Publié par CEMO Centre - Paris
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Après les séismes, quel avenir politique pour la Turquie d’Erdogan ?

jeudi 16/février/2023 - 04:10
La Reference
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La Turquie n’avait pas besoin des séismes du 6 février pour agiter sa vie politique intérieure. Alors que le pays subit une crise économique majeure, l’approche de l’élection présidentielle pose des questions. Faut-il maintenir ou reporter le scrutin, dans le pays de Recep Tayyip Erdogan ?
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Alors que le bilan des séismes du 6 février a dépassé les 37 000 victimes en Turquie et en Syrie, la priorité est-elle à la tenue d’une élection présidentielle ? C’est en tout cas la question qui se pose en Turquie, où Recep Tayyip Erdogan brigue sa réélection lors du scrutin prévu le 14 mai prochain.

La question d’un report du vote flotte toutefois dans les esprits turcs, explique Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble et spécialiste de la Turquie contemporaine. L’AKP, le parti présidentiel, « teste cette hypothèse » au sein de la population abasourdie et ravagée par les tremblements de terre. Pour l’opposition, toutefois, il est hors de question d’attendre une année de plus pour que les Turcs se rendent aux urnes. Kemal Kiliçdaroglu, leader du parti kémaliste, le Parti républicain du peuple, a d’ailleurs rappelé que la Constitution permettait un report du scrutin en cas de guerre. Et non de catastrophe naturelle, si dévastatrice soit-elle.
La Turquie est en deuil depuis lundi, après le tremblement de terre de magnitude 7,8 qui a fait plus de 18 300 victimes. La capacité de réponse de l’Etat est mise à rude épreuve et révèle les frontières invisibles du territoire. 
 « Je ne peux pas me sortir cette scène de la tête, ne cesse de répéter Sultan, habitante de Diyarbakir, en sanglotant, nous avions été voisines pendant des années. Elle était enceinte. Elle hurlait de terreur à la fenêtre après la première secousse quand l’immeuble s’est effondré sur elle. Une famille de six personnes… Seul le petit de 6 ans a réussi à s’échapper de justesse. » Depuis lundi, la grand-mère d’une soixantaine d’années raconte la scène, encore et encore. Sous le choc du tremblement de terre de magnitude 7,8 qui a touché le sud-est de la Turquie, elle et ses proches ont trouvé refuge dans les locaux de la chambre de commerce et d’industrie de la grande ville des régions à majorité kurde du pays. Installée au premier étage du bâtiment, la famille a reconstitué un semblant d’intérieur : matelas disposés le long des murs en guise de canapé, espace de jeu pour les enfants, coins plus calmes réservés au repos…
« J’ai essayé de retourner chez moi, mais j’ai peur que l’immeuble ne s’effondre. Le gaz a été coupé… et j’ai l’impression de sentir une odeur, comme celle d’un cadavre », précise-t-elle, une crispation un peu plus marquée sur le visage. Assise en tailleur face à elle, une de ses cousines écoute une énième fois le récit avec compassion. Elle attend des nouvelles de trois membres de sa famille coincés sous les décombres. Trois jours après le drame, des miracles continuent de se produire. Le bilan provisoire de la catastrophe fait état de 18 342 morts, le séisme le plus meurtrier dans le pays depuis celui d’Erzincan en 1939, qui avait fait près de 33 000 victimes.
Violentes altercations
Pour d’autres, la colère a désormais remplacé le deuil. « Est-ce que vous vous rendez compte ? Toute la solidarité s’organise sur les réseaux sociaux, des gens ont besoin d’aide, et les autorités décident de suspendre Twitter ! », enrage Mahmut, jeune professeur de musique de 25 ans, les sourcils froncés et le regard noir. Ayant grandi dans les régions kurdes soumises à la pression des autorités centrales, il caressait pourtant le rêve de vivre un jour dans un pays libéré des tensions ethniques. La réponse politique du gouvernement a achevé de réduire ses espoirs en miettes. « Depuis quatre jours, ce qui m’a le plus révolté, c’est le discours télévisé d’Erdogan après la catastrophe. Il n’y avait que de la colère et de la dureté dans son regard… En tant que victime d’un séisme, je ne m’attendais pas à cela de la part du président. Je n’ai vu aucune peine dans son regard, aucune empathie », s’exclame-t-il. La peur qui s’est emparée de la société ces dernières années dissuadait les critiques contre le gouvernement. Le drame de ces derniers jours a délié les langues.

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