Lune de miel entre l’Égypte et la Syrie
mercredi 12/avril/2023 - 01:08
Le ministre syrien des Affaires étrangères, Faisal Al-Meqdad, était au Caire samedi pour des entretiens avec son homologue, Sameh Choukri. C’est la première visite d’un haut diplomate syrien en Egypte depuis près de 15 ans. Focus.
Les deux ministres ont eu une réunion en tête-à-tête au siège du ministère des Affaires étrangères, avant d’être rejoints par leurs délégations respectives. « Les discussions ont porté sur les moyens d’aider le peuple syrien à restaurer son unité et sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Les efforts pour se remettre du tremblement de terre du 6 février et pour parvenir à un règlement politique global de la crise syrienne ont également été évoqués », a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
Depuis le séisme dévastateur qui a frappé la Turquie et la Syrie en février dernier, les visites et les pourparlers entre les principales parties régionales se sont orientés vers une restauration des relations avec Bachar Al- Assad. Bien que Le Caire ait souligné que ces pourparlers et visites étaient jusqu’à présent strictement humanitaires, les entretiens d'Al-Meqdad au Caire ont pris une dimension politique et visaient à reconstruire les relations entre les deux pays. La Syrie est isolée sur le plan mondial depuis le soulèvement de 2011 contre le régime d’Assad.
Le porte-parole officiel du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Abou-Zeid, a précisé que « les pourparlers ont porté sur les différents aspects des relations et les moyens de les renforcer au profit des deux peuples frères », sans fournir davantage de détails. Les deux ministres avaient convenu « d’intensifier les canaux de communication à différents niveaux afin de traiter les questions d’intérêt commun », a-t-il précisé. Meqdad a, de son côté, exprimé son espoir que la prochaine phase verra une plus grande solidarité arabe avec la Syrie. « Le diplomate a plaidé en faveur d’un rétablissement de la représentation diplomatique égyptienne en Syrie qui avait été réduite en 2013 », a affirmé une source diplomatique à Beyrouth juste avant la rencontre. « La question est de savoir ce que la Syrie offrira en retour », a-t-elle dit. Choukri a souligné l’importance de « poursuivre les procédures liées à la réalisation d’un consensus national en Syrie, de renforcer la confiance et de poursuivre les réunions du Comité constitutionnel syrien ».
Le fait que le ministre syrien n’a pas été reçu par son homologue égyptien à l’aéroport et qu’aucune conférence de presse n’a eu lieu après leur réunion suggère, en effet, la réticence du Caire à se précipiter vers un rétablissement complet des relations avec la Syrie avant un quelconque changement sur le terrain. Le dernier ministre syrien des Affaires étrangères à avoir visité l’Egypte était Walid Al-Mouallem en 2009.
Contacts sécuritaires
Malgré la rupture des liens diplomatiques, Le Caire a maintenu des contacts au niveau sécuritaire avec le régime d’Assad. Le chef du Bureau de la sécurité nationale syrien, Ali Mamlouk, a visité Le Caire deux fois en 2016 et 2018 pour discuter de questions politiques et sécuritaires, y compris des efforts de lutte contre le terrorisme. L’Egypte a également accueilli nombre de factions syriennes et a négocié des accords limités de réconciliation et de cessez-le-feu entre les groupes armés et le gouvernement syrien.
Cependant, l’appel téléphonique récent entre le président Abdel-Fattah Al-Sissi et Bachar Al-Assad a marqué un changement significatif dans les relations. Les deux chefs de diplomatie ont également abordé les dossiers régionaux, dont l’accord saoudoiranien. Riyad et Damas ont annoncé que des pourparlers étaient en cours sur la reprise des services consulaires, et Assad s’est rendu aux Emirats arabes unis en visite d’Etat.
Les observateurs spéculent que le prochain sommet de la Ligue arabe en mai, qui sera organisé par le Royaume saoudien, offrira à Damas l’opportunité de réintégrer l’organisation, après 12 ans de suspension. Il n’y a cependant pas de plans pour une rencontre entre Meqdad et le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul- Gheit. « La visite d'Al-Meqdad à la Ligue arabe n’est pas prévue dans un avenir proche », a précisé une source arabe au Caire samedi. Avant le dernier sommet arabe en novembre, l’Algérie, président du sommet, n’avait pas réussi à construire un consensus autour de la réhabilitation d’Assad. « Certains grands pays arabes, dont l’Arabie saoudite, l’Egypte et le Qatar, se sont opposés à cette initiative à l’époque », affirme la source. « Il y a eu des discussions pendant environ un mois avant le sommet, mais l’Algérie n’a pas pu les persuader de mettre fin à la suspension de la Syrie », explique la source. Un tel consensus est en train de se développer maintenant, même s’il reste incertain.
Le Qatar a déclaré la semaine dernière qu’il n’avait pas changé de position concernant le retour de la Syrie à la Ligue, affirmant qu’il « ne normalisera pas avec le régime syrien tant que les raisons qui ont conduit à son boycott ne seront pas éliminées ». Selon le diplomate basé à Beyrouth, l’Arabie saoudite n’a pas encore pris de décision finale sur un rétablissement des relations avec Damas.
La Syrie réhabilitée
L’Égypte n’est pas le premier État arabe à raviver les liens avec le gouvernement de M. Assad après l’avoir ostracisé pendant plus d’une décennie pour sa répression brutale contre les opposants dans son pays. L’Arabie saoudite a également entrepris de se rapprocher de la Syrie au point de rétablir prochainement leurs relations diplomatiques.
Les entreprises égyptiennes espèrent remporter des milliards de dollars en contrats de reconstruction potentiels en Syrie une fois les liens rétablis.
Mais certains pays arabes comme le Qatar résistent. Doha a déclaré qu’il ne normaliserait pas les relations avec la Syrie à moins que M. Assad ne prenne des mesures sérieuses pour réparer les dommages qu’il a causés à tous les Syriens.