L’Iran et l’Afghanistan se disputent l’eau du Helmand sur fond de réchauffement climatique
vendredi 09/juin/2023 - 04:53
Les tensions entre l'Iran et l'Afghanistan autour de l’approvisionnement en eau se sont soldées par un échange de tirs à la frontière fin mai. Les deux États se disputent le débit de la rivière Helmand dont l’Iran dépend pour irriguer des terres dans le sud aride du pays. La construction de barrages côté afghan est venue changer la donne ces dernières années, faisant de l’or bleu l’objet d'intenses tractations.
Objet de convoitise, de tractations, monnaie d’échange… L’or bleu afghan est devenu un enjeu de plus en plus crucial à mesure que la planète se réchauffe. La rivière Helmand, dont les eaux turquoises prennent leur source dans le centre du pays avant de se déverser près de 1 000 kilomètres plus loin en Iran, est de plus en plus convoitée par Téhéran. Les Taliban l’ont bien compris et en ont fait un outil diplomatique.
La répartition de cette eau, dont dépend l'irrigation de larges terres agricoles dans la province du Sistan-Baloutchistan, dans le sud-est de l'Iran, est source de tension depuis des décennies. Pour tenter de résoudre leur différend, Téhéran et Kaboul ont signé en 1973 un traité donnant le droit aux Iraniens d'utiliser 22 mètres cubes par seconde, plus éventuellement quatre mètres cubes supplémentaires.
Mais l'Iran a accusé récemment l'Afghanistan de ne pas respecter cet accord, reprochant notamment au barrage Kajaki, l'un des principaux barrages hydroélectriques d'Afghanistan, de limiter son approvisionnement en eau.
Une mise en garde du président iranien Ebrahim Raïssi a mis le feu aux poudres. Ce dernier a demandé le 18 mai à l'Afghanistan de laisser couler l'eau du Helmand pour son pays, appelant Kaboul à considérer "sérieusement" son avertissement pour "ne pas se plaindre ensuite".
Le 27 mai, des échanges de tirs ont eu lieu entre les forces iraniennes et les Taliban déployés de part et d’autre de la frontière, faisant deux morts selon les autorités talibanes.
"Ces accrochages résultent des tensions autour de la redistribution de l’eau" confirme Jonathan Piron, historien spécialiste de l’Iran pour le centre de recherche Etopia à Bruxelles. "Le Helmand est une rivière de grande importance pour l’Iran parce qu’elle permet aux zones agricoles du Sistan-Baloutchistan de se développer. Et cela devient d’autant plus important que nous sommes dans une situation où l’accélération des séquences de sécheresse et la réduction de précipitations mettent ces régions agricoles en péril."
Un lac à sec et des tempêtes de poussière
Pays aride, l'Iran connaît de plus en plus d'épisodes de sécheresse, notamment dans le Sistan-Baloutchistan, où le lac Hamoun, alimenté par le Helmand, est désormais tari alors qu'il était auparavant au cœur de la septième zone humide au monde.
Autour du lac, la faune et la flore, l’agriculture et le bétail, ainsi que les villages ont disparu, laissant place à un paysage de désolation.