Intelligence artificielle: le gouvernement dégaine son plan
La ministre de la recherche
Frédérique Vidal et le secrétaire d'Etat au Numérique Mounir Mahjoubi ont
détaillé à Toulouse comment l'Etat va consacrer 665 millions d'euros à la
recherche dans cette discipline d'ici à 2022.
C’est le jour J pour le plan
français sur l’intelligence artificielle. Le gouvernement détaille ce mercredi
sa stratégie nationale de recherche en IA, qui prévoit au total un effort
budgétaire de 665 millions d’euros jusqu’en 2022 : 60% de
cette somme proviendra de fonds ministériels, le reste étant financé par le
programme d'investissements d'avenir (PIA). Conjointement en charge du dossier,
les ministres de l’Enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal
et le secrétaire d’Etat au Numérique Mounir Mahjoubi ont présenté à Toulouse
les grandes orientations de ce plan très largement inspiré des propositions du
rapport présenté au printemps dernier par le député et mathématicien Cédric
Villani.
L’Etat va consacrer 100 millions
d’euros aux «3IA», des
centres interdisciplinaires appelés à devenir les vaisseaux amiraux de la
recherche française en intelligence artificielle. Quatre pôles
régionaux regroupant écoles, universités, centres de recherche publics et
privés ainsi que des grandes entreprises et des start-up ont été retenus pour
bénéficier de ce label «3IA» : Paris avec son projet «Prairie», Toulouse
(«Aniti»), Grenoble («MIAI@Grenoble-Alpes») et Nice («3IA Côte d’Azur»). Les
champs d’activité de ces 3IA concernent la santé, présente dans les quatre
projets, l’environnement (Grenoble, Paris et Toulouse), les transports (Paris
et Toulouse), le développement des territoires (Nice) et enfin l’énergie
(Grenoble).
Objectif 500 doctorats par an
Officiellement, ils ne sont encore
que candidats et toute la question est de savoir comment seront répartis entre
eux l’argent public que le gouvernement va consacrer à ces nouveaux superpôles
de recherche à vocation internationale. Au total et en incluant les apports du
secteur privé, environ 300 millions d’euros seront investis dans
leurs actions allant de programmes d’enseignement et de recherche à des
approches plus grand public afin de sensibiliser les étudiants et les citoyens
en général aux enjeux de l’IA. Le chiffre de 50 «labcoms», un terme
désignant des laboratoires associant universités et entreprises est également
avancé pour un montant d’argent public de 60 millions d’euros.
Autre annonce attendue, l’exécutif
va augmenter les financements de doctorants en intelligence artificielle, avec
l’objectif à terme, de doubler leur nombre en permettant aux chercheurs de
consacrer jusqu’à 50% à des activités en entreprise contre 20%
précédemment. «Nous avons à peu près 250 doctorats en IA soutenus par
an, l’objectif est de passer à 500», indique Frédérique Vidal. Le
gouvernement prévoit aussi la création de 200 chaires qui pourront
accueillir des candidats français comme étrangers. Le budget alloué aux chaires
et aux doctorats doit s’élever environ à 70 millions d’euros.
Du côté des infrastructures, le
plan prévoit également une enveloppe de 115 millions d’euros pour investir
dans les superordinateurs, dont la puissance de calcul est nécessaire pour que
les chercheurs puissent mener à bien leurs recherches. D’une puissance
supérieure à 10 pétaflops (soit 10 millions de milliards d’opérations
par seconde), un supercalculateur réservé à l’IA doit être opérationnel d’ici
à 2020 sur le plateau de Saclay dans l'Institut du développement et des
ressources en informatique scientifique (Idris) du CNRS.
Rivaliser avec la Chine et les
Etats-Unis
Le plan comprend enfin 115 millions
pour les coopérations, notamment avec l’Allemagne qui présentera prochainement
son plan IA, et 100 millions d’euros pour les «Grands défis» autour de
programmes de recherche ciblés. Ces projets de rupture seront financés par le
Fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), doté à terme
de 10 milliards d’euros issus des cessions d’actifs publics dans
Engie, la Française des jeux et Aéroports de Paris qui vont être
privatisés. Les deux premiers défis sélectionnés portent sur l’amélioration
des diagnostics médicaux grâce à l’IA et la certification de ses algorithmes.
«L’ambition de la France est
claire, il s’agit de faire en sorte, avec l’Allemagne que l’Union européenne
soit capable de rivaliser avec la Chine et les Etats-Unis en matière
d’intelligence artificielle», explique-t-on
au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Si la France est l’un des pays en
pointe dans la recherche en IA grâce notamment à son école mathématique
– selon une récente enquête de l’Institut Roland-Berger, elle
concentre 21% des laboratoires européens dans cette discipline, soit la
première place de l’UE sur ce critère –, elle est à ce jour devancée en
nombre de start-up par la Grande-Bretagne. Au total en incluant les apports
privés en financements et en nature, autour d’un milliard d’euros doit être
dépensé dans la recherche dans ce domaine d’ici 2022. Si les comparaisons
internationales sont difficiles dans ce domaine, on estime cependant que la
Chine, qui forme avec les Etats-Unis un duopole des superpuissances de l’IA, en
dépense au moins autant chaque année. Récemment, une étude pointait le réveil
européen dans ce secteur mais déplorait la «fragmentation» de stratégies
nationales trop éparpillées pour permettre à l’Europe de rivaliser dans ce
domaine.