offensives en pleines tempêtes de sable, qui ont affaibli la visibilité et, par
conséquent, condamné le soutien aérien fourni par la coalition aux FDS,
renvoyant les combattants antijihadistes à la case départ.
Selon l'Observatoire
syrien des droits de l'Homme (OSDH), plus de 450 combattants FDS ont été tués
depuis septembre --contre plus de 730 jihadistes. Parmi eux, 92 ont péri entre
vendredi et lundi lors d'une contre-attaque de l'EI.
Selon le porte-parole des
FDS, Kino Gabriel, l'EI fait feu de tout bois pour infliger le plus de pertes
au camp adverse, utilisant "tous types d'armes, les voitures piégées et
les civils comme boucliers humains".
Les FDS utilisent elles
"toutes leurs capacités, y compris les forces spéciales et les armes
lourdes (...)", ajoute M. Gabriel.
En outre, elles
"comptent sur les combattants des tribus arabes locales (...)",
explique pour sa part Nicolas Heras, soulignant cependant que les tribus, même
si elles sont alliées aux FDS, "ne veulent pas subir de pertes
humaines"
Selon lui, "la
bataille contre l'EI à Deir Ezzor sera la plus périlleuse de toute la
campagne" anti-EI en Syrie. "L'EI a transformé la zone en un piège
mortel, et les combattants des FDS en sont bien conscients".
La coalition antijihadiste
reste cependant optimiste, soulignant notamment que l'EI a perdu la majeure
partie de ses ressources financières et beaucoup de son influence.
"Il n'y a pas assez
de (combattants) de l'EI (sur le terrain) pour réaliser des gains significatifs
et durables", estime en outre le commandant adjoint de la coalition,
Christopher Ghika.