Cinq ans après Daech, les chrétiens d'Irak restent traumatisés
mercredi 08/mars/2023 - 06:02
La visite de la délégation de la Conférence des évêques de France en Irak s'achève ce jeudi 9 mars. Cinq ans après la défaite de Daech, ils sont venus rencontrer les chrétiens du pays. Des chrétiens encore traumatisés par toutes les violences subies.
Du 5 au 9 mars 2023 une délégation de la Conférence des évêques de France (CEF) se rend en Irak, cinq ans après la défaite de Daech. Le président de la CEF, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, accompagné de Mgrs Laurent Ulrich et Dominique Lebrun, avec le Père Hugues de Woillemont, porte-parole de la CEF, doit se rendre à Bagdad, Mossoul, Qaraqosh et Erbil. Un voyage pour "s'informer de la situation des chrétiens" et "eur manifester le souci constant de l’Église de France à leur égard", annonce la CEF. Le directeur de L’Œuvre d’Orient, Mgr Pascal Gollnisch est aussi du voyage. En 2016, l’association avait mené avec la CEF une action commune de soutien aux populations.
Toutes les violences du passé, toutes les atrocités, les enlèvements, les meurtres, le déplacement de 120.000 chrétiens de la plaine de Ninive à cause de l’attaque de Daech… tout cela c’est un traumatisme qui continue à être douloureux
Cinq ans après Daech, les chrétiens toujours traumatisés
C’est le 9 décembre 2017 qu’a été officiellement annoncée la défaite de l’organisation l’État islamique par le premier ministre irakien. On s’en souvient, en juin 2014, l’expansion de Daech en Irak et en Syrie avait été fulgurante. Cet été-là, une délégation de la CEF s’était rendue en Irak aux côtés de Mgr Pascal Gollnisch pour soutenir notamment les chrétiens d’Orient menacés. Durant trois ans, les chrétiens d’Irak ont été chassés de leurs villages par Daech, victimes d’attentats, d’enlèvements et de persécutions. Beaucoup ont fui à l’étranger.
"Cinq ans après Daech les chrétiens ne sont plus victimes de violences. Ils ne sont plus sous la menace directe des djihadistes, ça c’est la bonne nouvelle", note Faraj Benoît Camurat, fondateur et directeur général de Fraternité en Irak. "La mauvaise nouvelle, et la grande difficulté, c’est que toutes les violences du passé, toutes les atrocités, les enlèvements, les meurtres, le déplacement de 120.000 chrétiens de la plaine de Ninive à cause de l’attaque de Daech… tout cela c’est un traumatisme. Un traumatisme qui continue à être douloureux, à faire souffrir, qui continue à peser sur les chrétiens d’Irak."
Avant Dach, il y eu "les enlèvements, les coups de feu qu’ont subi les chrétiens depuis 2003", rappelle Faraj Benoît Camurat, les pics de violences de 2008 et 2010", avec l’attentat de la cathédrale de Bagdad. En 20 ans, le nombre de chrétiens en Irak serait passé de 1,5 million à 250.000 au cours de ces vingt dernières années.
Aider les chrétiens à rester en Irak
Et depuis septembre 2022, "environ 150 familles chrétiennes ont quitté l’Irak", regrette le directeur de Fraternité en Irak, qui comprend cette volonté de partir. "On ne peut pas les juger", dit-il. Son association fait tout pour permettre aux Irakiens de vivre dignement sur leur terre. "L’enjeu c’est que les gens qui le souhaitent puissent rester dans leur pays, précise Faraj Benoît Camurat, ça, ça se fait à travers la relance économique." Avec son programme de soutien aux artisans, l’association a permis de "relancer plusieurs centaines d’emplois à travers quasiment 150 petites entreprises".
Pour un véritable état de droit en Irak : le vœu de l’Église locale
Il y a deux ans, lors de son voyage en Irak, le pape François avait appelé les responsables ecclésiaux à diffuser le vaccin de "l’espérance" contre le "virus du découragement". Pour Faraj Benoît Camurat, "le défi" pour les populations locales est de "sortir d’un système trop souvent jugé comme clanique ou tribal pour entrer dans ce que le patriarche Sako appelle de ses vœux : un véritable état de droit, dans lequel il y aurait une citoyenneté réelle, pour tous, y compris pour les chrétiens et les membres d’autres communautés, d’autres religions, comme les Yézidis ou les Mandéens ou les Kakaïs. Et où ce ne serait pas l’appartenance à une tribu qui déterminerait votre rôle et votre emploi mais bien qui vous êtes et vos compétences personnelles. L’avènement d’une citoyenneté réelle et non plus un déterminisme basé sur la caste ou la tribu d’appartenance."