Coran brûlé en Suède : des manifestants pénètrent brièvement dans l’ambassade suédoise à Bagdad, vives condamnations dans le monde musulman
vendredi 07/juillet/2023 - 11:18
Au lendemain de l’autodafé, de nombreux pays musulmans ont dénoncé jeudi une « incitation à la haine » et une « provocation ».
Quelques dizaines de manifestants irakiens sont parvenus, jeudi 29 juin, à pénétrer brièvement à l’intérieur de l’ambassade de Suède à Bagdad, en Irak, en signe de protestation après qu’un homme – un Irakien ayant fui son pays pour la Suède – a brûlé devant une mosquée de Stockholm des pages d’un exemplaire du Coran lors d’un rassemblement autorisé par les autorités suédoises, au premier jour la grande fête musulmane de l’Aïd-el-Kébir.
Les protestataires, des partisans du leader chiite irakien Moqtada Al-Sadr, sont restés environ un quart d’heure dans la représentation diplomatique suédoise et en sont ressortis dans le calme à l’arrivée des forces de l’ordre. Figure incontournable de la politique en Irak, l’influent leader religieux chiite avait appelé à manifester devant l’ambassade de Suède à Bagdad pour demander le « renvoi de l’ambassadeur » et à retirer la nationalité irakienne « au criminel » qui a brûlé le Coran à Stockholm.
Au lendemain de l’autodafé, de nombreux pays musulmans ont dénoncé jeudi une « incitation à la haine » et une « provocation ». Ce type d’incidents, qui a déjà eu lieu en Suède ou dans d’autres pays d’Europe, parfois à l’initiative de mouvements d’extrême droite, a entraîné dans le passé des manifestations et des tensions diplomatiques.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a fustigé la Suède, assombrissant encore les chances de voir ce pays nordique rejoindre l’OTAN. « Nous enseignerons aux Occidentaux arrogants qu’insulter les musulmans ne relève pas de la liberté d’expression », a déclaré M. Erdogan lors d’une intervention télévisée, ajoutant qu’il condamne cet incident « dans les termes les plus forts ». Auparavant, le ministre des affaires étrangères turc, Hakan Fidan, avait estimé que, « fermer les yeux sur des actes aussi atroces, c’est être complice ».
Le gouvernement irakien a condamné « des actes racistes incitant à la violence et à la haine » qui surviennent « de manière répétée » dans des pays « qui se targuent d’embrasser la diversité et le respect des croyances d’autrui », tandis que le ministère des affaires étrangères a dénoncé « la permission donnée par les autorités suédoises à un extrémiste de brûler un exemplaire du saint Coran ».
Un acte « inacceptable »
L’Arabie saoudite, qui abrite les deux villes saintes de La Mecque et Médine, a dénoncé des « actes haineux et répétés (…) incitant à la haine, à l’exclusion et au racisme, et contredisant les efforts visant à répandre les valeurs de tolérance ». A Kaboul, en Afghanistan, le gouvernement taliban a dénoncé un « mépris total » envers l’islam.
Le Koweït a appelé à ce que les auteurs de tels « actes hostiles » soient jugés et « empêchés d’utiliser le principe des libertés (…) pour justifier l’hostilité contre l’islam ». « Le gouvernement et le peuple de la République islamique d’Iran (…) ne tolèrent pas une telle insulte », a pour sa part déclaré à Téhéran le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Nasser Kanani, dénonçant un acte « inacceptable ».
Le Maroc a lui rappelé son ambassadeur en Suède, condamnant un acte « irresponsable » et « des provocations répétitives, commises sous le regard complaisant du gouvernement suédois ». L’Egypte, le plus peuplé des pays arabes, a fustigé un « geste honteux et une provocation pour les sentiments des musulmans » au moment même de l’Aïd-el-Kébir, la grande fête du sacrifice célébrée par les musulmans à travers le monde. En Syrie, le gouvernement a « condamné avec la plus grande fermeté l’acte honteux » commis « par un extrémiste avec la permission (…) du gouvernement suédois. »
« Propagation d’une culture de haine »
A Beyrouth, au Liban, le puissant mouvement Hezbollah a aussi accusé les autorités suédoises d’être « complices du crime », appelant Stockholm à mettre fin à de tels actes « plutôt que de se cacher derrière la liberté d’expression ». Il a appelé les pays musulmans et arabes à prendre « toutes les mesures nécessaires » pour contraindre la Suède et d’autres pays à empêcher la répétition de tels incidents et à arrêter « la propagation d’une culture de haine ».
Aux Emirats arabes unis, Anwar Gargash, premier conseiller du président, a estimé sur les réseaux sociaux que « le monde occidental doit comprendre que son système de valeurs et ses justifications ne peuvent être imposés au monde ». Le ministère des affaires étrangères palestinien a dénoncé une « violation flagrante des (…) valeurs de tolérance, d’acceptation des autres ».
Des organisations dans la région ont également réagi, comme la Ligue arabe qui a condamné une « agression au cœur de notre foi musulmane ». Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a tenu les « autorités suédoises responsables de toutes les réactions résultant de ces actes », alors que l’Organisation de la coopération islamique (OCI) les a condamnés « fermement ».
Une manifestation en janvier, au cours de laquelle un exemplaire du Coran avait été brûlé à Stockholm devant l’ambassade de Turquie, avait suscité la colère à travers le monde musulman et des manifestations et des appels au boycott de produits suédois.