L’organisation Etat islamique a utilisé des armes chimiques, selon des experts de l’ONU
mardi 17/janvier/2023 - 03:22
Les enquêteurs des Nations unies concluent que le groupe djihadiste « a fabriqué des roquettes et mortiers chimiques, des munitions chimiques pour lance-roquettes, des têtes de missile chimiques » à l’époque de son « califat » autoproclamé.
Des experts des Nations unies ont mis au jour des preuves de l’utilisation d’armes chimiques par l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) à l’époque de son « califat » autoproclamé, selon un rapport qui devait être débattu lundi 5 décembre par le Conseil de sécurité.
Les membres de l’Unitad, l’équipe d’enquêteurs chargée d’amener l’EI à répondre de ses crimes, affirment avoir recueilli des « preuves testimoniales, numériques et documentaires » relatives à l’emploi d’armes chimiques en Irak sous le « califat » (2014-2019).
Les experts concluent que l’EI « a fabriqué et produit des roquettes et mortiers chimiques, des munitions chimiques pour lance-roquettes, des têtes de missile chimiques et des dispositifs explosifs de circonstance ». L’enquête s’intéressait notamment « au financement, à l’approvisionnement et à la logistique de [l’EI] et à ses liens avec les éléments de commandement, [et cherchait à] savoir quels étaient les sites présumés de fabrication, de production et d’utilisation d’armes en Irak, à obtenir un complément d’informations sur les agents fabriqués (…) et les vecteurs employés ».
« Services monétaires »
Les experts se sont en particulier concentrés sur une attaque perpétrée contre la commune de Taza Khormatu le 8 mars 2016. Ils affirment avoir recueilli « une importante quantité d’éléments de preuve », notamment « des états de paie et des éléments de la correspondance » du groupe djihadiste. L’équipe « a examiné des preuves d’indemnisation de familles pour le “martyre” de leurs membres tués alors qu’ils manipulaient des armes chimiques (…), et des registres des formations dispensées (…) à des agents de haut rang sur l’utilisation de substances chimiques comme armes, notamment des engins à dispersion chimique ». Parmi les produits utilisés figuraient « le phosphure d’aluminium, le chlore, la bactérie Clostridium botulinum, le cyanure, la nicotine, la ricine et le sulfate de thallium ». Le rapport souligne « les complications médicales dont souffrent actuellement les résidents de Taza Khormatu (maladies chroniques, cancers et troubles de la reproduction, notamment) ».
Le rapport revient aussi sur d’autres crimes majeurs, notamment des violences sexuelles en masse, la persécution de la communauté chrétienne et d’autres communautés d’Irak, ainsi que la destruction du patrimoine culturel et religieux du pays.
Par ailleurs, concernant le financement de l’EI, l’Unitad « a considérablement étoffé sa base d’éléments de preuve contre ceux qui, dans les réseaux commerciaux de services monétaires, ont fourni un soutien logistique à [l’organisation] et tiré profit de ses campagnes de violence ». Selon elle, « des liens fonctionnels ont été établis entre les réseaux de Mossoul et Bagdad et les réseaux régionaux plus importants du Moyen-Orient et de la région du Golfe ». Des éléments « démontrent une association étroite » entre les chefs du groupe djihadiste « et certaines entreprises de services monétaires, qui se sont rendues complices de systèmes d’extorsion de fonds [visant] la population locale ».
L’EI avait établi en juin 2014 un « califat » dans une vaste région à cheval sur l’Irak et la Syrie. Une coalition internationale, dirigée par les Etats-Unis, avait combattu l’organisation jusqu’à ce que les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, s’emparent en mars 2019 de l’ultime bastion de l’EI, Baghouz, dans l’est de la Syrie.