Syrie : l’ADN des armes de Daech a parlé
jeudi 02/février/2023 - 03:40
Trois chiffres, un tiret et quatre autres chiffres. Les enquêteurs de CAR (Conflict Armament Research), une ONG britannique qui documente la prolifération des armes dans le monde, ont fait une découverte éclairante en Syrie. De nombreuses armes utilisées dans des attaques contre la prison Al-Sinaa de Hassaké, où sont enfermés plus de 5 000 djihadistes, proviendraient des stocks des miliciens islamistes entraînés par la Turquie. C'est ce que conclut un rapport remis par l'ONG en janvier après une longue enquête de terrain.
La prison, principal centre de détention des militants de Daech en Syrie, a été le théâtre de nombreuses mutineries et tentatives d'évasion ces dernières années. La sécurité y est précaire. Le 20 janvier 2022, des djihadistes ont attaqué la porte principale à l'aide d'une voiture piégée et ont tenté de faire libérer des centaines de prisonniers. De violents combats autour de la prison ont fait près de 500 morts et tout le quartier de Geweiran, à Hassaké, a été placé sous couvre-feu pendant deux semaines. Un an après, la ville ne s'en est toujours pas remise. Les forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les forces spéciales des pays membres de la coalition internationale, principalement américaines, ont démantelé des cellules dormantes de Daech, qui s'apprêtaient, de nouveau, à passer à l'action.
«Wagner turc »
« À chaque saisie de matériel, CAR a pu observer des armes portant une seconde marque distinctive. Cette marque apparaît sur un vaste échantillon de matériel – neuf armes telles que des fusils-mitrailleurs ou un lance-roquettes – et montre que ces armes ont partagé un fournisseur commun », précise le rapport. « L'analyse de CAR suggère fortement que ces marques indiquent que ces neuf armes ont toutes été, à un moment, sous la possession de l'Armée nationale syrienne (ANS). » L'ANS est une coalition de bataillons islamistes et de mercenaires syriens, parfois issus de groupes djihadistes, qui sont entraînés, armés et utilisés par la Turquie, et notamment par la société militaire privée SADAT, le « Wagner turc ».
Les enquêteurs de CAR font état de liens entre ces groupes armés qui opèrent dans le nord-ouest de la Syrie, et les fournisseurs d'armes à l'État islamique. « La contrebande d'armes en provenance de la Turquie bénéficie à Daech. Un défi est posé par les activistes de Daech et le fait qu'ils trouvent refuge dans les régions contrôlées par la Turquie », souligne Nicholas Heras, expert militaire et directeur adjoint de l'unité de sécurité à l'institut New Lines, à Washington.
Une recrudescence d'attaques a secoué le territoire du Nord-Est syrien ces derniers mois. Dans toute la région, une résurgence de Daech est redoutée. Les Forces démocratiques syriennes et leurs alliés occidentaux ont lancé en janvier une opération baptisée Martyrs de Raqqa, pour démanteler des cellules dormantes, présentes à Raqqa, à Hassaké ou encore à Al-Hol, près du camp où sont détenus plus de 50 000 hommes, femmes et enfants, dont de nombreuses familles de djihadistes.