En Irak, le Parlement élit Abdel Latif Rachid président de la République
lundi 16/janvier/2023 - 07:53
L’objectif est de sortir de l’impasse politique après une année marquée par des violences et des tensions dans le pays. Lors d’un vote très attendu et incertain, le Parlement irakien a finalement réussi à trancher, jeudi 13 octobre, en élisant Abdel Latif Rachid, 78 ans, président de la République.
A l’issue d’un second tour, Abdel Latif Rachid a été désigné pour un mandat de quatre ans en récoltant plus de 160 voix face au président sortant, Barham Saleh (99 voix), a précisé un responsable de l’Assemblée aux journalistes. Dans la foulée, le nouveau président a chargé l’ancien ministre et député Mohamed Chia Al-Soudani de former un gouvernement.
Un habitué des dédales du pouvoir
Abdel Latif Rachid est un familier des dédales du pouvoir à Bagdad. Ingénieur hydraulique de formation, diplômé en Grande-Bretagne, ce militant kurde de la première heure a en effet intégré pour la première fois un gouvernement dès 2003, après la chute de Saddam Hussein. Jusqu’en 2010, il était notamment chargé du portefeuille des ressources hydriques.
Comme M. Saleh, le nouveau président est issu de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), parti historique de la minorité kurde que M. Rachid a représenté dans les années 1990 à Londres. Proche de Jalal Talabani, fondateur de l’UPK, M. Rachid occupe depuis 2010 un poste de conseiller présidentiel.
Tandis que les factions du Cadre de coordination (coalition chiite favorable à l’Iran) cherchaient coûte que coûte à former un gouvernement, sa candidature a refait surface à la dernière minute, les deux partis kurdes – l’UPK et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) – n’arrivant pas à s’accorder sur un nom.
« L’atout de Latif Rachid est qu’il n’est pas étranger » à la scène politique, a déclaré à l’Agence France-Presse le politologue Hamzeh Hadad.
L’incertitude la plus totale planait sur la séance parlementaire qui s’est tenue en fin de matinée jeudi, dans la « zone verte », ce quartier de Bagdad bouclé par les forces de sécurité et abritant ambassades et institutions gouvernementales. Depuis les législatives du 10 octobre 2021, les barons de la politique irakienne n’avaient toujours pas réussi à s’entendre. Dans ce pays multiconfessionnel et multiethnique, la polarisation n’a fait que s’aggraver ces derniers mois.
En filigrane transparaissent les luttes d’influence entre les deux grands pôles chiites dominant le pouvoir : d’un côté les factions du Cadre de coordination, de l’autre l’imprévisible et tempétueux chef religieux Moqtada Al-Sadr.
Trois tentatives d’élection ratées
La présidence de la République, fonction hautement honorifique traditionnellement réservée à un Kurde, cristallise les tensions entre les deux grands partis historiques de l’importante minorité kurde. Le poste revient généralement à l’UPK, tandis que le PDK garde la haute main sur les affaires du Kurdistan autonome.
Trois fois cette année, le Parlement a tenté d’organiser l’élection du président, ne parvenant pas à atteindre le quorum des deux tiers requis pour le vote (220 députés sur 329).
En Irak, depuis l’invasion américaine qui renversa Saddam Hussein en 2003, la communauté chiite, majoritaire, domine le pouvoir et ses partis donnent le « la » de la vie politique. Cet été, la candidature de Mohamed Chia Al-Soudani pour la présidence avait mis le feu aux poudres et provoqué des tensions entre le Cadre de coordination et le courant sadriste – les partisans de Al-Sadr allant jusqu’à occuper les environs du Parlement pendant un mois.
Le Cadre de coordination représente aujourd’hui la première force au sein du Parlement, en raison du retrait inattendu des 73 députés du courant sadriste. Habitué aux coups d’éclat, le trublion de la politique Moqtada Al-Sadr exigeait une dissolution du Parlement et des législatives anticipées avant tout scrutin pour élire le Président de la République, appuyé par des milliers de manifestants dans la rue.
L’épreuve de force a atteint son paroxysme le 29 août, quand plus de trente partisans sadristes ont été tués dans des affrontements contre l’armée et les forces du Hachd Al-Chaabi, intégrées aux troupes régulières.